L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Non sans peine, on avait retir'e de dessous l’autobus le malheureux client auquel, quelques instants auparavant, le caissier remettait une assez forte somme d’argent. Il respirait encore. Deux hommes lui prodiguaient des soins, un grand diable `a la face patibulaire et un gros au visage sournois :
— Va tout de m^eme falloir se d'ebiner, murmura le grand diable, ca pourrait tourner au vinaigre tout `a l’heure !
— Oui, je crois aussi, mon vieux OEil-de-Boeuf, que maintenant le pante [4] est vid'e. On a le p`eze. D'ecampons.
Les deux apaches – car c’'etaient bien OEil-de-Boeuf et Bec-de-Gaz – affectant un air tranquille, gagn`erent la cour et sortirent de la banque.
Un brigadier des gardiens de la paix, qui maintenait la foule `a distance devant l’'etablissement de cr'edit finit par p'en'etrer dans la banque. Tout le monde `a ce moment recherchait le m'ecanicien maladroit qui avait d'etermin'e cet accident. Qu’'etait-il devenu ?
— O`u sont les gens de la Compagnie ?
Pas de r'eponse. Le m'ecanicien et le conducteur demeuraient introuvables.
Apr`es une heure de patients efforts, et lorsque des renforts d’agents furent arriv'es, on parvint enfin `a faire 'evacuer l’int'erieur de la banque. Le commissaire de police constata les d'eg^ats :
— Heureusement, d'eclara-t-il, que les accidents de personnes sont insignifiants. Mais ce que je ne comprends pas, c’est qu’il soit impossible de retrouver les gaillards qui conduisaient cet autobus.
— Ce malheureux m'ecanicien a du ^etre affol'e de ce qui s’est pass'e, dit le directeur, et il s’est enfui, sans se rendre compte de ce qu’il faisait. On le retrouvera naturellement sans la moindre difficult'e, la Compagnie le conna^it.
— J’ai fait pr'evenir cette derni`ere, interrompit le commissaire de police, et j’attends d’un moment `a l’autre un des chefs du personnel. Leurs bureaux, rue Pierre-Harel, sont voisins.
Le commissaire ajouta :
— Ce qui m’'etonne, c’est le petit nombre de plaintes que nous avons recues. D’ordinaire, le public est toujours empress'e `a r'eclamer des dommages et int'er^ets. Or, c’est `a peine si trois ou quatre personnes accident'ees dans l’autobus ont laiss'e leur nom et leur adresse.
— C’est vrai, et cependant, si j’en crois les renseignements recueillis, cette voiture 'etait au complet lorsqu’elle est venue se jeter dans notre devanture.
Le directeur se retourna : un de ses employ'es venait interrompre la conversation qu’il avait avec le commissaire de police.
M. Calard le regarda stup'efait. Ce subordonn'e avait une physionomie boulevers'ee.
— Que se passe-t-il, monsieur Henriot ? demanda le directeur. Vous avez l’air souffrant, avez-vous 'et'e bless'e tout `a l’heure ?
L’interpell'e r'etorqua :
— Non, monsieur. C’est bien plus grave ! Figurez-vous, monsieur, que…
Et l’employ'e battait l’air de ses bras, suffoquait, semblait pr^et de s’'evanouir. M. Calard et le commissaire de police se pr'ecipit`erent, l’encourag`erent :
— Remettez-vous, mon ami !
Enfin, M. Henriot d'eclara :
— Nous sommes vol'es, monsieur le directeur, abominablement vol'es !
D’un air impatient'e, M. Calard l’interrompait :
— Je sais, fit-il, 'evidemment, il y a quelques louis de perdus dans la bagarre. On les retrouvera peut-^etre, ils ont d^u rouler sous les d'ecombres, cela n’a rien d’'etonnant, le local de la caisse ayant 'et'e d'emoli…
— C’est bien pis, monsieur le directeur ! L’employ'e de la Caisse avait `a peine vingt-cinq mille francs et cela n’aurait pas grande importance, surtout si les choses s’'etaient pass'ees comme vous croyez, mais il y a pis… Le gros coffre-fort, vous savez le gros coffre-fort qui se trouvait `a l’entr'ee de votre bureau, derri`ere la caisse…
— Eh bien ?
— Eh bien, il a 'et'e 'eventr'e, d'emoli, et vid'e !
— Mon Dieu ! s’'ecria le directeur de la Banque, il y avait dedans pr`es de huit cent mille francs de titres et de billets de banque !
— Huit cent trente-sept mille francs exactement.
— Mon Dieu, mais alors ? L’aventure de cet autobus n’est pas un accident ? Ou du moins, c’est un accident volontaire ?
Le commissaire, lui aussi, 'etait devenu tout p^ale, il serra les poings, fronca les sourcils :
— D’apr`es ce que j’apprends, monsieur, fit-il, un semblable accident volontaire ne peut ^etre qualifi'e que de crime par la loi.
2 – BANDITS ET POLICIERS
Rue de Clichy, c’'etait la d'ebandade. Les gens s’enfuyaient, affol'es, un homme courait la main ensanglant'ee. Un agent s’approcha de lui, lui signala le sang qui coulait le long de sa manche, et d'eclara :
— Vous ^etes bless'e, monsieur, allez vous faire panser dans la pharmacie. Il y a d'ej`a du monde.
Et le sergent de ville, du geste, d'esignait `a son interlocuteur une boutique situ'ee `a peu pr`es en face du Comptoir National et devant laquelle stationnait une foule aussi compacte que celle qui contemplait, de l’autre c^ot'e de la rue, le d'esastre caus'e par l’irruption de l’autobus dans la devanture de l’'etablissement de Cr'edit. Cependant, l’individu qui avait 'et'e interpell'e par l’agent de police, apr`es avoir fait mine de se diriger vers la pharmacie, tournait brusquement les talons et remontait du c^ot'e de la place Clichy :
— Plus souvent, grommela-t-il, que j’irai me confier `a ce potard `a la manque. On voit qu’il ne me conna^it pas, sans quoi ce flic ne me proposerait pas une combine de ce genre !
Comme il le disait, en effet, dans son langage pittoresque, l’individu qui monologuait ainsi ne devait pas ^etre connu du sergent de ville, et si celui-ci avait su `a quel personnage il venait de s’adresser, il n’aurait certes pas manqu'e de lui mettre la main au collet et de le conduire imm'ediatement au poste.