L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Bouzille les consid'era curieusement puis, les fr^olant presque, renifla tr`es haut et tr`es fort pour attirer l’attention.
— Eh, murmura-t-il en m^eme temps, voil`a l’instant, gare la casse !
Cela fait, Bouzille sans s’arr^eter aupr`es des deux hommes, continuait son chemin et semblait s’absorber dans la contemplation des partitions de musique 'etal'ees en d'esordre dans les casiers d’un bouquiniste.
Bouzille, d’ailleurs, paraissait s’amuser infiniment. Il avait 'et'e certes violemment 'emu en reconnaissant Fant^omas et ses principaux complices aupr`es de l’autobus arr^et'e, mais, d'ej`a le calme renaissait en son ^ame de philosophe.
— Moi, murmurait Bouzille, je suis comme Absalon, ou plut^ot non comme un autre. Enfin. Je ne sais pas, je m’en lave les mains.
Bouzille interrompit ses r'eflexions pour pr^eter l’oreille `a un dialogue engag'e tout pr`es de lui. Le bouquiniste jusqu’alors, sommeillait sur une chaise, attendant l’heure o`u, chaque soir, renoncant `a la venue d’un hypoth'etique client, il se d'ecidait `a fermer ses bo^ites ; or, une main s’'etait pos'ee sur son 'epaule, un bonjour cordial l’avait r'eveill'e.
— Comment allez-vous, p`ere Corn'elius ? Et les affaires ?
— Les affaires vont comme moi, tr`es mal.
— Plaignez-vous donc, on vous installe l’'electricit'e.
C’'etait cette derni`ere phrase qui avait attir'e l’attention de Bouzille.
Celui qui la prononcait, un tout jeune homme au visage soigneusement ras'e, `a l’air intelligent, aux yeux vifs et remuants, l’accompagnait en effet d’un grand geste, d'esignant les deux plombiers, les deux soi-disant plombiers plut^ot, auxquels Bouzille venait de communiquer l’avertissement de Fant^omas.
— Vous avez vu, continuait l’inconnu, qu’est-ce que c’est que cela ?
— Je ne sais pas, ma foi.
Le jeune homme montrait alors les deux ouvriers qui d'eroulaient au travers du quai un long c^able d’acier qui brillait `a la lueur des r'everb`eres que l’on commencait `a allumer et qui apparaissait bien un c^able 'electrique, en effet.
— Je ne sais pas, r'epondait le p`ere Corn'elius, je ne sais pas, mais je m’en moque, ce n’est toujours pas cela qui fera vendre ma musique.
Le brave homme paraissait en grande intimit'e avec celui qui l’entretenait, car il continuait d’un ton familier :
— Et vous, ^etes-vous content du moment ? Devenez-vous millionnaire ?
— Pas tr`es vite !
— Pourtant, vous avez bien du talent. Ah nom d’un chien !
Abandonnant sa chaise et s’'etirant `a la facon d’un homme qu’une longue immobilit'e a engourdi, le bouquiniste r'ep'etait avec conviction :
— Ah vous avez bien du talent ! Tenez, je me rappelle quand vous jouiez le fameux drame. Vous savez le crime…
Soudain, le bouquiniste 'eclata de rire :
— Tenez, figurez-vous une chose, reprenait-il. Depuis ce jour-l`a, je n’ai jamais mis les pieds dans un th'e^atre. Ah ! quand vous aurez des billets…
— Des billets, p`ere Corn'elius, tout le monde m’en demande. H'elas, je n’en ai pas beaucoup, et puis, je ne suis plus l`a-bas, j’ai chang'e de th'e^atre.
— Ah bah ! et o`u ^etes-vous donc ?
— Au Th'e^atre Ornano.
— Oui, oui, je connais, `a la Fourche de la rue Clignancourt, pas vrai ?
— Tout juste.
Le bouquiniste souleva sa calotte noire, gratta son cr^ane chauve, puis demanda :
— Dites donc, rappelez-moi donc votre nom ?
— Dick, p`ere Corn'elius.
— C’est vrai, monsieur Dick. Parbleu, je vous connais bien, mais j’oublie toujours comment vous vous appelez. Pourquoi diable que vous avez choisi ce nom-l`a ? C’est pas un nom de chr'etien, c’est presque un nom de chien.
Or, `a la remarque du bonhomme, le jeune homme avait 'eclat'e de rire :
— C’est un nom anglais, p`ere Corn'elius, r'epondit-il, et je l’ai pris parce qu’il fait bien au th'e^atre ! Voyez-vous, quand on est acteur comme moi, la question du nom a une grande importance. Dick, cela se retient, cela sonne.
— Mais pourquoi n’avoir pas pris un nom francais ?
— Affaire de mode, p`ere Corn'elius. Les Francais prennent des noms anglais et les Anglais des noms francais.
Tandis que le jeune acteur du Th'e^atre Ornano s’entretenait ainsi avec le p`ere Corn'elius, Bouzille, qui d’abord avait 'ecout'e avec int'er^et leur conversation tant qu’elle avait eu trait `a T^ete-de-Lard et `a La Carafe, les deux apaches amis de Fant^omas, avait cess'e d’y pr^eter la moindre attention.
Bouzille n’avait plus d’yeux que pour les gens de l’autobus qui demeuraient toujours group'es autour de leur v'ehicule, et aussi pour T^ete-de-Lard et La Carafe qui, apr`es avoir 'etendu sur le sol, au travers du quai, un long c^able d’acier, 'eparpillaient maintenant en tous sens leur bo^ite `a outils comme `a la recherche d’instruments de travail.
— Que diable fabriquent-ils et qu’est-ce que peut cacher toute cette manigance ? Je donnerais bien ma part de paradis…
Bouzille jubilait :
— S^ur et certain, se disait-il, s^ur et certain que je m’en vais voir des choses.
Mais Bouzille, subitement, s’apercut que Fant^omas le fixait des yeux en froncant les sourcils et ayant l’air de l’attendre.
— Allons voir, pensa le chemineau. Rapidement, il se dirigea vers la voiture en panne :
— Alors, patron ?
— Ne reste pas l`a, imb'ecile, tiens-toi tout contre l’autobus.
Fant^omas venait de parler d’une voix nerveuse et mauvaise presque. Bouzille eut l’impression que l’instant d'ecisif approchait.