La livr?e du crime (Преступная ливрея)
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— Rita, Rita.
— Alors docteur, demanda Juve, que dites-vous de l’'etat du malade ?
— 'Etat tr`es grave, d'eclara-t-il, tr`es inqui'etant. Ce jeune homme a recu sur le visage une grande quantit'e d’acide sulfurique, commun'ement appel'e vitriol. 'Evidemment, on a d^u op'erer au moyen d’un r'ecipient de grande dimension qui a permis de diriger le jet du liquide avec une parfaite libert'e d’action. Voyez plut^ot. La face n’est plus qu’une plaie. L’acide a tout attaqu'e et les chairs seront longues `a se reconstituer. Si ce malheureux jeune homme en r'echappe toutefois.
— Vous le croyez donc perdu ?
— Hum, oui et non, je crois qu’il gardera la vie, mais je crois aussi qu’il restera aveugle. Les deux yeux sont atteints.
— Bon, fit Juve, alors il s’agit bien d’un drame au vitriol. Et tout en parlant, Juve examinait la pi`ece, notait qu’une somptueuse armoire `a glace avait 'et'e fractur'ee : ce qui me chiffonne, voyez-vous, c’est qu’en r'ealit'e un drame du vitriol, cela ne suppose gu`ere un vol. Enfin le bless'e comprend-il ce qu’on lui dit ?
— Difficilement, r'epondait le praticien. Il n’a pas perdu connaissance, mais enfin…
D'ej`a, Juve 'etait aupr`es du lit, pench'e sur la malheureuse victime :
— Monsieur Marquet-Monnier, commencait Juve, vous m’entendez ? Je suis inspecteur de police. Dites-moi, que vous est-il arriv'e ?
Un g'emissement 'epouvantable s’'echappa des l`evres de S'ebastien :
— Je ne sais pas. J’ai 'et'e attaqu'e. Je n’ai rien vu. Rita ? o`u est Rita ?
— C’est votre amie que vous demandez ?
— Ma ma^itresse oui, je veux Rita. Dites `a Rita de venir.
— Cet homme est dans un 'etat tr`es grave, murmura le m'edecin `a l’oreille de Juve, il est absolument impossible que vous le fassiez parler maintenant. Laissez-moi deux heures pour lui administrer des calmants, faire les pansements. `A l’heure qu’il est, votre intervention pourrait lui ^etre fatale.
Des l`evres du bless'e la m^eme plainte montait toujours :
— Je ne sais pas ce qui m’est arriv'e, je rentrais dans ma chambre, je n’avais pas encore allum'e l’'electricit'e, on s’est jet'e sur moi. Rita ? o`u est Rita ? je la veux, elle me soignera.
— Ne vous inqui'etez pas, murmura Juve, Mme Rita d’Anr'emont va venir, vous la verrez dans quelques instants.
Il s’'ecarta du lit, tira le m'edecin par la manche, gagna l’escalier du petit h^otel :
— Docteur, demandait le policier, vous ^etes le m'edecin habituel de cette maison ?
— Je suis depuis longtemps le m'edecin de Mme d’Anr'emont, mais il y a un an tout au plus qu’elle conna^it M. Marquet-Monnier. Je ne l’ai vu, lui, qu’une seule fois.
— Docteur, lui ne m’int'eresse pas. C’est cette Mme d’Anr'emont qui m’intrigue. Quel ^age peut-elle avoir ?
— Elle avoue trente-cinq ans.
— Elle doit avoir d'epass'e la quarantaine ?
— Je ne crois pas, trente-sept, trente-huit.
— Oui, une femme m^ure avec pour amant un petit jeune homme. Hum, je n’aime pas beaucoup ca. (Juve pensait tout haut).
— Ah c`a, commenca l’homme de l’art, qu’imaginez-vous donc ? Je connais Mme d’Anr'emont depuis d'ej`a pas mal de temps. Je peux me porter garant de sa parfaite honorabilit'e. Quand elle conna^itra le malheur survenu `a son amant…
— Mme d’Anr'emont est parfaitement estimable, mais enfin o`u est-elle ? Car enfin, tout ca est extravagant. Nous sommes en pr'esence d’un malheureux terriblement bless'e, au domicile de sa ma^itresse et seul dans ce domicile. Mme d’Anr'emont, j’imagine, devait passer toutes ses nuits chez elle en compagnie de son amant : M. Marquet-Monnier. Ce nom est connu, il doit ^etre apparent'e au banquier du m^eme nom.
— C’est son fr`ere.
— Par cons'equent il devait, certainement entretenir richement cette Mme d’Anr'emont et si celle-ci le trompait, elle ne le devait faire qu’en cachette, sans d'ecoucher.
— Ah c`a, o`u voulez-vous donc en venir ?
— Mais `a quelque chose de bien simple, que diable. C’est que Mme d’Anr'emont devrait ^etre l`a. Il est inexplicable qu’elle n’y soit pas ou du moins que son absence ne puisse ^etre expliqu'ee que d’une seule mani`ere…
— Laquelle ?
— Ne serait-elle pas en fuite ? Voyons, ne trouvez-vous pas cela assez naturel, assez limpide, Mme d’Anr'emont, femme d'ej`a sur le retour, ma^itresse d’un jeune homme, ayant besoin d’argent, se venge sur lui, d’un abandon prochain peut-^etre, en le vitriolant, puis dispara^it apr`es avoir cambriol'e les objets de valeur ?
— Monsieur l’inspecteur vous parlez de choses 'epouvantables avec un sang-froid qui me r'evolte et d’abord, pourquoi Mme Rita d’Anr'emont aurait-elle cambriol'e chez elle ? car cet h^otel lui appartient.
— Son amant avait peut-^etre les cl'es de certains meubles o`u il enfermait les objets pr'ecieux qui lui 'etaient propres.
— C’est inconcevable.
C’'etait au tour de Juve de ne rien r'epondre. 'Evidemment, il 'etait difficile de supposer que Rita d’Anr'emont f^ut r'eellement l’auteur de la tentative d’assassinat dont venait d’^etre victime son amant. Mais o`u 'etait-elle ?
Juve quitta le praticien qui retournait dans la chambre du bless'e alors que lui-m^eme se h^atait vers le bas de l’h^otel. Assis sur les marches, se trouvait M. Casimir, le concierge :
— Eh bien, interrogea le brave homme, comment va-t-il ?
— Mal, r'epondit Juve, je ne sais pas si on le sauvera.
Puis, comme si, tout `a coup il e^ut 'et'e illumin'e par une pens'ee bien simple qui lui venait brusquement `a l’esprit, il interrogea :
— Mais o`u donc sont les domestiques ? Je suppose tout de m^eme qu’il doit y avoir, dans un h^otel comme celui-ci, cuisini`ere et femme de chambre ?