L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Quoi qu’elle fasse, je l’aiderai malgr'e elle, je la prot'egerai contre ses adversaires, je lui faciliterai la disparition qu’elle m'edite 'evidemment.
Fant^omas se disait que si, d’aventure, les gendarmes que l’on avait d^u r'eclamer d’urgence `a la brigade allaient d'ecouvrir cet uniforme, ils s’inqui'eteraient d’en trouver le propri'etaire. Il fallait donner `a ses v^etements d'echiquet'es d'ej`a, par les rochers, satur'es d’eau de mer, un possesseur, un propri'etaire nouveau.
Le bandit, avec une agilit'e surprenante, descendit jusqu’au fond de l’ab^ime, et l`a, ainsi qu’un vautour, il examinait les morts, il chercha parmi eux un corps jeune et mince qu’il p^ut, sans difficult'es, rev^etir de l’uniforme abandonn'e par H'el`ene. Bient^ot Fant^omas avisa un cadavre de mousse, que les rochers et la mer, en se le disputant avec fureur avaient d'epouill'e de ses effets. Sans souci du sacril`ege qu’il commettait, Fant^omas, par les cheveux, attirait le cadavre sur le sable. Avec des gestes h^atifs et brutaux, il le glissa dans l’uniforme d’aspirant de marine.
Satisfait de son oeuvre, Fant^omas attira le mort `a terre, le placa bien en 'evidence au sommet d’un rocher, `a l’abri, sinon des oiseaux de proie, du moins des caresses tra^itresses de la vague en furie. Il s’en allait enfin, l’ignoble bandit, puis revint soudain, un pli soucieux marquant son front.
Il avait oubli'e quelque chose. Le visage de cet enfant, surpris en plein sommeil par la mort implacable, n’'etait nullement d'efigur'e. D`es lors quand, avec la police, les survivants du Skobeleff, feraient le d'enombrement des victimes, il pourrait se trouver quelqu’un qui reconna^itrait un simple mousse sous l’uniforme de l’officier.
Le Roi du crime s’empara d’une lourde pierre, puis, de toute la vigueur de son bras, l^acha le quartier de roche sur le cr^ane du tr'epass'e. Les os vol`erent en 'eclat, les chairs du visage s’arrach`erent, se transform`erent instantan'ement en une bouillie informe et sanguinolente, et, Fant^omas satisfait regarda son oeuvre. Nul ne reconna^itrait plus jamais le cadavre d'efigur'e, et lui-m^eme, si le hasard des circonstances et sa volont'e t'em'eraire l’y engageait, pourrait venir t'emoigner que le corps du mutil'e 'etait celui de l’aspirant de marine, du secr'etaire particulier de l’'enigmatique Commandant.
Il y avait `a peine une demi-heure que Fant^omas s’'etait retir'e, que le monstre avait disparu du sombre th'e^atre de son dernier sacril`ege, qu’un couple s’avancait lentement, avec une extr^eme prudence, dans le voisinage du roc sur lequel gisait le cadavre mutil'e du mousse.
C’'etaient deux membres de la bande, qu’un chef 'enigmatique et g'en'ereux avait fait venir de Belleville sur la c^ote bretonne deux jours auparavant en les all'echant par l’app^at d’une excellente affaire. L’homme 'etait OEil-de-Boeuf, elle Loulou Planche-`a-Pain.
OEil-de-Boeuf 'etait d’une humeur massacrante et s’en prenait `a Loulou.
— T^ache donc de grouiller, grognait-il, salope, tu n’es pas foutue de marcher plus vite que ca, des fois qu’on resterait encore `a radiner deux ou trois plombes dans ce potager, s^ur qu’on se ferait poisser par les flics.
— J’peux plus, j’peux plus, geignait la fille, j’comprends qu’il faut s’barrer, mais tant qu’`a faire, si faut cavaler encore des heures comme ca, j’aime mieux crever sur place.
Et la pierreuse poussa un cri de douleur.
Sans la moindre piti'e, OEil-de-Boeuf, de sa large main, l’avait empoign'ee sous le bras, la forcant `a courir sur une cr^ete de rocher. La malheureuse chancela, tomba, demeura couch'ee par terre. Un coup de pied la releva, une bourrade entre les deux 'epaules l’obligea `a poursuivre sa marche, en d'epit d’elle-m^eme, en d'epit de tout.
— Cavale, Planche-`a-Pain, hurlait OEil-de-Boeuf, sans ca je te broie.
La col`ere d’OEil-de-Boeuf semblait d’ailleurs augmenter `a chaque m`etre :
— Si seulement, grommela-t-il, on s’'etait cal'e les joues dans cette affaire-l`a, y aurait trop rien `a dire, mais nibe de braise, rien `a faire avec tous ces macchab'ees, on a eu beau les retourner sens dessus dessous, ils 'etaient plus fauch'es que les bl'es en septembre. Ah malheur de malheur. Qu’est-ce que je m’en vas y raconter au Bedeau quand on se retrouvera.
OEil-de-Boeuf fut interrompu dans ses lamentations, par un cri strident, qui s’'echappait des l`evres p^ales et gerc'ees par le froid de son infortun'ee compagne. Surmontant sa faiblesse, et anim'ee d’une vigueur nouvelle, Loulou Planche-`a-Pain tendait le bras en direction d’un gros rocher, qu’elle surplombait de toute sa hauteur.
— L`a qu’est-ce que c’est ? Encore un macchab'ee, mais il est couvert de sang.
OEil-de-Boeuf se rapprocha, il regarda, lui aussi, mais lui, il n’avait pas peur. L’apache 'etait habitu'e `a ces horribles spectacles. Au surplus des lueurs de cupidit'e s’allumaient dans son oeil.
— Comment qu’il a l’air cossu, dit-il `a Loulou, c’est un galonn'e celui-l`a. Jusqu’`a pr'esent, j’ai rencontr'e que des pur'ees, des marins sans grade, des rien du tout quoi. Probable que celui-l`a, doit ^etre plein aux as.
OEil-de-Boeuf eut un mouvement instinctif, celui de se pr'ecipiter sur le rocher, o`u reposait le cadavre ensanglant'e. Loulou s’efforca de le retenir.
— Que vas-tu faire ?
Mais l’apache la repoussa brutalement.
— Comment que je m’en vas lui faire passer la visite de l’octroi, histoire de savoir s’il n’a pas sur lui de la marchandise de contrebande.
OEil-de-Boeuf grimpa sur la roche et, sans souci des taches de sang l`a o`u il plongeait les mains, il se hissa `a c^ot'e du mort.