L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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La porte de l’'ecurie 'etait d'efonc'ee, le cheval d'ej`a entre les brancards. Fant^omas, pourtant ne s’occupait pas du haquet. Il avait ouvert la valise, en tirait des habits d’ouvriers, un pantalon de velours une veste d’alpaga, une casquette haute, sur la visi`ere de laquelle une plaque en cuivre 'etait fix'ee, portant ces mots : Charbonnage d’Audincourt.
En une seconde alors, s’aidant d’une petite glace qu’il avait trouv'ee dans la valise, Fant^omas acheva de se maquiller. Du rouge habilement dispos'e lui fit un nez d’ivrogne. Il enfila une perruque grisonnante. Une barbe que collait du blanc gras et du vernis changeait l’aspect de sa physionomie, au point qu’il en devenait m'econnaissable :
— ^Etes-vous pr^ets ?
— Le haquet est attel'e, patron.
— Alors sautez dans les tonneaux.
Y compris Bouzille, on se pr'ecipita `a l’int'erieur des barils charg'es sur la longue voiture.
— Heureusement j’ai pens'e `a tout, murmurait Fant^omas. Ce matin j’ai d'ecouvert ce haquet et j’ai song'e `a emporter cette valise de maquillage.
Car c’'etait l`a, en v'erit'e, l’une des caract'eristiques de ce g'enial et fantastique assassin. Fant^omas le disait lui-m^eme : il avait pens'e `a tout.
Alors qu’il m'editait le plan infernal, qui venait de lui permettre de r'eussir la plus folle, la plus insens'ee des tentatives criminelles, il avait song'e `a r'egler jusqu’en ses moindres d'etails la fuite qui pouvait devenir n'ecessaire.
— J’ai toutes chances, avait pens'e Fant^omas, de pouvoir tranquillement revenir avec l’autobus, `a l’entrep^ot, et de pouvoir, ensuite, m’en aller sans ^etre inqui'et'e, mais enfin, je dois songer, au cas possible, sinon probable, o`u je serais pist'e, et dans ce cas…
C’'etait pour parer `a cette 'eventualit'e qu’il avait pr'epar'e avec une habilet'e prodigieuse le d'eguisement qui devait lui servir non seulement `a se sauver, mais encore `a sauver ses compagnons.
Il 'etait temps. Au moment pr'ecis o`u les hommes du bandit se cachaient `a l’int'erieur des tonneaux charg'es sur le haquet, les agents, revolver au poing, apparaissaient `a toutes les issues du hangar.
— Rendez-vous ! hurlaient-ils.
Fant^omas avait le fouet en main, il feignit une grande peur, il cria :
— Au secours ! Au secours ! `A l’assassin !
Il criait de si bonne foi que les agents couraient vers lui, pris `a sa ruse :
— Taisez-vous donc, taisez-vous ! N’appelez pas `a l’assassin, bon Dieu ! Avez-vous vu quelqu’un ?
Fant^omas alors, aussi merveilleux acteur qu’admirable de sang-froid, continuait `a duper les hommes de la Pr'efecture.
— Mais qu’est-ce que vous me voulez ? Qu’est-ce qu’il y a ?
Et il semblait trembler de tous ses membres.
Les agents cependant, le questionnaient rudement :
— Vous avez vu entrer cet autobus qui est l`a ?
— Oui, oui !
— Il y avait des hommes qui conduisaient ?
— Deux m'ecaniciens, oui, oui.
— Ils ont 'et'e rejoints par deux autres ?
— Oui.
— O`u sont-ils ?
— Ah, je ne sais pas ! Ils sont partis par l`a, ils m’ont dit qu’ils reviendraient demain matin et que le patron les autorisait `a garer.
— Bon Dieu ! hurla l’un des gardiens de la paix qui s’'etaient joints aux agents de la S^uret'e. Ils se seraient donc encore d'efil'es ?
Et, en m^eme temps, l’un d’eux secouait Fant^omas :
— Voyons, charretier, par o`u sont-ils partis ?
— Par l`a. Ils ont saut'e le mur.
Le pseudo charretier, tendant le bras, montra le fond du terrain.
— Dix hommes de ce c^ot'e ! hurla une voix. Les autres, fouillez les tas de charbon.
Un quart d’heure plus tard, le charretier, c’est-`a-dire Fant^omas, demeur'e `a la t^ete de son cheval, vit revenir vers lui l’un des agents de la S^uret'e qui paraissait commander.
— Votre nom ? demanda-t-il.
— Gustave-Eug`ene Mercier.
— Employ'e aux Charbonnages d’Audincourt ?
— Oui, monsieur.
— Bon. Vous savez o`u est le poste ?
— Oui, monsieur.
— Eh bien, allez-y tout de suite, nous vous y rejoignons.
— Bien, monsieur l’agent.
Le charretier s’'eloigna, puis revint sur ses pas :
— Est-ce que je peux emmener ma voiture, parce que ce sont des tonneaux que je dois livrer encore aujourd’hui.
— Emmenez-la, vous irez apr`es avoir fait votre d'eposition.
— Bon, monsieur l’agent, bon.
L’air de plus en plus abruti, et de plus en plus terrifi'e, Fant^omas prit par la bride la maigre haridelle attel'ee au haquet.
— Hue, cocotte !
L’'equipage s’'ebranla au pas, sortit au pas du terrain vague. Mais `a peine le haquet 'etait-il parvenu sur la chauss'ee de la rue Cantagrel que Fant^omas, d’un bond leste, sautait sur le si`ege :
— Les imb'eciles ! hurla-t-il. Qu’ils me poursuivent donc. Ils sont `a pied et il n’y a pas de fiacres par ici.
Lanc'e `a folle allure, le haquet d'evala la rue, semant l’'epouvante sur son passage. En quelques minutes, il atteignait les quais. La nuit tombait, le quartier 'etait d'esert. Fant^omas continuant `a fouetter le cheval, le fit descendre sur la berge.
— J’ai dup'e les agents, murmura-t-il, il me reste `a faire justice de ceux qui n’ont pas su me servir.
Rapidement, Fant^omas sauta du si`ege sur le sol. Il prit le cheval par la bride, le fit tourner et alors, avec un froid sourire, le Ma^itre de l’'Epouvante se rendit coupable d’une abominable l^achet'e.