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L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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— Bien s^ur, murmura le chemineau, bien s^ur ca va se g^ater, le temps est `a l’orage.

Mais Bouzille avait beau regarder de tous c^ot'es, il n’imaginait nullement ce qui se pr'eparait.

Si Fant^omas 'etait l`a en compagnie de ses plus redoutables complices, c’'etait 'evidemment pour y accomplir l’un de ces exploits dont il 'etait coutumier, et cependant rien ne permettait de deviner encore ce qu’allait ^etre cet exploit. L’acteur Dick, au m^eme moment, commencait `a s’intriguer fort en remarquant la manoeuvre des ouvriers plombiers.

— C’est bizarre, faisait-il en les regardant et en prenant `a t'emoin le p`ere Corn'elius, que diable peuvent-ils faire avec ce c^able ? Ce n’est certainement pas un c^able 'electrique, ils ne le laisseraient pas ainsi `a m^eme le sol et ne s’exposeraient pas `a ce que les voitures, en passant par-dessus…

Mais Dick n’eut pas le temps d’achever.

Un coup de sifflet strident, prolong'e, venait de retentir.

Au coup de sifflet, en une seconde, les deux soi-disant plombiers, c’est-`a-dire T^ete-de-Lard et La Carafe, avaient brusquement couru aux extr'emit'es du c^able. Un nouveau coup de sifflet retentit, les deux hommes se baiss`erent, soulev`erent le c^able et, par des boucles pr'epar'ees `a l’avance, l’attach`erent, tendu `a un m`etre du sol `a peu pr`es, d’un c^ot'e `a l’un des gros platanes bordant l’avenue, de l’autre `a un bec de gaz.

`A l’instant o`u le coup de sifflet avait 'et'e donn'e, une automobile des Postes, une lourde voiture venant du bureau qui se trouve au bas de l’H^otel de Ville, d'epassait l’autobus. Elle avancait `a toute allure sur le quai d'esert, car le conducteur, retard'e place du Ch^atelet par un encombrement, devait rattraper son retard pour atteindre la gare d’Austerlitz `a l’heure r'eglementaire, quand elle donna `a toute vitesse sur le c^able tendu.

L’automobile se renversa dans un fracas et, cependant que des cris de terreur et d’angoisse s’'elevaient de tous c^ot'es, cependant que, de toutes parts, les passants s’'elancaient, un nouveau coup de sifflet d'echira l’air.

Dick, l’acteur, avait 'et'e l’un des premiers `a vouloir bondir au secours du malheureux conducteur de l’automobile postale et, avant d’avoir pu faire dix pas peut-^etre, il se heurtait `a l’un des m'ecaniciens de l’autobus accouru.

— Les mains en l’air, criait l’homme, ou gare `a toi !

Dick n’avait pas le temps de protester qu’un coup de poing le jetait sur le sol.

Alors ce furent des clameurs, des hurlements, une galopade folle d’hommes prenant la fuite.

L’acteur Dick devait ^etre fort 'energique cependant. Il se forcait `a r'esister au vertige qui l’an'eantissait, il redressait la t^ete et, toujours 'etendu sur le sol, ne cherchant plus `a se relever, mais voulant voir, il regarda. De l’autobus immobilis'e depuis quelques instants et auquel nul n’avait fait attention, la bande des m'ecaniciens s’'etait pr'ecipit'ee vers la voiture des postes renvers'ee. Un homme courait, v^etu d’une courte veste de cuir, la t^ete coiff'ee de la casquette plate des wattman. Il tenait, comme ses compagnons, une barre de fer. Dick vit qu’il la levait, qu’elle tournoyait dans l’air, qu’elle s’abattait sur le cr^ane du malheureux postier qui apr`es avoir 'et'e projet'e sur le trottoir, se relevait p'eniblement.

Les autres m'ecaniciens d'ej`a entouraient la voiture de poste renvers'ee. `A coups de barres de fer, ils la d'efoncaient. Ils allaient voler les valeurs.

Toutefois, au m^eme instant, et croyant vivre un cauchemar, Dick se disait :

— Ca n’est pas possible, on va les arr^eter, on va les prendre.

Des passants accouraient bien, mais Dick, dans une vision d’'epouvante, les apercevait qui s’arr^etaient tous, levant les bras, puis reculant, puis s’enfuyant aussit^ot apr`es. Beaucoup tombaient qui ne se relevaient pas. Un vieillard `a la longue barbe blanche passa pr`es de l’acteur renvers'e, hurlant, fou, et laissant derri`ere lui des tra^in'ees de sang. En m^eme temps, l’'etrange cr'epitement augmentait. Dick s’agenouilla titubant. En tournant la t^ete, il vit que l’autobus s’'etait 'ebranl'e ; lentement, le pesant v'ehicule s’approcha de la voiture des postes, autour de laquelle les m'ecaniciens, ou plut^ot les bandits, s’affairaient toujours.

— Je r^eve, je r^eve ! pensait Dick.

L’autobus 'etait environn'e de fum'ee. Debout, `a l’int'erieur, il apercevait une sorte de chevalet, un v'eritable pied de longue-vue sur lequel 'etait pos'e un instrument qui brillait.

Qu’'etait-ce encore ?

Dick remarquait que l’homme tournait autour du chevalet et que sa main semblait pousser un m'ecanisme.

Les cris de terreur retentissaient toujours. Dick, brusquement, s’affaissa sur le sol, s’y aplatit, s’y 'ecrasa avec le secret d'esir de pouvoir s’y engloutir.

— C’est une mitrailleuse ! se disait-il. Ils ont une mitrailleuse.

L’acteur ne se trompait pas.

Debout `a l’int'erieur de l’autobus, le Bedeau actionnait bien, en effet, le m'ecanisme d’une mitrailleuse. Il r'eglait le tir de la terrible machine avec une parfaite tranquillit'e, une admirable pr'esence d’esprit. Il tournait tout autour du tr'epied et il envoyait ainsi, guidant lentement l’instrument de mort, de v'eritables gerbes de balles qui balayaient `a distance tous ceux qui auraient pu vouloir arr^eter les bandits. Le Bedeau, d’ailleurs, se r'ev'elait tireur d’'elite. Il dirigeait son feu de facon telle que les balles passaient par-dessus ses sinistres compagnons toujours occup'es `a d'efoncer la voiture des Postes. Elles ne les atteignaient pas, elles ne pouvaient pas les atteindre, elles les enfermaient au contraire `a l’int'erieur d’un cercle rigoureusement infranchissable. L’autobus, cependant, apr`es avoir avanc'e de quelques m`etres, s’'etait rang'e pr`es de la voiture postale renvers'ee.

Fant^omas, tr`es calme, continuait `a diriger la manoeuvre avec un merveilleux sang-froid :

— D'ep^echons-nous ! r'ep'etait-il de temps en temps. Sortez les sacs ! Bien. Portez-les dans l’autobus, c’est cela !

Les ordres 'etaient ponctuellement ex'ecut'es. La malheureuse voiture, 'eventr'ee `a coups de barre de fer, fut en quelques minutes vid'ee de ses sacs de d'ep^eches, de tout ce qu’elle contenait. Les hommes, deux par deux et ne pr^etant attention qu’`a leur travail, prenaient les ballots, les jetaient `a l’int'erieur de l’autobus o`u le Bedeau, impassible et froid, continuait `a manoeuvrer la mitrailleuse.

Or, `a ce moment pr'ecis, alors que de toutes parts des hurlements retentissaient, alors que les bless'es jonchaient le sol, alors qu’une clameur abominable montait vers le ciel, un homme, tranquillement, quittait l’arri`ere de l’autobus, qu’il n’avait pas abandonn'e jusqu’ici.

C’'etait Bouzille.

Bouzille paraissait stup'efi'e, 'emerveill'e, intrigu'e aussi.

— C’est du sacr'e travail, murmurait-il, c’est un sacr'e coup.

Bouzille, penchant la t^ete et se faisant le plus petit possible, car il ne se souciait nullement de recevoir l’un des projectiles que tirait le Bedeau, se glissa jusqu’`a la voiture d'evalis'ee.

— Moi, je vais toujours prendre les lanternes, disait-il, le cuivre, c’est de revente.

Mais Bouzille avait mal calcul'e son affaire. Il arrivait au moment m^eme o`u les hommes de Fant^omas achevaient leur extraordinaire besogne. Le chemineau se heurta `a T^ete-de-Lard.

— En arri`ere ! cria l’apache. En arri`ere !

Bouzille recula.

Au m^eme moment, un nouveau coup de sifflet retentit.

Alors, en moins d’une seconde, Fant^omas sauta sur le si`ege de l’autobus, les bandits grimp`erent dans le v'ehicule o`u Bouzille fut lui-m^eme jet'e de force, puis la sinistre voiture s’'ebranla et s’'eloigna lentement, prot'eg'ee par le tir ininterrompu de la mitrailleuse.

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