L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Il pr^eta l’oreille. L’appartement 'etait silencieux, semblait abandonn'e.
— Si je tombe dans les mains d’un curieux, songeait T^ete-de-Lard, je pourrais bien aller faire connaissance avec le rasoir de Deibler.
Une sueur froide, `a cette pens'ee, lui perlait en grosses gouttes aux tempes.
— Je suis fichu, se disait T^ete-de-Lard.
Puis, soudain une esp'erance.
— Ah, si seulement je pouvais me trotter avant le retour de Juve…
T^ete-de-Lard se prit alors `a tendre violemment ses muscles, `a faire effort pour se d'eligoter. Et c’est `a l’improviste qu’il y r'eussit.
`A coup s^ur, Juve s’'etait trop h^at'e en lui liant les jambes et le noeud fait dans la serviette n’'etait pas solide. T^ete-de-Lard fut libre en quelques instants.
Il avait coup'e avec un couteau les tirettes qui lui liaient les mains, il 'etait alors debout dans la salle `a manger. T^ete-de-Lard respira profond'ement.
— Jusque-l`a, ca va bien, murmura-t-il, mais comment sortir d’ici sans me faire pincer ?
Il courait jusqu’`a la porte du cabinet de travail et y colla l’oreille.
— Pas de bruit, fit-il, personne n’est l`a.
T^ete-de-Lard revint `a la porte qui donnait sur l’antichambre. Pas de bruit encore.
Cette fois, l’esp'erance s’affirma dans son coeur. T^ete-de-Lard revint vers la table, la couardise dont il avait maintes fois donn'e des preuves disparaissait sous l’empire du danger couru. T^ete-de-Lard se saisit d’un grand couteau `a d'ecouper.
— Si quelqu’un me barre le passage…
Et la facon dont il brandissait le couteau compl'etait la phrase de l’apache. Mais soudain, en d'epit de la gravit'e de ses aventures, T^ete-de-Lard 'eclata de rire.
— Ah par exemple, s’exclama-t-il.
Sur la table, brillant sur la blancheur de la nappe, T^ete-de-Lard venait d’apercevoir un petit objet qu’il se h^ata d’enfouir au fond de sa poche.
— Ca, par exemple, r'ep'etait T^ete-de-Lard, c’est plus fort que tout. Voil`a que Juve a oubli'e la clef que voulait Fant^omas.
Il ne fallait pas toutefois s’attarder `a r'efl'echir. T^ete-de-Lard le comprenait bien. Sans bruit, avec des pr'ecautions extr^emes, il ouvrit la porte de la salle `a manger et se glissa dans l’antichambre.
— Personne ?
T^ete-de-Lard, longeant l’antichambre, le coeur battant `a grands coups, ouvrit la porte de l’escalier, mais `a ce moment, il se prit `a tressaillir.
— Si je passe avec mes v^etements pur'ee devant la concierge, je suis s^ur que je vais ^etre fait.
T^ete-de-Lard eut une inspiration de g'enie. Laissant la porte de l’escalier ouverte, il revint jusqu’`a un portemanteau meublant l’antichambre et auquel 'etaient accroch'es des pardessus appartenant `a Juve.
T^ete-de-Lard en prit un qui 'etait long, le boutonna soigneusement et changea sa casquette plate contre un chapeau melon.
***
La concierge du logis de la rue Tardieu, `a 11 heures du soir, n’avait toujours pas vu passer d’individu louche portant des paquets sous le bras.
Juve, encore install'e derri`ere les petits rideaux voilant la devanture de son mastroquet avait, aux environs de dix heures et demie, hauss'e les 'epaules et murmur'e en avisant un passant :
— Tout de m^eme, il exag`ere. C’est justement mon chapeau neuf.
***
`A une heure du matin, un personnage qui portait un grand pardessus et une coiffure sortie de chez un chapelier, se glissait, plus qu’il n’entrait, dans une maison borgne rue de la Charbonni`ere, `a quelque distance du cabaret du p`ere Korn.
Ce personnage, qui semblait fort souriant, tout joyeux, enchant'e de lui-m^eme, monta rapidement l’escalier gluant et sale de l’immeuble, heurta `a la porte d’une soupente situ'ee sous les toits.
— Qui va l`a ? demanda une voix grave.
— T^ete-de-Lard.
La porte s’ouvrit. Une silhouette tragique, 'epouvantable se dressa.
C’'etait la silhouette fameuse entre toutes, la silhouette redoutable et terrifiante d’un homme, grand, mince, v^etu d’un maillot noir qui le moulait des pieds `a la t^ete, dont les mains 'etaient gant'ees de noir, dont le visage disparaissait sous les plis d’une cagoule noire.
— Entre, ordonna la voix br`eve du bandit.
T^ete-de-Lard ob'eit.
— Tu n’es donc pas mort ?
T^ete-de-Lard, d’'emotion, venait de tomber `a genoux :
— Non, je ne suis pas mort et m^eme…
— Que me veux-tu ? demandait le bandit.
— Ma^itre, faisait-il, je sais que tu r'ecompenses tous ceux qui te servent fid`element. Si je viens te trouver, c’est que je suis en mesure de te rendre un grand service.
— Vraiment ?
— Oui, vraiment, affirma T^ete-de-Lard. Je viens de chez Juve.
— Et alors ?
— Et alors, Ma^itre, chez Juve j’ai travaill'e pour toi.
— Pour moi ?
— Oui, pour toi !
Et T^ete-de-Lard triomphalement fouilla dans sa poche.
— Voici qui te prouvera, dit-il, que je ne suis pas un imb'ecile, et que je m'erite d’^etre associ'e `a tes projets. Fant^omas, tu as vol'e deux clefs, para^it-il, et tu voulais voler la troisi`eme. Cette troisi`eme clef, la voil`a.
T^ete-de-Lard tendait la clef d'erob'ee chez Juve. Or, Fant^omas regarda cette clef quelques secondes `a peine.
— Mal'ediction, hurla le bandit, c’est la troisi`eme clef de la Banque.
Et pris d’une col`ere subite, il empoigna T^ete-de-Lard, l’'etrangla `a moiti'e, lui hurlant des insultes :
— Imb'ecile, idiot ! Ah tu m'eriterais…
Certes, T^ete-de-Lard ne s’attendait pas `a de pareils remerciements.
8 – LES CLEFS RESTITU'EES
M. Ch^atel-G'erard, le lendemain matin du jour o`u les deux premi`eres clefs des caves avaient myst'erieusement disparu, se promenait solitaire dans son somptueux bureau et paraissait de d'etestable humeur.