L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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M. Havard, solennel, continua :
— Vous avez 'et'e arr^et'e hier apr`es-midi au moment o`u vous vous efforciez de faire passer au receveur des contributions un certain billet de banque de cent francs dont la nature a paru suspecte `a nos inspecteurs.
L’homme haussa les 'epaules.
— Je ne comprends pas, dit-il, qu’on ait agi de la sorte avec moi. Je suis honn^ete et, de ma vie, je n’ai 'et'e soupconn'e par les patrons des maisons o`u j’ai travaill'e de la moindre incorrection. Je ne sais pas d’ailleurs, ce que l’on reproche `a ce billet de banque. S’il est faux, ce n’est pas de ma faute. Je l’ai recu d’un client, tout cela est bien malheureux pour moi.
Malgr'e son 'emotion, le prisonnier s’exprimait avec tranquillit'e, M. Havard, se penchant vers Juve, murmura, lui clignant de l’oeil :
— Le gaillard est fort, et il cache son jeu.
Il poursuivait n'eanmoins, ironique :
— Naturellement, vous seriez incapable de d'esigner la personne qui vous a remis ce billet de banque ?
— C’est vrai, avoua le garcon de caf'e. Il passe tant de monde chez nous que je ne sais pas si je tiens ces cent francs de la caisse ou alors d’un client.
— Naturellement, fit encore M. Havard, dans de semblables affaires, on ne peut jamais rien dire. Eh bien, mon garcon, vous ferez bien cependant de vous efforcer de rassembler vos souvenirs, car il pourrait vous en co^uter fort cher de n’avoir point de m'emoire.
M. Havard sonna. Deux agents entr`erent. Le chef de la S^uret'e ordonna :
— Vous allez conduire cet homme au D'ep^ot.
Le d'etenu, `a ces mots, avait sursaut'e :
— Quoi ? interrogea-t-il, on me m`ene en prison ? On ne me l^ache pas ? Mais c’est extraordinaire, indigne ! Je n’ai rien fait de mal, moi. Je suis un honn^ete homme. Et d’ailleurs, qu’a-t-on `a me reprocher ? Ce maudit billet que vous avez saisi, j’ignore ce qu’il a de suspect ! Est-il faux ? Est-ce un billet vol'e ?
M. Havard s’'enervait :
— Vous retournez les r^oles, mon garcon, et ce n’est gu`ere `a vous de poser des questions. Je ne demande pourtant pas mieux que de vous r'epondre. Je m’en vais vous le dire, ce qu’est ce billet.
Mais Juve s’interposa :
— Je vous en prie, monsieur Havard, ne dites rien, ce n’est pas la peine, le moment n’est pas venu.
Le chef de la S^uret'e consid'era un instant le c'el`ebre policier :
— Apr`es tout, reconnut-il, vous avez peut-^etre raison.
Puis, il fit un signe, les agents emmen`erent le garcon de caf'e.
Lorsque les deux hommes furent seuls, Juve reprit en souriant :
— Vous alliez lui expliquer, monsieur Havard. Mais savez-vous donc tr`es exactement la caract'eristique particuli`ere de ces billets ?
— Oui, fit le chef de la S^uret'e. D’ordinaire, les billets de banque ont trois chiffres r'ep'et'es en double sur chacune de leur face, et ceux qui ont 'et'e d'erob'es dans les coffres, n’en portent que deux.
— Non, dit Juve, c’est l`a un cas normal, sinon tr`es fr'equent. Si nous n’avions que cet 'el'ement pour rechercher les billets vol'es, nous serions fort g^en'es. Il en est un autre beaucoup plus probant.
— Lequel donc ?
— Celui-ci, fit Juve : vous savez que devant chacun des chiffres constituant le num'erotage des billets, il est d’usage de mettre une lettre de l’alphabet. Cette lettre est s'epar'ee des chiffres par un point, or – et c’est l`a le d'etail important, le seul dont il faille tenir compte – ce point n’existe pas dans les billets vol'es.
M. Havard allait r'epliquer, lorsque la sonnerie du t'el'ephone rappela `a l’appareil.
Il r'epondit `a son interlocuteur, puis appela Juve d’un signe de la main, et le policier, comprenant le d'esir de M. Havard, prit une feuille de papier, un crayon, pour noter les renseignements que l’on transmettait au chef de la S^uret'e. Celui-ci r'ep'etait `a haute voix les propos qu’on lui tenait :
— M. Ch^atel-G'erard ? Oui, Parfaitement. Oui, c’est moi, M. Havard. Vous avez du nouveau ? Un gros 'ev'enement. Ah tr`es bien, je vous 'ecoute. Parlez. Il s’agit, dites-vous, du vol de l’autre jour. Vous avez quelqu’un de suspect dans vos bureaux ?
M. Havard 'ecoutait encore, hochait la t^ete `a maintes reprises, puis, finalement, invitait Juve `a prendre le r'ecepteur de l’appareil, `a 'ecouter avec lui la conversation.
Lorsque l’interlocuteur du chef de la S^uret'e eut fini de parler, M. Havard posa l’appareil, non sans avoir dit au pr'ealable :
— Gardez la communication, monsieur Ch^atel-G'erard. Je vous r'eponds dans un instant.
Puis, il regarda Juve et l’interrogea :
— Eh bien, qu’en pensez-vous ? Vous avez bien entendu, n’est-ce pas ? M. Ch^atel-G'erard nous informe qu’il y a dans ses bureaux quelqu’un qui vient de faire un d'ep^ot de 10 000 francs constitu'e par des billets de banque provenant tous du vol. Ce personnage n’est autre que le comptable de la maison Rivel soeurs, les couturiers de la rue de la Paix.
— J’ai entendu.
— Eh bien, poursuivit M. Havard, qui s’appr^etait `a reprendre le r'ecepteur, je m’en vais t'el'ephoner `a M. Ch^atel-G'erard de faire imm'ediatement arr^eter ce comptable, ce qui sera d’autant plus facile que j’ai plac'e l’inspecteur Martin en surveillance `a la Banque de France.
Et M. Havard allait donner ce conseil au gouverneur de la Banque, lorsque Juve l’arr^eta :
— Mais non, fit-il, cette arrestation est absolument inutile, comme d’ailleurs celle de votre garcon de caf'e. Il est bien 'evident que si cet employ'e de la maison Rivel soeurs, 'etait coupable de quoi que ce soit, il ne serait pas venu se jeter ainsi dans la gueule du loup.
M. Havard comprenait l’objection de Juve. Il h'esitait, puis demanda :
— Que feriez-vous `a ma place ? Ce serait vraiment trop b^ete de laisser 'echapper cet individu si d’aventure il 'etait coupable.
— Dites au gouverneur, qu’on accepte le d'ep^ot de 10 000 francs, que l’on fasse toutes les op'erations que voudra ce comptable, puis faites ordonner `a Martin de le prendre en filature.
M. Havard ob'eit `a Juve. Quelques instants plus tard, le policier se pr'eparait `a prendre son chapeau et `a sortir.