L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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— Donc ?
— Donc, s’il savait o`u 'etait votre clef, c’est que vous le lui aviez dit.
— Ah non par exemple ! Monsieur !
Cette fois, en d'epit de la gravit'e du moment, le censeur de la Banque protesta avec fureur.
— Calmez-vous, monsieur. Loin de moi la pens'ee de vous accuser. Vous avez certainement renseign'e Fant^omas sans vous en douter.
Tout en parlant, Juve s’'etait lev'e, avait travers'e le cabinet de travail, puis, 'etait venu s’agenouiller devant le bureau-ministre de M. Tissot.
Juve examina attentivement le meuble. Il finit par demander :
— O`u 'etait votre clef, monsieur ? Dans cette biblioth`eque, n’est-ce pas ?
— Oui, comment le devinez-vous ?
— Un peu de patience.
Juve continuait `a inspecter le meuble puis, avec un petit claquement de langue marquant sa satisfaction :
— Mme Tissot est brune ou blonde ?
— Tr`es brune, r'epondit M. Tissot. Mais pourquoi ? Ma femme ?
— Vous aimez Mme Tissot ? interrogeait encore Juve.
— Monsieur, les plaisanteries de cette nature…
— Je ne plaisante pas, reprit Juve, r'epondez-moi : vous ^etes fid`ele `a Mme Tissot ?
— Assur'ement.
— Alors, monsieur, vous ne recevez point ici de femme blonde ?
— De femme blonde ?
Juve e^ut parl'e chinois au censeur de la Banque qu’il e^ut sans doute 'et'e mieux compris.
Que venait faire l’histoire d’une femme blonde compliquant le vol, si complexe d'ej`a, de la fameuse clef ?
— Monsieur, reprenait Juve, j’avais raison de le dire, c’est bien vous qui avez renseign'e Fant^omas.
— Mais comment, nom d’un chien ?
— De la facon la plus simple : voyez ce cheveu.
Juve, se relevant, tendait entre deux doigts un cheveu blond `a M. Tissot.
— C’est un cheveu de femme, expliqua-t-il. Le cheveu d’une femme blonde, il est intact.
— Eh bien ?
M. Ch^atel-G'erard, `a son tour, s’'etait rapproch'e, il interrogeait en froncant les sourcils. Peut-^etre n’'etait-il pas 'eloign'e de supposer qu’une affaire de femme allait venir s’ajouter encore aux embarras de la minute.
— Eh bien, faisait constater Juve, ce cheveu est intact, mais penchez-vous, regardez au bas de votre biblioth`eque. Vous allez voir qu’`a chacun des battants adh`ere la moiti'e d’un autre cheveu.
— Je ne vous comprends pas.
— Vous allez me comprendre. Fant^omas, d'eclara Juve, du ton doctoral qu’il affectait parfois, s’est introduit, monsieur, chez vous, peu de temps avant votre retour de la Banque. Sachant que M. de Roquevaire devait s’^etre apercu ce matin de la disparition de sa clef, Fant^omas, fin psychologue, se doutait bien que, de facon toute naturelle, en rentrant chez vous, vous iriez v'erifier si la v^otre 'etait toujours en votre possession. Je suis persuad'e d’ailleurs que vous avez visit'e la cachette ? Est-ce exact ?
— C’est exact, monsieur.
— Naturellement ! Donc, Fant^omas, se doutant que votre premier souci en arrivant chez vous serait de mettre ou de prendre votre clef dans sa cachette, a imagin'e ceci : il a coll'e, dans votre cabinet de travail, de longs cheveux de femme au travers de tous les meubles pouvant vous servir de cachette. Il lui suffisait alors d’^etre seul quelques instants dans votre cabinet, pour deviner, en voyant le cheveu rompu et les cheveux intacts, le meuble ouvert par vous, ouvert, je le r'ep`ete, lorsque vous avez visit'e la cachette. Autrement dit, Fant^omas avait scell'e vos meubles et c’est en constatant qu’un de ses scell'es 'etait rompu qu’il a appris que votre biblioth`eque vous servait de coffre-fort.
— Mais, m^eme si vous avez raison, M. Juve, comment Fant^omas aurait-il devin'e quel livre me servait `a cacher la clef ?
— Comme je vais le deviner moi-m^eme.
Le policier se leva, alla vers la biblioth`eque, puis d'eclara d’une voix triomphante :
— Votre clef, monsieur, est dans le tome VI ou plut^ot 'etait dans le tome VI de l’Histoire de France de Michelet.
La d'eclaration de Juve 'etait si pr'ecise, et pourtant il n’avait touch'e aucun volume, que M. Tissot portait la main `a son front d’un geste 'egar'e.
— Expliquez-moi comment ?
— Mais monsieur, c’est enfantin. Voyez plut^ot. Si bien close que soit votre biblioth`eque, il y a toujours un peu de poussi`ere qui y p'en`etre et qui laisse une trace bleu^atre sur le vernis des rayons d’acajou. En prenant le tome VI de l’Histoire de France de Michelet, vous avez tir'e le volume et laiss'e une empreinte dans la poussi`ere. Il n’en fallait pas plus pour renseigner Fant^omas.
La merveilleuse habilet'e dont Juve faisait preuve en d'enouant ainsi, en l’espace de quelques minutes, une intrigue pourtant embrouill'ee, en reconstituant avec une autorit'e souveraine la myst'erieuse sc`ene du vol, acheva d’'ebahir le gouverneur de la Banque aussi bien que M. Tissot.
— H'elas, g'emit le gouverneur, tout cela ne nous sert `a rien, puisqu’il est trop tard. Qu’allons-nous faire ? Fant^omas ! C’est le terrifiant Fant^omas qui vient d’agir. Ah mal'ediction ! Comment 'eviter le scandale d'esormais ?
Juve cependant, ayant cess'e de parler, semblait s’absorber dans une m'editation anxieuse.
— Monsieur le gouverneur, appela-t-il soudain.
— Oui, quoi ?
— Avez-vous besoin d’aller aux coffres ?
— Aux caves, vous voulez dire ?
— C’est cela m^eme.
— Non, faisait-il, aujourd’hui, je n’ai pas besoin de descendre aux r'eserves secr`etes, mais demain sans doute, cela sera n'ecessaire, apr`es-demain, certain. Ah, c’est abominable, monsieur Juve !
Or Juve secoua la t^ete en souriant.
— Mais non, mais non, fit le policier, il ne faut pas d'esesp'erer ainsi.
— Mais vous ne vous rendez pas compte des cons'equences terribles que vont avoir ces vols ?
— Je m’en rends tr`es bien compte.
— Nous ne pouvons pas p'en'etrer jusqu’aux coffres de r'eserve d’abord, et c’est d'ej`a quelque chose. En outre, si les clefs ne se retrouvent pas, il va falloir faire changer les serrures secr`etes des quatre portes qui barrent l’acc`es des caves. Or, il faut une loi pour cela. De plus…