L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Mais ils avaient eu `a peine le temps de s’apercevoir de la pr'esence de ce personnage, qu’une porti`ere se soulevait. Une dame apparut courb'ee par l’^age. Elle avait sur le front, descendant tr`es bas, deux lourds bandeaux de cheveux d’une blancheur 'eblouissante. Elle appuyait sur une canne son corps affaibli, mais, malgr'e les ann'ees, elle avait une voix douce et harmonieuse et un visage aux traits d'elicats.
Elle s’inclina devant les nouveaux venus qui s’empressaient respectueusement aupr`es d’elle, s’excusant de leur intrusion et se nommant l’un l’autre.
— Princesse Sonia Danidoff. Ellis Marshall.
— Soyez les bienvenus dans ce pays lointain, par cette mauvaise nuit. Vous ^etes ici au manoir de Kergollen. Je vais vous faire pr'eparer quelque chose de chaud, entrez donc dans la salle `a manger.
Sonia Danidoff se confondit en remerciements, cependant qu’Ellis Marshall, toujours convaincu qu’on ne s’acquiert la complaisance des gens qu’en flattant leur cupidit'e, glissait un louis d’or dans la main de la petite bonne bretonne, stup'efaite.
— C’est `a la ch^atelaine du manoir de Kergollen, interrogea Sonia Danidoff, toujours tr`es femme du monde, que j’ai l’honneur de parler ?
— Je m’appelle dame Brigitte. Vous ^etes en effet, ici, chez moi.
Install'es devant un grand feu, Sonia Danidoff et Ellis Marshall, de plus en plus confondus de l’amabilit'e avec laquelle on les recevait, s’'etaient `a peu pr`es s'ech'es.
— Nous nous sommes perdus, expliquait Sonia Danidoff, alors que nous nous croyions tout pr`es de la pointe Sainte-Mathieu.
— La pointe Saint-Mathieu ? s’'ecria la vieille dame, mais vous en ^etes `a trois cents m`etres `a peine. Que voulez-vous donc y faire `a cette heure de la nuit ?…
— Mon Dieu, madame, dit Marshall, si 'etrange que cela puisse vous para^itre, nous tenions `a nous assurer du passage `a proximit'e de cette pointe d’un navire que nous attendons.
— Vous attendez un navire `a la pointe Saint-Mathieu ? et pour quoi faire mon Dieu ?
— C’est un navire de guerre, madame, un navire de mon pays, un cuirass'e russe qui remonte du sud et se dirige vers la Baltique. Nous avions des raisons d’'Etat pour nous efforcer de l’apercevoir…
Dame Brigitte parut 'emue.
— Le nom de ce navire ? balbutia-t-elle.
— Le Skobeleff.
Dame Brigitte ne r'epondait pas, mais elle se leva pr'ecipitamment, quitta le voisinage de la grande chemin'ee devant laquelle elle 'etait assise, trottina jusqu’`a une fen^etre, l’ouvrit toute grande, en poussait les volets. Un nuage de brouillard p'en'etrait dans la pi`ece, mais la vieille ch^atelaine du manoir de Kergollen ne paraissait pas s’en apercevoir. Elle appela M. Ellis Marshall et avec pr'ecipitation, comme si elle e^ut 'et'e d'esireuse de changer le th`eme de la conversation, elle d'eclara :
— Je vous disais que la pointe Saint-Mathieu 'etait `a trois cents m`etres d’ici. Oui, le manoir de Kergollen est construit au sommet de la falaise. D’ailleurs, poursuivait-elle, pr^etez un instant l’oreille, et vous entendrez le bruit de la mer qui se brise sur les r'ecifs de la pointe.
`A cette clameur immense des flots semblait s’en m^eler une autre, plus 'etrange encore, plus vague. C’'etait comme des voix, des plaintes et des cris, des grognements qui retentissaient, nets et pr'ecis, par intervalles irr'eguliers. On croyait percevoir aussi un son de cloches et par moments la sir`ene d’un navire.
— Fichu temps, dit Ellis Marshall, pour dissimuler le l'eger trouble qu’il 'eprouvait.
Mais la vieille dame, d’une main tremblante, lui imposa silence :
— 'Ecoutez, 'ecoutez encore.
— Le Skobeleff, murmura enfin Sonia Danidoff, n’est-ce pas le bruit d’une sir`ene ? d’un navire en d'etresse que nous entendons ?
La princesse russe avait `a peine prononc'e ces mots, que la vieille dame joignait les mains, puis soudain, elle rentra dans la pi`ece et elle appela :
— Jean-Marie.
Au bout de quelques instants, un pas lourd de sabots se fit entendre sur les dalles de pierre, la porte donnant dans la salle `a manger s’ouvrit, un homme apparut.
C’'etait un gaillard solide, `a la barbe hirsute, aux yeux noirs, 'etincelants, dissimul'es sous des sourcils touffus et trop longs.
— Jean-Marie, demanda la vieille dame, quels sont ces bruits sur la c^ote ?
— Ca doit ^etre un navire qui ne reconna^it pas sa route ; le phare n’'eclaire pas cette nuit.
La vieille dame parut alarm'ee :
— Jean-Marie, fit-elle, j’ai peur. Ne quittez pas la maison, v'erifiez bien les fermetures.
L’homme hocha la t^ete affirmativement, puis quelques instants apr`es, il se retirait sans mot dire.
La petite bonne, `a son tour, fit sa r'eapparition. Elle annonca que les chambres 'etaient pr^etes, que ce monsieur et cette dame pouvaient gagner leurs appartements.
***
Jean-Marie cependant, une fois dame Brigitte remont'ee dans son appartement, avait recouvert de cendres le feu qui br^ulait dans le foyer de la grande chemin'ee de la salle `a manger, puis il avait 'eteint les lampes du vestibule.
D’un ton bourru, il avait ordonn'e `a la petite bonne de regagner sa chambre. Alors, le colosse resta seul au rez-de-chauss'ee. Pour faire croire qu’il accomplissait soigneusement la besogne dont il avait 'et'e charg'e, Jean-Marie fit tourner p^enes et cl'es. Mais, `a un moment donn'e, alors qu’il v'erifiait une petite porte, au lieu de la clore de l’int'erieur, il sortit de la maison et tourna la clef du dehors.
Dehors, Jean-Marie fonca dans la nuit noire, en direction de la falaise.