L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Quel pouvait donc bien ^etre cet homme ?
Cependant la d'eclaration d’OEil-de-Boeuf avait produit son effet, des pierreuses qui erraient dans le bar se rapprochaient des consommateurs, leur adressant des oeillades prometteuses. L’une d’elles, plus hardie que les autres, vint s’installer sur la banquette `a c^ot'e de Bec-de-Gaz :
— Tu paies quelque chose ? interrogea-t-elle.
Mais l’apache la repoussa durement.
***
B'eb'e, 'etait au bain conform'ement aux instructions recues, tandis qu’OEil-de-Boeuf et Bec-de-Gaz, quittant pr'ecipitamment la place Clichy, 'etaient venus boire `a l’assommoir de la rue de la Charbonni`ere.
Un autre de ceux qui s’'etaient trouv'es dans l’autobus au moment de l’accident, avait pris une troisi`eme direction.
C’'etait Beaum^ome, personnage 'equivoque et suspect, lui aussi, mais qui avait meilleure apparence, par sa tenue ext'erieure, que ses acolytes.
Beaum^ome, en grand seigneur, avait avis'e, place Clichy, un taxi-automobile dans lequel il 'etait mont'e quelques instants apr`es l’accident de l’autobus. Il s’'etait fait conduire avenue Malakoff, au Skating.
Beaum^ome paya son entr'ee, loua des patins. `A peine 'etait-il sur la piste de bois, commencant `a y 'evoluer, qu’une jeune femme, fort 'el'egante, se rapprochait de lui.
— Ah, par exemple, lui fit celle-ci, je ne te croyais pas `a Paris !
Beaum^ome ne r'epondit rien. Il se contenta de serrer dans la sienne la main que lui tendait la jeune femme, et lui dit :
— Bonjour Ad`ele, je t’emm`ene d^iner ce soir, si cela peut te faire plaisir.
Il faut croire que la demi-mondaine n’'etait pas habitu'ee `a une telle amabilit'e de la part de son interlocuteur, car apr`es avoir ouvert des yeux tout ronds, elle d'eclara en riant :
— Cela, par exemple, c’est plus fort que de jouer au bouchon ! T’as donc fait un h'eritage, Beaum^ome, pour ^etre aimable avec les femmes ?
'Enigmatique, l’individu haussait les 'epaules, puis mettant un doigt sur ses l`evres, il recommanda :
— T’occupe pas de cela Ad`ele, ne t’inqui`ete pas de savoir d’o`u vient l’argent. Il faut prendre la vie comme elle se pr'esente, et du moment que je suis riche, savoir en profiter.
***
Quant au myst'erieux m'ecanicien qui semblait avoir 'et'e l’organisateur en chef, apr`es avoir quitt'e l’apache B'eb'e boulevard des Batignolles, en lui recommandant d’aller prendre une succession de bains, puis de rentrer se coucher, il 'etait simplement descendu dans le m'etro.
Il en ressortait dix minutes apr`es, place Pereire, puis s’arr^etait au N° 214 de l’avenue Niel.
— Mme la Comtesse de Blangy ? demanda-t-il au concierge, en touchant poliment sa casquette.
La gardienne de la loge r'epondit :
— Rez-de-chauss'ee, `a droite. Le service se fait par la cour.
Le m'ecanicien se garda de sonner `a la grande entr'ee. Il traversa la cour puis frappa deux coups `a la porte de la cuisine.
Il attendit quelques instants. Un bruit de pas pr'ecipit'es. Une femme lui ouvrit et poussa un cri de stup'efaction en l’apercevant.
Le m'ecanicien entra rapidement dans l’appartement dont la porte un instant entreb^aill'ee se referma sur lui.
`A la mani`ere de quelqu’un qui est fort au courant de la disposition des lieux, le m'ecanicien, sans s’inqui'eter de la personne qui 'etait venue `a sa rencontre, suivit le couloir obscur, traversa une galerie, entra dans un cabinet de toilette, et l`a, se d'epouilla vivement de sa casquette et de sa veste de cuir.
— Ouf, ca y est ! prof'era-t-il en poussant un soupir de lassitude cependant qu’il se laissait choir sur un fauteuil.
La personne qui 'etait venue lui ouvrir l’avait suivi dans ce cabinet. C’'etait une grande femme `a la silhouette majestueuse, `a la tournure de princesse. Elle avait un visage aux traits fins, de grands yeux noirs l’illuminaient cependant que sur ses tempes s’'epanouissaient de lourds bandeaux de cheveux roux, m^el'es de quelques fils d’argent. Un instant elle consid'era, d’un air plein d’angoisse, le myst'erieux m'ecanicien qui s’'etait assis sur un moelleux fauteuil, et d’une voix tremblante, elle demanda :
— Qu’avez-vous encore fait, Fant^omas ? J’ai peur !
— Lady Beltham, de votre part, cela ne m’'etonne pas.
Les deux interlocuteurs demeur`erent silencieux un instant.
Ainsi donc, c’'etait lady Beltham qui, sous le nom de comtesse de Blangy, habitait ce rez-de-chauss'ee, 214, avenue Niel.
Le myst'erieux et audacieux m'ecanicien de l’autobus qui avait conduit son v'ehicule dans la devanture du Comptoir National 'etait Fant^omas… Le g'enie du crime, le ma^itre de l’effroi !
Les deux amants, les deux h'eros tragiques de tant d’aventures et de tant de drames, se trouvaient bien, en effet, r'eunis en t^ete-`a-t^ete, ignor'es de tous au fond de cette pi`ece 'el'egante, discr`ete et confortable. Cependant, Fant^omas r'epondait `a l’interrogation angoiss'ee de sa ma^itresse :
— Eh bien, oui, fit-il, c’est moi, et je viens de r'eussir un coup extraordinaire.
En quelques mots alors, l’effroyable et t'em'eraire bandit racontait `a son auditrice la facon dont il s’'etait empar'e de l’un des autobus qui stationnaient `a Saint-Germain-des-Pr'es, un de ses complices faisant l’office du conducteur. En cours de route, il recueillait quelques-uns des leurs qui jouaient le r^ole de voyageurs, puis Fant^omas, pilotant la voiture, la pr'ecipitait `a toute allure dans la devanture du Comptoir National.
La boutique 'etait enfonc'ee et les complices de Fant^omas, bien styl'es au pr'ealable, faisaient main basse sur toutes les sommes d’argent que l’accident avait 'eparpill'ees dans les bureaux.
Comme lady Beltham demeurait atterr'ee en 'ecoutant ce r'ecit, Fant^omas conclut :
— Voyez-vous, lady Beltham, lorsque les gens sont d'ecid'es `a agir, qu’ils ont de l’adresse et de l’audace, ils font ce qu’ils veulent dans Paris. Le coup a 'et'e excellent, j’ai l`a, sur moi, plusieurs centaines de milliers de francs.