L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Mais, pardon Juve, qu’allons-nous faire ?
— Voil`a. Toi, qu’on ne conna^it pas Fandor, tu vas d’abord aller t’enqu'erir aupr`es de ces gens des causes de leur arr^et. Ellis Marshall vient de remettre son moteur en route, c’est donc que vraisemblablement il n’a eu qu’une panne de pneus. D’autre part, Sonia Danidoff n’est pas encore remont'ee en voiture. Tu vas, sous pr'etexte de savoir s’ils n’ont besoin de rien, te rapprocher d’eux, examiner rapidement le m'ecanisme pour ^etre s^ur de d'emarrer proprement et puis, dame, au petit bonheur.
— Au petit bonheur ?
— Oui, sur un signe que tu me feras, j’aborderai par derri`ere le baronnet anglais. J’ai l’habitude de passer les menottes aux gens sans m^eme me faire voir d’eux. Tu connais le mouvement, pas vrai, Fandor ? un coup de genou dans les reins, cependant que l’on empoigne solidement les deux coudes et que l’on attire les avant-bras derri`ere le dos, c’est l’affaire d’une seconde. Pendant ce temps-l`a tu sautes au volant et moi je te rejoins.
`A pas tranquilles, le journaliste se rapprocha de la voiture automobile. Le coeur lui battait un peu `a l’id'ee de l’agression brutale qu’il allait commettre, d’accord avec Juve. Ce qui l’impressionnait surtout, c’'etait l’id'ee que l’affaire devait ^etre bien importante, que le d'esir d’arriver `a la pointe du Raz tenait bien Juve `a coeur pour que lui, l’homme de devoir et de conscience par excellence, e^ut imagin'e un tel plan.
Fandor, s’'etant rapproch'e de l’automobile, salua discr`etement la princesse Sonia Danidoff qui ne le reconnaissait en aucune facon. Puis, Fandor interrogea Ellis Marshall. Il s’'etait rapproch'e de lui et tr`es adroitement plac'e entre l’automobiliste et sa voiture.
Ellis Marshall r'epondit avec politesse aux interrogations de Fandor. Il le remercia.
— Non, tout marche `a merveille, je viens simplement d’avoir un pneu crev'e.
Mais, `a ce moment, Fandor levait le bras en l’air.
Aussit^ot, le baronnet poussa un hurlement terrifi'e : il tomba `a la renverse et roula dans la poussi`ere.
Fandor, cependant, bondissait au volant de la voiture. En quelques gestes pr'ecipit'es, il s’assurait de la disposition des leviers. Certes, il fit un peu grincer les engrenages, mais il r'eussit quand m^eme `a d'emarrer la voiture.
En l’espace de quelques secondes il en 'etait ma^itre.
— Allons-y, fous le camp, cria Juve.
Un instant apr`es, le policier 'etait aux c^ot'es du journaliste et Fandor, poussant le levier dans le cran de la deuxi`eme vitesse, faisait acc'el'erer l’allure.
— Ca y est, conclut flegmatiquement le journaliste, la voiture s’en va bien, elle est puissante et si nous pouvons marcher comme cela, nous ne tarderons pas `a atteindre…
Il s’interrompit brusquement : un sifflement aigu fr^ola son oreille, cependant que deux d'etonations successives retentissaient.
— Diable, avait grogn'e Juve, tandis que Fandor poursuivait, de plus en plus flegmatique :
— … `A moins que l’une des balles que l’on vient de tirer sur nous ne parvienne `a destination. C’est qu’il n’y va pas de main morte, cet Anglais de malheur.
— L’Anglais, rectifia Juve, ce n’est pas lui qui tire, c’est Sonia Danidoff.
— Eh bien, j’aime autant cela, fit Fandor. `A moins d’^etre la fille de Fant^omas, une femme est rarement un tireur de premier ordre.
Mais d'ej`a ils 'etaient loin.
— Pauvre Sonia, pauvre Ellis Marshall, s’'ecria le policier dont la conscience 'etait bourrel'ee de remords, nous venons tout de m^eme de leur jouer un bien sale tour.
— Mais, dites-moi, Juve, sommes-nous sur la bonne route ?
`A la lueur des phares, le policier consulta les bornes :
— Cela va bien, dit Juve, et si nous n’avons pas d’accidents, nous arriverons `a Plogoff dans moins d’une heure.
Apr`es avoir travers'e une r'egion pittoresque et pass'e dans les rues 'etroites d’Audierne, l’automobile, pilot'ee par Fandor, s’'etait engag'ee sur la route aride et d'eserte qui m`ene `a la pointe du Raz.
Juve, au bout de quelques kilom`etres parcourus sur un chemin qui longeait la mer `a quelque distance, apercut l’amorce d’un petit sentier tortueux qui semblait descendre le long d’une falaise.
— Arr^ete, Fandor, dit-il, c’est l`a.
— Jamais, objecta le journaliste, l’automobile ne prendra ce chemin. Si nous nous y aventurons, on chavirera dans les cinq minutes.
— Grosse b^ete, il ne s’agit pas de descendre en voiture, mais bien `a pied. Au surplus, si mes calculs sont exacts et mes ordres ex'ecut'es, nous devons trouver une barque au bas de cette falaise.
— Et l’automobile ? interrogea Fandor…
— L’automobile ? fit Juve, eh bien, laissons-la sur la route, il n’y a pas autre chose `a faire.
— Dommage, murmura Fandor, qui quittait `a regret le volant, elle tournait joliment bien.
— Elle nous a rendu un fier service, car nous n’avons rendez-vous avec le Skobeleff qu’entre une heure et deux heures du matin. Or, il est minuit `a peine.
— Dr^ole de rendez-vous. Enfin, Juve, c’est vous le chef de l’exp'edition, je vous suis comme un caniche. Montrez le chemin ?
Pendant vingt minutes environ, le policier et le journaliste jou`erent aux acrobates.
C’'etait, en effet, vers l’enfer de Plogoff qu’ils se dirigeaient. Lieu sinistre, tombeau de tant d’^etres, emb^uche tendue par la nature aux navigateurs inexperts ou mal renseign'es, vestibule de ce chaos formidable que constitue l’ensemble de la pointe du Raz, derri`ere laquelle, au nord, `a l’oppos'e de l’enfer de Plogoff, se trouve la baie des Tr'epass'es.
Il fallait toute l’adresse merveilleuse de Juve et de Fandor pour s’aventurer de nuit, l`a o`u les ch`evres elles-m^emes h'esitent `a passer le jour.