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L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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M. Havard leva les bras au ciel `a ces derniers mots :

— Ni moi non plus ! cria-t-il. Les agents de police ne me regardent pas. C’est l’affaire du pr'efet et si vous comptez engager la discussion sur ce terrain, c’est `a lui qu’il faudra vous adresser.

M. Bercelier, un homme tr`es calme, tr`es froid et dont l’attitude pond'er'ee faisait un curieux contraste avec celle du chef de la S^uret'e, v'eritablement hors de lui-m^eme ce jour-l`a, coupa court `a la discussion d’un geste de la main.

— Monsieur le chef de la S^uret'e, dit-il, j’ai quelque chose de plus grave `a vous communiquer.

— De quoi s’agit-il ?

M. Bercelier reprit :

— Voil`a, un autre autobus a 'et'e vol'e.

— Il ne manquait plus que cela ! Comment est-il cet autobus ? Quel est son num'ero ?

— La voiture n’a pas de num'ero. En outre, elle est difficile `a reconna^itre. C’est ce que nous appelons une

« voiture haut-le-pied ». Et qui a pour mission d’aller se substituer aux v'ehicules en panne, tant^ot sur une ligne, tant^ot sur une autre. Je viens d’apprendre au d'ep^ot qu’elle n’est pas rentr'ee `a midi comme d’ordinaire. Or, il est neuf heures du soir et nous ne savons toujours pas ce qu’elle est devenue.

— Voyons, monsieur Bercelier, pourriez-vous me d'ecrire cette voiture ? A-t-elle une forme particuli`ere ? Une couleur sp'eciale ?

— H'elas, monsieur le chef de la S^uret'e, r'epondit le directeur technique, tout ce que je puis dire, c’est qu’il s’agit d’un v'ehicule du type D. A., sans imp'eriale, `a trente et une places. La caisse est peinte en vert.

— En vert ! s’'ecria Havard, haussant les 'epaules. Naturellement, comme toutes les autres. Je ne comprends pas que vous ayez adopt'e cette couleur uniforme. Le public n’y comprend rien. Enfin, nous ne sommes pas l`a pour critiquer, mais pour agir.

Bercelier s’inclina :

— Je vous remercie par avance, d'eclara-t-il, de ce que vous ferez dans l’int'er^et g'en'eral comme dans l’int'er^et de la Compagnie. De notre c^ot'e, monsieur le chef de la S^uret'e, nous vous communiquerons d’urgence tous les renseignements qu’il nous sera possible de recueillir.

Le directeur technique de la C. G. O. 'etait `a peine parti que M. Havard se tournait vers les inspecteurs demeur'es immobiles au fond de son bureau.

— Vous avez entendu ? Vous vous rendez compte de la difficult'e de l’affaire ? Mais je sais que cela n’est pas pour vous rebuter. Voyons Michel et vous L'eon, il va s’agir de prendre en main cette histoire.

M. Havard s’interrompit :

— C’est insupportable, le tapage que fait cette automobile dans la cour ! s’'ecria-t-il. On ne s’entend pas. Allons ailleurs ! Passons dans le cabinet du sous-chef, nous y serons d'ebarrass'es de ce vacarme, ce qui est n'ecessaire pour 'etablir notre ligne de conduite.

***

Dans la cour, cependant, ignorant les perturbations qu’ils causaient parmi le haut personnel de la Pr'efecture, Nalorgne et P'erouzin, consciencieusement enfonc'es sous le capot de leur voiture, s’entretenaient des myst`eres de la carburation.

Les deux inspecteurs de la S^uret'e ne paraissaient pas tr`es bien d’accord sur les causes de l’arr^et de leur v'ehicule, qui, s’il faisait grand tapage lorsqu’on mettait le moteur en route, ne parvenait pas `a d'emarrer. D’un air solennel et convaincu, Nalorgne affirmait :

— C’est s^urement la faute du carburateur. Il admet trop d’air, c’est ce qui emp^eche le moteur de donner sa force.

Mais P'erouzin secouait la t^ete n'egativement et affirmait avec aplomb :

— Ca n’a aucun rapport, et si la voiture n’avance pas, c’est que peut-^etre il y a quelque chose de d'eboulonn'e dans le diff'erentiel.

Apr`es un instant de repos, les deux hommes, qui 'etaient couverts de poussi`ere et de cambouis, disparurent `a nouveau sous le m'ecanisme. Nalorgne appela P'erouzin :

— Qu’est-ce qu’il y a ? r'epliqua celui-ci.

— Je me demande, fit P'erouzin, si ca n’est pas un tour de la magn'eto ?

Nalorgne en profitait pour sortir de dessous la voiture o`u il se trouvait fort mal, et s’asseyant sur le marchepied, cependant qu’il s’'epongeait la figure avec un chiffon gras, il r'epondit d’un air entendu :

— Ah, la magn'eto… Mais ce serait tr`es grave.

Les deux hommes cess`erent un instant de travailler et se regard`erent dans les yeux, puis, brusquement, 'eclat`erent de rire. Ils s’'etaient compris.

— Ma foi, murmura P'erouzin, nous pouvons bien l’avouer entre nous, nous n’y connaissons pas grand-chose.

— Vous pourriez dire rien du tout, P'erouzin. Mais, je ne me d'ecourage pas, nous finirons bien par conna^itre le m'etier.

— Nous en avons fait bien d’autres. Quand je pense que j’'etais notaire autrefois !

— Et moi eccl'esiastique, fit Nalorgne.

— Nous sommes ensuite devenus inspecteurs des jeux au Casino de Monte-Carlo [8].

— Puis, continua Nalorgne, nous avons mont'e un bureau d’affaires rue Saint-Marc `a Paris.

— Un bureau qui ne marchait pas, dit P'erouzin comme un 'echo.

— Enfin, nous sommes entr'es `a la S^uret'e avec, pour mission, d’aider Juve `a arr^eter Fant^omas.

— Lequel Fant^omas, conclut Nalorgne, s’est trouv'e par le hasard des circonstances, sinon le meilleur de nos amis, du moins le plus redoutable de nos ma^itres.

— C’est vrai, reconnut P'erouzin. Nous avons risqu'e gros `a ce moment, et si Juve avait voulu nous faire du tort, rien ne lui 'etait plus facile.

Les deux hommes se taisaient encore et r'efl'echissaient aux choses qu’ils venaient d’'evoquer. Elles 'etaient exactes, quoique surprenantes : Nalorgne et P'erouzin, apr`es avoir exerc'e les professions les plus diverses, 'etaient entr'es, en effet, dans les services de la S^uret'e g'en'erale `a une 'epoque o`u le terrible bandit Fant^omas les avait utilis'es comme indicateurs et m^eme complices de ses entreprises. Certes, il n’aurait tenu alors qu’`a Juve de les faire arr^eter. Il les avait 'epargn'es. Pourquoi ? On le saurait peut-^etre quelque jour.

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