L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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— Ah c`a, pensait le policier, soudainement, revenant `a lui-m^eme, est-ce que je ne me suis pas conduit comme le dernier des imb'eciles ? Ce T^ete-de-Lard ?
Chez Juve, heureusement les pires 'etourderies ne pouvaient durer longtemps.
***
Le lendemain matin, il n’'etait bien entendu bruit dans Paris que de l’extraordinaire audace dont Fant^omas avait fait preuve la veille, en attaquant la voiture des Postes `a deux pas de l’H^otel de Ville.
Or, M. le baron de Roquevaire, caissier en chef de la Banque de France, 'etait peut-^etre le seul de tout Paris que cet exploit laiss^at parfaitement indiff'erent.
C’'etait un excellent homme, un employ'e sup'erieur sorti des rangs infimes du personnel gr^ace `a un z`ele intelligent, `a une capacit'e hors ligne et cependant il arrivait `a son bureau le front soucieux, l’air de mauvaise humeur, aussi ennuy'e que possible. M. de Roquevaire qui, en traversant la Banque, avait recu les tr`es respectueux saluts d’une infinit'e d’employ'es, se d'ebarrassa rapidement de son pardessus, de son chapeau qu’il remit `a un huissier accouru au-devant de lui, puis il interrogea :
— M. le gouverneur est-il descendu ?
— Oui, monsieur le caissier.
— Bien, je vais le trouver ! Faites pr'eparer mon courrier.
Le gouverneur de la Banque de France, M. Ch^atel-G'erard 'etait au physique comme au moral ce que l’on est convenu d’appeler
Parvenu par la politique, au poste farouchement envi'e de gouverneur de la Banque de France, arriv'e tr`es jeune puisque `a peine ^ag'e de cinquante ans, M. Ch^atel-G'erard 'etait profond'ement imbu de sa propre importance, de ses m'erites et de la situation qu’il occupait.
M. Ch^atel-G'erard d’ailleurs, en homme fort bien 'elev'e, apparaissait cependant toujours comme des plus courtois, des plus affables, des plus accueillants. Il habitait, comme tout gouverneur de la Banque de France, dans l’immeuble m^eme, un somptueux appartement auquel on acc'edait par un escalier de marbre.
M. de Roquevaire, caissier principal de la Banque de France, ayant sous ses ordres une multitude d’employ'es, 'etait bien s^ur continuellement en rapports avec M. le gouverneur.
Les deux hommes s’estimaient, s’appr'eciaient. Ils n’avaient point des relations de sous-ordre `a patron, mais plut^ot d’ami `a ami.
Pourtant, ce matin-l`a, avant d’entrer chez le gouverneur, le baron de Roquevaire parut h'esiter :
— Dois-je lui avouer ? se demandait-il.
Puis, il haussa les 'epaules :
— H'elas, comment n’avouerais-je pas ?
Le caissier principal de plus en plus troubl'e, parvint jusqu’au grand salon qui servait de salon d’attente et demanda `a l’huissier :
— Puis-je voir M. Ch^atel-G'erard ?
— Veuillez vous donner la peine d’entrer, monsieur le caissier. M. le gouverneur est seul.
L’huissier avait pouss'e les portes rembourr'ees. Le baron de Roquevaire p'en'etra dans le somptueux cabinet du gouverneur.
Or, `a peine M. de Roquevaire s’'etait-il introduit dans la grande pi`ece que M. Ch^atel-G'erard, qui travaillait `a son bureau, levait la t^ete et le regardait avec stup'efaction.
— Eh bien, mon cher ami, comment va ? Mais vous semblez tout dr^ole, en v'erit'e. Pas d’ennuis ?
— Un ennui tr`es grave, monsieur le gouverneur.
— Vous m’effrayez. Un ennui personnel ou un ennui de m'etier ?
— Un ennui de m'etier, mon cher gouverneur.
— Alors, j’arrangerai cela.
M. Ch^atel-G'erard souriant, s^ur de lui, feignait de plaisanter ; il interrompit son caissier pour lui offrir une cigarette `a bout d’or dans un 'el'egant 'etui.
— Vous fumerez bien ?
Mais, comme le baron de Roquevaire avait refus'e, M. Ch^atel-G'erard poursuivait :
— Vous avez vu le nouvel exploit de Fant^omas hier apr`es-midi ?
— H'elas, monsieur le gouverneur, il s’agit bien de cela…
— Ah c’est vrai, j’oubliais. Qu’y a-t-il donc ? Confiez-moi vos peines.
— Monsieur le gouverneur, disait-il enfin, je viens de m’apercevoir, il y a quelques instants, d’une terrible aventure.
— Laquelle ?
— J’ai perdu le clef de la caisse.
— Hein ?
Cette fois, le gouverneur g'en'eral de la Banque avait p^ali, et c’'etait en se dressant qu’il interrogeait nerveusement son malheureux subordonn'e :
— Vous avez perdu la clef de la caisse ? Quelle clef ? Quelle caisse ? La caisse de tous les jours, j’esp`ere ?
L’angoisse visible de M. Ch`atel-G'erard venait de ce fait, qu’`a la Banque de France, les r'eserves en or qui garantissent l’'emission des billets de banque et atteignent des valeurs formidables, sont entour'ees et prot'eg'ees par des pr'ecautions toutes sp'eciales. Il y a, `a la Banque, la caisse ordinaire, caisse dans laquelle se trouvent enferm'ees les esp`eces n'ecessaires au fonctionnement quotidien de l’'etablissement de cr'edit. Il y a aussi ce que l’on appelle la « caisse secr`ete » qui est install'ee dans des caves et o`u se trouvent pr'ecis'ement les lingots d’or qui repr'esentent la valeur des billets de banque 'emis.
M. Ch^atel-G'erard revint `a la charge :
— Parlez donc, Roquevaire. Quelle clef avez-vous perdue ? La clef de la caisse ordinaire ou des caves ?
— J’ai perdu la clef des caves, monsieur le gouverneur.
— Sapristi, mon cher de Roquevaire, c’est une f^acheuse histoire, une tr`es f^acheuse histoire. Mais enfin, rien n’est perdu, c’est le cas de le dire. Les caisses ne sont pas en danger puisqu’il y a encore deux autres clefs, la mienne et celle de Tissot, mais tout de m^eme, c’est f^acheux…