L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Fant^omas, assur'ement, disposait de multiples complices. Le g'enie du Crime, depuis qu’il terrorisait Paris, depuis qu’il avait par'e son nom d’une gloire sanglante et effroyable, s’'etait m'enag'e des alli'es dans les endroits les plus divers.
Il sonna bient^ot de facon particuli`ere trois coups, puis deux, puis trois encore, `a la porte d’un immeuble de la rue Radziwill. Il p'en'etra dans une sorte d’h^otel borgne dont il monta l’escalier.
Fant^omas, une demi-heure plus tard, se trouvait sur le toit de la maison. La largeur de la rue, cinq m`etres `a peine, le s'eparait des toits de la Banque. Il eut pour le vide un sourire de d'edain.
— Je crois que cette fois, murmurait le bandit, je suis pr^et `a donner l’attaque.
Au pied d’une chemin'ee, il ramassa un paquet de cordes volontairement abandonn'e l`a. Avec une adresse consomm'ee, il s’en empara, et, ayant fix'e le bout du cordage `a un crampon de fer, il jeta le c^able par-dessus la rue sur le toit de la Banque. Le c^able se terminait par un noeud coulant. Fant^omas avait lanc'e la corde avec une si grande habilet'e que ce lasso improvis'e s’enroula autour d’une saillie de la toiture. Il tendit lentement le c^able et sourit encore :
— Voici le pont qu’il me faut.
Et d`es lors, avec une assurance extraordinaire, narguant le vertige, souple, rapide, invisible presque dans la nuit profonde, Fant^omas se livra `a la plus p'erilleuse des acrobaties.
Il avait empoign'e des deux mains le mince cordage et, suspendu dans le vide, balanc'e par le vent, au risque de l^acher prise, il traversa la rue, atteignit la toiture de la Banque. Fant^omas alors trouva moyen de d'ecrocher le c^able qui tenait encore `a l’immeuble dont il 'etait parti. Il le tirait `a lui pour ne pas laisser trace de son passage. Cela fait, il 'eclata de rire.
— Et voil`a, disait Fant^omas, voil`a ce `a quoi Juve n’a point pens'e !
Le G'enie du Crime, tout le temps de son voyage a'erien, avait tenu serr'e entre les dents un assez volumineux paquet qu’il venait de d'eplier lentement. Il avait extrait son maillot, remis sa cagoule sinistre, cach'e `a nouveau son visage et c’'etait de la sorte la silhouette fantastique de l’homme noir, la silhouette l'egendaire de Fant^omas terrorisant le monde, qui se profilait dans la clart'e lunaire, sur le toit de la Banque de France.
— De mieux en mieux, murmurait Fant^omas qui ne semblait plus d'esormais se h^ater. Vers les dix heures, demain matin…
Mais il s’interrompit pour rire encore, rire infernalement.
Puis Fant^omas progressa pr'ecautionneusement sur le zinc de la toiture. Il avait un peu bruin'e et le m'etal 'etait glissant. N’importe, il allait toujours. Sa silhouette se d'ecoupa quelques instants encore sous le ciel, p^ale, puis elle disparut. On n’entendit plus aucun bruit. Fant^omas, une fois encore, semblait s’^etre fondu dans la nuit, s’^etre 'evanoui dans le silence et l’ombre.
***
— Messieurs, maintenant, il importe de prendre les plus grandes pr'ecautions. Je vous ai bien pr'evenus que je consid'erais que nous n’'etions point encore hors d’affaire et par cons'equent…
Juve 'etait debout au milieu du cabinet directorial et s’entretenait avec M. Ch^atel-G'erard qui venait de demander d’urgence M. Tissot et aussi le baron de Roquevaire.
Ils allaient tous les quatre descendre aux caves ainsi qu’apr`es r'eflexion l’avait conseill'e le policier et tous, apr`es s’^etre entretenus avec Juve, 'eprouvaient, sans pouvoir s’en d'efendre, une vive 'emotion `a la pens'ee d’une rencontre possible avec Fant^omas.
— Messieurs, continua Juve, je vous r'ep`ete que toutes les pr'ecautions prises par les ing'enieurs pour mettre les caves `a l’abri d’un attentat, sont nulles d`es qu’il s’agit de Fant^omas. Donc tenez pour certain qu’il est fort possible que le bandit soit l`a o`u nous allons aller. Cela dit, je pense qu’il est superflu de vous recommander de faire tr`es attention. Vous ^etes arm'es, messieurs ?
Les trois hommes auxquels Juve s’adressait firent oui de la t^ete.
— Tr`es bien. Mais ce n’est pas suffisant. Laissez-moi vous recommander tout sp'ecialement de ne pas avoir de sots scrupules de g'en'erosit'e. `A la premi`ere alerte, au premier signe de danger, faites feu !
— C’est entendu, r'epondit le baron de Roquevaire qui ma^itrisait avec peine sa nervosit'e.
— Autre chose, reprit Juve. Comme il convient de ne pas donner l’alarme dans la Banque, j’estime, et je pense, monsieur le gouverneur, que vous partagerez mon avis, que le mieux est d’agir discr`etement. Nous allons donc descendre tous les quatre et tous les quatre seulement. Nous posterons quatre agents `a l’entr'ee des salles des coffres, c’est-`a-dire `a l’entr'ee de la cave ordinaire, avec mission d’emp^echer quiconque d’en sortir. Comme le sous-sol r'eserv'e o`u nous allons, d'ebouche dans la cave ordinaire, nous sommes certains qu’`a part nous, personne ne pourra s’'echapper par l`a.
Juve parlait toujours avec son extraordinaire sang-froid. Mais ses interlocuteurs s’'enervaient.
— C’est cela, c’est cela, disait M. Tissot.
— Allons, marchons, faisait M. Ch^atel-G'erard.
— Marchons ! r'epondit Juve en souriant.
Il placa son browning, dont il avait d'ecroch'e le cran de s^uret'e, dans la poche de son veston.
— Un dernier avis… ajouta le policier. Autant que possible, messieurs, t^achons de marcher dans un ordre rigoureux. Moi d’abord, M. de Roquevaire ensuite, puis M. Tissot, et enfin M. Ch^atel-G'erard.
Cette fois, les ultimes avis 'etaient donn'es. Juve, pr'ec'edant les trois hommes, sortit du cabinet directorial. Dans les couloirs qu’il longeait pour se rendre au rez-de-chauss'ee dans la grande salle du public o`u d'ebouchait l’entr'ee des caves, le petit groupe passa. Les trois porte-clefs baissaient la t^ete, soucieux, inquiets. Juve lui, souriait, et, sans en avoir l’air, jetait de tous c^ot'es des yeux inquisiteurs. Juve, en effet, depuis quelque dix ans qu’il poursuivait Fant^omas, avait 'et'e t'emoin de tant de ruses employ'ees par le bandit, avait vu Fant^omas recourir `a de si surprenants exp'edients, qu’il avait pris l’habitude de douter de tous et de tout. Avec son flair sp'ecial, il imaginait bien en ce moment que Fant^omas ne devait pas ^etre loin et devait ourdir un plan d’attaque, mais il ne pouvait arriver `a pr'eciser la facon dont le bandit allait s’y prendre.