La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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— Vous, vous.
L’homme qui venait rendre visite `a Hans Elders, et dont le seul aspect semblait lui causer tant de frayeur, reprit pour la troisi`eme fois :
— Hans Elders, bonjour.
Puis, accentuant encore l’intonation moqueuse de sa voix, il ajouta :
— Parbleu, mon camarade, vous avez l’air plus surpris que charm'e de ma visite. Vous ne m’attendiez pas ? Vous n’^etes pas charm'e de me revoir apr`es plus de douze ans d’absence ?
Alors des l`evres serr'ees de Hans Elders, un mot siffla, un mot qu’il osait `a peine prononcer, qu’il prononcait comme avec une h'esitation :
— Fant^omas.
Fant^omas, d’ailleurs, semblait jouir, prodigieusement amus'e, de l’extraordinaire frayeur qui s’'etait empar'ee de Hans Elders…
— Fant^omas r'ep'eta-t-il, en imitant cette fois la voix tremblante du ma^itre de Diamond House, comme vous dites cela, mon camarade. Il semble, en v'erit'e, que vous n’osiez pas me reconna^itre ? Voyons, Hans, quel trouble s’est donc empar'e de vos esprits ? Pourquoi ^etes-vous donc si tremblant ? Pourquoi manifestez-vous une crainte que rien ne justifie ? Jadis, ne vous avais-je pas jur'e, `a l’heure o`u nous nous s'eparions dans les plaines sauvages du veld, `a l’heure o`u tout autour de nous n’'etait que ruines, incendies, d'evastations, `a l’heure o`u les fermes br^ulaient, de toutes parts, ne vous avais-je pas jur'e que je reviendrais ? Doutiez-vous de ma parole, par hasard ? 'Etiez-vous si absorb'e dans vos occupations, que mon nom f^ut jamais arriv'e jusqu’`a vos oreilles, mon nom que j’ai su faire illustre, redoutable, respect'e m^eme ? Ainsi que je l’avais promis encore.
Des l`evres exsangues de Hans Elders, un seul mot sifflait encore. Une seule phrase qui semblait contenir `a elle seule toute la terreur qui, manifestement, s’'etait empar'e de l’^ame du directeur de Diamond House :
— Fant^omas, c’est vous, Fant^omas. Ah, pourquoi ?
— Vous demandez pourquoi je suis revenu, Hans ?… Allons donc ! Avez-vous perdu l’esprit ? Faut-il que j’'evoque `a vos yeux les conventions que nous avions pass'ees jadis ?
— Non.
— Alors, je vous le r'ep`ete, d’o`u vient votre 'etonnement ?
— On vous disait mort.
— Mort ? Allons donc. Est-ce que Fant^omas peut mourir ? Est-ce que Fant^omas est mortel ?
Puis quittant le ton de la plaisanterie :
— Rappelez-vous Hans Elders, nous 'etions les meilleurs amis du monde. Et nous aurions eu des destin'ees pareilles si votre esprit, Hans ne s’'etait montr'e, en somme, que faible et de peu d’envergure. Car, tandis qu’alors d'ej`a je me savais promis aux plus hautes destin'ees, vous, d’une ambition moins haute, vous vous estimiez satisfait de votre sort. C’est `a ce moment, Hans, que je vous fis la proposition qui nous lie, que nous avons sign'e le contrat qui faisait de vous mon premier lieutenant et de moi l’artisan de votre fortune. C’est moi, Hans Elders, c’est moi Fant^omas, qui vous ai donn'e l’id'ee g'eniale de cette fausse chercherie de diamants. Je m’engageais `a vous trouver des pourvoyeurs, je vous promettais que les gemmes afflueraient dans vos coffres. Ai-je manqu'e `a mes serments ? Ai-je trahi mes promesses ? Ai-je 'et'e en-dessous de la t^ache que j’avais librement adopt'ee ? R'epondez, Hans Elders.
Le malheureux directeur de Diamond House avait peine `a ressaisir ses esprits.
Et Fant^omas s’en apercevait si bien que, dans une attitude qui se m'elangeait de compassion et de d'efi, c’'etait lui qui avait avanc'e un si`ege vers celui qu’il venait de traiter de complice.
— Asseyez-vous, dit-il, calmez-vous, Hans. Si, en effet, vous me croyiez mort, je comprends que vous ayez pu ^etre surpris de ma r'eapparition et je ne vous en veux pas. Mais aussi bien, il est temps que vous redeveniez ma^itre de vous-m^eme, nous avons `a travailler.
— `A quoi ?
— Oui, poursuivit Fant^omas, qui maintenant se promenait de long en large dans le bureau du directeur de Diamond House, nous avons `a travailler. Mais avant, r'epondez-moi, ai-je 'et'e pour vous le fid`ele associ'e que j’avais jur'e d’^etre ? Votre chercherie de diamants a-t-elle prosp'er'e ? Vous ai-je fait gagner les millions que je vous avais promis ? En vous assurant en m^eme temps une parfaite impunit'e ?
Hans Elders ne put que faire
— Alors, mon camarade, reprit de sa m^eme voix railleuse Fant^omas, dans ce cas, il me semble que c’est maintenant `a vous de tenir vos promesses ? D'ecidez-vous. Rendez-moi des comptes, dites-moi le montant de ma part.
Le montant de sa part… Jadis, quand dans le veld sauvage, Fant^omas et Hans Elders 'etaient tous les deux des pillards comme en tra^inent `a leur suite toutes les arm'ees qui font campagne, Hans Elders avait 'et'e heureux d’accepter les propositions du bandit. Il avait vu dans l’offre que Fant^omas lui faisait de lui fournir r'eguli`erement des pierreries destin'ees `a amorcer la fausse chercherie un moyen de faire fortune. Hans avait recu, par la suite, la visite de pourvoyeurs louches que Fant^omas, Fant^omas disparu, lui adressait. La chercherie, aliment'ee par des courtiers qui n’'etaient en r'ealit'e que des receleurs, par G'erard, par Ribonnard et tant d’autres avait prosp'er'e. Et comme Fant^omas ne donnait toujours pas de ses nouvelles, comme il devenait l'egendaire, comme `a maintes reprises on avait annonc'e sa mort, Hans Elders avait imagin'e que son redoutable associ'e ne viendrait jamais lui demander de comptes, ne se pr'esenterait jamais pour r'eclamer son d^u.
Or, cette 'ech'eance que ne redoutait plus Hans Elders, voici qu’elle avait sonn'e, voici que Fant^omas 'etait devant lui, voici qu’il disait d’une voix d'edaigneuse :
— Partageons.
Hans d'ej`a s’affolait.
Il n’'etait pas au bout de ses peines, car soudain Fant^omas avait chang'e d’attitude.
Ce n’'etait plus seulement un homme railleur que Hans Elders avait devant lui, c’'etait bien le Roi du Crime, c’'etait un ma^itre, un ma^itre qui menacait.
Oui, Fant^omas, soudain, en com'edien expert qu’il 'etait, quittait le ton badin, prenait une mine grave. C’'etait frissonnant qu’il s’avancait vers Hans Elders, les mains tendues, l’oeil inject'e, fou furieux :
— Mis'erable, hurla-t-il, tra^itre, abject individu, ren'egat ! Oh, crois-tu que j’ignore aucune de tes vilenies ? 'Ecoute. Il y a six mois que je t’'epie. Il y a six mois que je suis au courant, jour par jour, de tes actes et de tes l^achet'es. Il y a six mois que je sais que tu me crois mort, que tu dis `a chacun que je suis mort, que tu pr'etends voler, `a moi, `a ton bienfaiteur, `a ton ma^itre, au ma^itre de tous, `a Fant^omas, la part qui me revient l'egitimement de l’exploitation de cette chercherie que mon industrie seule a cr'e'ee, que mon industrie seule maintient productive.
— Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas vrai !
Mais Fant^omas s’'etait ressaisi.
Il ma^itrisait sa col`ere.
D’une voix redevenue froide, implacable, il interrogea :
— Mais tu as fait pis. Tes larcins, ta l^achet'e, ta duplicit'e de tra^itre, je te les pardonnerais encore. Ce que je ne te pardonnerai pas, Hans Elders, c’est d’avoir voulu d'erober le coffret, le coffret que j’avais confi'e `a Laetitia, et o`u 'etaient enferm'es les papiers de ma fille.