L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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PIERRE SOUVESTRE
ET MARCEL ALLAIN
L’ASSASSIN DE
LADY BELTHAM
18
Arth`eme Fayard
1912
Cercle du Bibliophile
1970-1972
R'evision et Annotations
de PMV
2012
1 – L’AUTOBUS 412
— Te v’l`a d'ej`a, Bourdier ?
— D'ej`a ? J’ai sept minutes de rabiot sur mon horaire et tu trouves que je suis en avance ? T’es pas difficile !
— Sept minutes, c’est pas une affaire…
— N’emp^eche que c’est toujours autant de pris sur le temps de mon manger. Va falloir qu’on se d'egrouille, nous sommes d’ailleurs tous en retard. C’est rapport `a un mariage qui nous a barr'e la route sur les boulevards devant l’Op'era. Regarde plut^ot les autres comme ils s’am`enent sans interruption `a la queue leu leu !
L’homme, qui venait de parler ainsi d'esignait d’un geste une demi-douzaine d’autobus qui, apr`es un virage savant sur le boulevard Saint-Germain, `a la hauteur de la station de Saint-Germain-des-Pr'es, venaient se ranger sur les bas-c^ot'es, pr^ets `a repartir de cette t^ete de ligne, pour gagner l’autre extr'emit'e de leur parcours.
Cet individu 'etait le conducteur du premier des v'ehicules arriv'es au terminus, le N° 412, autobus de la ligne Montmartre-Saint-Germain-des-Pr'es [1].
Il 'etait rapidement descendu de son si`ege, et, cependant qu’il 'echangeait quelques mots avec un ouvrier portant la casquette de la Compagnie, il avait retir'e de sa poche sa montre d’argent. Il continua apr`es l’avoir consid'er'ee :
— D'ej`a une heure quinze, je n’ai que le temps d’aller cro^uter, si je veux ^etre revenu pour deux heures. Sacr'ee journ'ee ! Quand on a commenc'e en retard comme ce matin, pas moyen de se rattraper.
Il s’'eloignait, lentement d’ailleurs, ne semblant faire aucun effort pour regagner le temps qu’il d'eplorait d’avoir perdu.
L’autre homme, l’ouvrier, ne s’'eloignait pas. C’'etait celui qu’on appelait
Son poste 'etait toujours la t^ete de ligne, et il avait pour mission, d`es qu’une voiture arrivait en station, d’en v'erifier rapidement les organes et de s’assurer qu’un autobus pourrait partir sans risquer de s’arr^eter en route. Le « panneur », apr`es avoir constat'e que tout 'etait en ordre sous le capot, se hissa sur le haut du si`ege et fit jouer les leviers. Il remarqua qu’ils avaient du jeu. Il grogna, haussant les 'epaules :
— C’est terrible. Une voiture presque neuve ! Et voil`a d'ej`a qu’ils ont `a moiti'e loup'e les vitesses. On n’a pas id'ee non plus de mettre des cochers `a la place de m'ecaniciens. Enfin, ca les regarde ! La Compagnie est riche et moi, je m’en fous !
Une 'equipe arriva : m'ecaniciens et conducteur. Ils s’approch`erent du groupe de leurs coll`egues qui, descendus des voitures, se d'egourdissaient les jambes avant de repartir.
— Nous voil`a, firent-ils d’un air ennuy'e. O`u est le chef de station ?
Ils regardaient autour d’eux, n’apercevaient point tout de suite le personnage qu’ils r'eclamaient, mais sans doute n’en avaient-ils pas besoin, car ils disaient autour d’eux, jetant un rapide coup d’oeil sur les v'ehicules au repos, rang'es le long du trottoir :
— Nous sommes command'es pour emmener le 412, o`u c’est-y qu’il est ?
Le « panneur » pr'ecis'ement, passait `a c^ot'e d’eux, `a ce moment, il r'epondit :
— Le 412 ? En t^ete. C’est la voiture que vient de quitter Bourdier.
L’'equipe, compos'ee du m'ecanicien et du conducteur, remonta la file des v'ehicules, parvint jusqu’`a la premi`ere. Ils regard`erent le num'ero :
— C’est pas le 412, d'eclar`erent-ils, c’est le 222.
Et d`es lors, d'esorient'es, ils revinrent, finirent par trouver le chef de station. Ils redemand`erent :
— Nous sommes command'es pour le 412, savez-vous s’il est arriv'e ?
Le fonctionnaire haussait les 'epaules :
— Il est arriv'e et reparti voil`a d'ej`a trois ou quatre minutes, d'eclara-t-il.
— Alors, demanda le conducteur, sur quoi montons-nous ?
— Sur la suivante, probable !
Mais la voiture suivante avait d'ej`a son 'equipe. Les deux hommes pass`erent `a celle qui 'etait rang'ee derri`ere. Puis ils remont`erent ainsi jusqu’au dernier v'ehicule ; tous avaient conducteur et m'ecanicien.
Alors ils se regard`erent perplexes, 'etonn'es qu’il n’y e^ut point l`a de v'ehicule pour eux. Ils s’inqui'et`erent un instant :
— Tu es s^ur, interrogea le m'ecanicien, que nous sommes bien command'es pour la ligne Saint-Germain-des-Pr'es ?
Son interlocuteur lui r'epliquait, tirant un imprim'e de sa poche et le lisant attentivement :
— Il n’y a pas de doute, fit-il.
Les deux hommes se rapproch`erent alors de nouveau du chef de station :
— Dites donc, firent-ils, qu’est-ce que l’on va devenir ? On n’a pas de voiture.
Le chef les consid'era un instant. Puis, haussant les 'epaules, r'epondit :
— Que voulez-vous que j’y fasse ? Ca ne me regarde pas. Si `a votre d'ep^ot on vous a command'es de travers, moi je n’y puis rien. Tout ce que je sais, c’est que le 412 est bien parti `a son heure, avec un conducteur et un m'ecanicien, comme de juste.