L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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— Hardi ! cria Juve `a lui-m^eme.
Et, avec une virtuosit'e que n’e^ut pas d'esavou'e un professeur de natation, il tira sa coupe dans la direction du tonneau.
Or, Juve nageait si vigoureusement, avec une si parfaite habilet'e, qu’il finit par rejoindre le tonneau qui, cependant, entra^in'e par le courant, avait pris beaucoup d’avance sur lui.
Juve s’agrippa `a la barrique et, nageant toujours, entreprit de la faire d'evier, de la repousser vers une rive. Il n’aurait point r'eussi dans sa p'erilleuse tentative, si les agents plongeurs qu’il avait laiss'es sur le quai n’avaient eu une v'eritable inspiration.
`A peine Juve s’'etait-il 'eloign'e que les agents plongeurs se d'eclaraient :
— C’est un inspecteur principal. Tu sais, on va peut-^etre avoir des ennuis ?
Et l’autre agent avait r'epliqu'e :
— Faudrait tout de m^eme faire quelque chose…
Les deux hommes se rendirent alors au ponton des bateaux parisiens et finirent par s’apercevoir que la barque, attach'ee l`a, 'etait bien encha^in'ee et cadenass'ee, mais que le cadenas n’'etait pas ferm'e.
D`es lors, la manoeuvre s’imposait. Les deux agents plongeurs se jet`erent dans la barque, firent force rames.
— Hardi, tenez bon, nous voil`a !
Ils arrivaient juste au moment o`u Juve commencait `a trouver que la barrique 'etait fort lourde, et que, peut-^etre, il n’aurait point le temps de la pousser jusqu’`a la rive avant que, compl`etement pleine d’eau, elle coul^at dans le fleuve.
Juve, toutefois, voyant qu’on venait `a son secours, se roidit et, suivant le conseil qu’on lui donnait, tint bon.
— Prenez le tonneau d’abord, commandait-il. Moi ensuite.
Mais prendre le tonneau n’'etait pas commode. Les deux agents purent tout juste l’agripper contre le bord de leur barque, l’emp^echer de couler.
— Il va nous 'echapper, monsieur l’inspecteur !
— Non, mordieu, il ne le faut pas !
Juve n’'etait pas encore sorti de l’eau. Il soutint le tonneau et, p'eniblement, en cet 'equipage, la barque se rapprocha heureusement de la berge.
Or, `a peine la petite embarcation avait-elle fr^ol'e le quai que Juve, aid'e des deux agents, parvint `a hisser le tonneau sur la berge.
Mais, l`a, une stup'efaction nouvelle immobilisait les trois hommes. Le tonneau s’ouvrait de lui-m^eme, le couvercle 'etait arrach'e et la plus comique apparition du monde sortait `a la facon dont un diable sort d’une bo^ite.
— Merci, messieurs ! dit le rescap'e.
Mais toutefois Juve, `a l’instant m^eme, retrouvait son sang-froid, il sauta sur l’homme, il l’empoigna `a l’'epaule :
— Ah c`a, nom d’un chien, qui ^etes-vous donc ?
— T^ete-de-Lard, monsieur Juve.
— T^ete-de-Lard ?
Juve encore une fois fut abasourdi.
Il contemplait, au comble de l’'etonnement, la t^ete bouffie et emp^at'ee de graisse de l’individu qu’il venait d’arracher `a une mort quasi certaine.
Juve avait jadis connu T^ete-de-Lard, alors charcutier aux environs de la rue Bonaparte.
Juve savait que de mauvaises affaires avaient conduit l’ancien commercant `a exercer des professions plut^ot louches. Il avait eu l’occasion de rencontrer ainsi T^ete-de-Lard dans les cabarets interlopes parmi la p`egre. Mais, en v'erit'e, il ne songeait pas du tout que ce p^ut ^etre cet apache-l`a qui allait se dresser hors du tonneau lorsque le sauvetage aurait r'eussi.
— Vous, T^ete-de-Lard ? r'ep'eta Juve. Ah c`a, mais que diable faites-vous ici ?
T^ete-de-Lard 'etait encore trop 'emu pour ruser ou m^eme songer `a mesurer ses paroles :
— C’est, commenca l’apache, c’est `a cause de Fant^omas. Il y a heureusement une Providence pour les imb'eciles tout comme il y a un Dieu pour les ivrognes.
— Fant^omas ? c’est Fant^omas qui vous `a mis l`a-dedans ?
— Oui, monsieur Juve.
— Et dans les autres tonneaux ?
— Il y avait des copains.
— Quels copains, T^ete-de-Lard ?
Mais cette fois l’apache avait eu le temps de r'efl'echir, il ne commettait pas la faute de renseigner exactement Juve. Il rusait au contraire, il r'ep'etait :
— Des copains `a moi, monsieur Juve, des copains que Fant^omas ne connaissait pas, mais qui ont eu comme moi le malheur d’arriver au moment o`u Fant^omas d'esirait n’^etre pas reconnu.
Tout cela n’'etait pas clair, tout cela 'etait m^eme fort embrouill'e. Juve, pourtant, 'enerv'e comme il l’'etait, n’y faisait pas assez attention.
— Cela va bien, ordonna-t-il en se tournant vers les agents plongeurs, conduisez cet individu au poste de police, faites-lui boire quelque chose, r'echauffez-le ! Moi, je vais rentrer chez moi.
Et comme T^ete-de-Lard faisait une figure piteuse, ne comprenant pas exactement si on l’arr^etait ou si on ne l’arr^etait pas, Juve ajoutait :
— T^ete-de-Lard, il faudra venir me voir demain ou apr`es-demain au plus tard. Ou plut^ot, venez sit^ot r'echauff'e, montez donc chez moi, 1 ter, rue Tardieu.
Juve, `a cet instant, de la meilleure foi du monde, ne pensait point `a soupconner T^ete-de-Lard de complicit'e avec Fant^omas. Dans son esprit, l’apache avait tout simplement d^u arriver sur la berge avec quelques amis au moment o`u Fant^omas venait y abandonner le haquet. Fant^omas avait d^u vouloir se d'ebarrasser de ce t'emoin g^enant. Juve imaginait que T^ete-de-Lard 'etait une victime, mais ne pensait pas `a en faire un complice.
***
Juve, quelques instants plus tard, s’'etant assur'e qu’aucun autre tonneau ne flottait sur le fleuve, regagnait son taxi-auto et rentrait chez lui.
— Mauvaise journ'ee, songeait-il, s’habillant rapidement tout en taquinant le t'el'ephone pour avoir la S^uret'e. Mauvaise journ'ee. Fant^omas a encore triomph'e, a encore commis un crime 'epouvantable.
Mais, tandis qu’il t'el'ephonait ou plut^ot qu’il s’'egosillait `a demander un num'ero qu’on ne lui donnait point, Juve soudain demeurait immobile.