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L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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— Oui, tu t’es foutu de moi, continuait Juve, tu ne m’avais pas dit que tu 'etais avec Fant^omas dans l’autobus, or, maintenant je le sais !

— Mais nom de Dieu, non, monsieur Juve !

D’une voix emp^at'ee et essayant de se lever p'eniblement, l’apache t^achait de se d'efendre :

— Vous ne savez rien, monsieur Juve, dit-il, vous vous trompez.

— Ah je me trompe, vraiment ? Et qu’est-ce qui me prouve que tu n’'etais pas avec Fant^omas, hein, T^ete-de-Lard ?

Devant l’apache, Juve 'etait maintenant debout, croisant les bras, l’air furieux :

— Qu’est-ce qui me prouve que je me trompe ? r'ep'eta-t-il.

— Si j’avais 'et'e avec Fant^omas, si j’'etais un des poteaux qui ont fait le coup de l’autobus, bien s^ur monsieur Juve, que je ne serais pas venu de moi-m^eme vous rendre visite.

— Mais, bougre d’imb'ecile, tu ne sais donc pas que lorsque les agents plongeurs t’ont eu r'echauff'e au poste et qu’ils t’ont remis en libert'e, deux agents de la S^uret'e, pr'evenus par moi, t’ont fil'e ? Ah, mon salaud !

T^ete-de-Lard but encore un grand coup de vin. Il 'etait maintenant parfaitement ivre, et pourtant une lucidit'e particuli`ere s’'eveillait dans son esprit. C’'etait vrai. Il se rappelait que depuis sa sortie du poste, jusqu’`a sa venue `a la rue Tardieu, il avait 'et'e suivi, ou il avait cru ^etre suivi par deux messieurs `a la d'emarche bizarre. Mais alors, il 'etait tomb'e dans un pi`ege ?

Juve interrompit ses r'eflexions.

— Et puis, en voil`a assez, d'eclara-t-il, en voil`a de trop. Ah, tu 'etais avec Fant^omas comme tu viens de me le dire !

— Mais je n’ai rien dit.

— Si, tu viens de l’avouer.

T^ete-de-Lard crut presque ce que disait le policier.

— Tu viens de l’avouer, continuait Juve, et maintenant voil`a que tu refuses de me dire o`u est cette canaille et de te mettre `a table. Eh bien, ton compte est bon.

Juve fit mine de boire `a la bouteille, la reposa devant T^ete-de-Lard qui, d’un geste automatique la saisit `a son tour et la vida d’un seul trait.

— Oui, j’en ai assez ! continuait Juve. D’ailleurs, je sais ce qu’il pr'epare, Fant^omas, et son compte est bon `a lui aussi. Il sera fait ce soir. Parfaitement, on me l’a donn'e, Fant^omas, c’est tant pis pour toi. Cr'etin, va ! Tiens, veux-tu savoir ? Eh bien Fant^omas, il a organis'e le vol d’une clef, cette clef-l`a que j’ai dans ma poche. Oui, mais j’ai 'et'e pr'evenu. Ah, il peut la chercher, la clef, Fant^omas ! Vingt mille andouilles ! Je le jure bien qu’il ne l’aura pas ! Fant^omas, tiens, il donnerait je ne sais quoi pour l’avoir cette clef, mais je t’en fiche, c’est moi, Juve, qui la garde et il n’est pas pr`es de me la voler.

Juve versa une nouvelle rasade `a T^ete-de-Lard puis, comme l’apache prenait son verre `a deux mains, car l’ivresse le faisait trembler au point qu’il n’avait plus les gestes assur'es, Juve se jeta sur lui :

— Tu m’entends bien, r'ep'eta-t-il, je m’en fous, moi, de Fant^omas, parce que j’ai la clef et qu’il ne l’aura pas ; quant `a toi, dans cinq minutes, tu seras au D'ep^ot.

Et Juve, tout en parlant, renversait sur le sol le malheureux T^ete-de-Lard, lui ligotait les jambes avec sa serviette, lui ficelait les mains avec une tirette de rideau, et le bourrait de coups de pied.

— Tu m’entends, hein T^ete-de-Lard, lui dit-il d’un air triomphant, je vais chercher les flics pour te faire coffrer.

Et avec un grand geste de menace, laissant T^ete-de-Lard tomber sur le plancher, Juve sortit de la salle `a manger, claquant la porte derri`ere lui.

`A peine Juve 'etait-il dans l’antichambre, qu’il appelait d’une voix tr`es calme :

— Jean.

— Monsieur.

Le domestique venait d’accourir.

— Jean, reprenait Juve, vous allez me faire le plaisir de monter illico au sixi`eme, je sors.

— Bien, monsieur, mais…

— Mais quoi, Jean ?

— L’invit'e de monsieur, est-ce qu’il couche ici ?

Juve partait d’un grand 'eclat de rire.

— C’est peu probable, disait-il, et en tout cas, cela ne te regarde pas. Allez, grouille, fiche le camp !

Le domestique partit sans mot dire. Jean en avait bien vu d’autres depuis qu’il 'etait au service du policier.

Juve descendait l’escalier, il avisa la concierge qui fl^anait sur le pas de la porte.

Depuis que Juve 'etait le locataire de la maison, la brave femme avait appris `a l’estimer. Elle professait pour lui le plus grand respect.

— Madame, d'eclarait Juve, avec son petit air tranquille et 'enigmatique, je tiens `a vous pr'evenir qu’il va bient^ot passer devant vous un individu de mauvaise mine qui, sans doute `a peine dehors, s’enfuira en courant.

— Seigneur J'esus !

— Attendez, madame, laissez-moi achever. Cet individu aura peut-^etre sous les bras des paquets, peut-^etre vous semblera-t-il inquiet et anxieux. Vous n’y ferez pas attention s’il vous pla^it, vous le laisserez aller. C’est bien entendu ?

Juve cligna de l’oeil, la concierge r'epliqua, croyant comprendre :

— C’est entendu, monsieur. Probablement qu’il s’agit d’un agent de la S^uret'e, d'eguis'e ?

— Probablement, r'epondit Juve.

Et, sans s’expliquer davantage, le policier descendit jusqu’au coin de la rue de Steinkerque, o`u 'etait 'etabli un mastroquet qui vendait d’excellent cidre. Juve avait achet'e des journaux, il s’attabla et commenca `a lire, souriant, satisfait.

Or, tandis que Juve demeurait ainsi en face d’un pichet de cidre, T^ete-de-Lard, rest'e seul dans l’appartement du policier, se d'egrisait petit `a petit. L’apache, auquel Juve avait fait boire des vins probablement truqu'es, recouvrait relativement vite sa pr'esence d’esprit.

Si b^ete qu’il f^ut, T^ete-de-Lard se rendait compte qu’il 'etait en f^acheuse posture.

— Je suis fait, murmurait T^ete-de-Lard, mon compte est bon.

Et il sentait des petits frissons lui courir au long de l’'echine `a la seule pens'ee que, d’un instant `a l’autre, des agents allaient arriver pour le saisir et l’emmener au D'ep^ot.

Du temps passait, cependant. T^ete-de-Lard se d'egrisait de plus en plus et m^eme commencait `a s’'etonner.

— Mais Juve ne revient pas, nom d’un chien !

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