La main coup?e (Отрезанная рука)
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Juve, comme m^u par un ressort, bondit hors de son fauteuil. Mais le mouvement brusque qu’il venait de faire l’arracha d’un r^eve, d’un cauchemar. Juve commandant `a sa volont'e, s’imposait aussit^ot l’obligation de se rasseoir, de demeurer immobile, prisonnier de lui-m^eme, refr'enant sa passion.
Dans la galerie Sud, tout `a l’extr'emit'e, 'etait aussi un homme qui loin de rester immobile comme Juve, allait et venait, faisant les cent pas, agit'e, incapable de tenir en place. S’il s’arr^etait de temps en temps c’'etait pour aller `a la fen^etre et tambouriner de ses doigts nerveux sur les vitres, le rythme d’une marche acc'el'er'ee.
Ce personnage regardait perp'etuellement l’heure, semblant trouver le temps fort long, se d'esesp'erant `a ne pas voir avancer les aiguilles.
Et cependant que lui importait, il n’avait aucun rendez-vous, il n’attendait personne.
Cet agit'e, dont l’attitude aurait fait, pour un observateur, une extraordinaire opposition avec celle de Juve, n’'etait autre que J'er^ome Fandor. Le journaliste depuis la discussion avec le policier avait err'e comme une ^ame en peine dans les rues de Monaco, Vers cinq heures, il 'etait venu au Casino, ne sachant que faire, v'eritablement d'esoeuvr'e, d'esempar'e. D’enqu^etes, il n’'etait plus question.
Juve sans Fandor, ou Fandor sans Juve, c’'etait un peu, surtout dans les circonstances actuelles, comme un corps sans t^ete. L’un et l’autre avaient partie trop li'ee pour pouvoir agir chacun de leur c^ot'e, utilement.
Fandor ne d'ecol'erait pas contre ce qu’il appelait : la scandaleuse conduite de Juve.
'Etait-il possible qu’un homme comme l’inspecteur de la S^uret'e se f^ut laiss'e prendre `a la griserie de la roulette mon'egasque ? Et Fandor aurait volontiers 'etrangl'e Juve pour l’emp^echer de retourner dans le voisinage du tapis vert.
Fandor ne s’avouait pas que si Juve 'etait dans son tort, lui-m^eme avait 'et'e bien incons'equent, sinon coupable le matin m^eme de ne pas s’assurer par tous les moyens de la fille de Fant^omas.
Fandor n’avait qu’une seule raison, qu’un seul motif qui pouvait excuser son attitude : l’amour.
Fandor aimait-il la fille de Fant^omas ? Le journaliste aimait mieux ne pas se le demander.
***
Tandis que Juve et Fandor occupaient respectivement les extr'emit'es des galeries Nord et Sud du Casino de Monaco et y r'efl'echissaient l’un et l’autre sans se douter qu’ils 'etaient aussi rapproch'es, car ils ne pouvaient se voir, 'etant s'epar'es par la chambre secr`ete, un homme apparut soudain `a l’entr'ee du hall et cela vingt minutes environ apr`es que Louis Meynan, le caissier, e^ut p'en'etr'e dans le vestibule des coffres-forts.
L’homme qui venait ainsi, rapidement, n’'etait autre qu’Ivan Ivanovitch.
L’officier marchait `a grands pas. Il parut tout d’abord vouloir s’engager sur l’escalier `a double r'evolution, mais soudain il rebroussa chemin, s’'etant apercu que l’une des portes de la myst'erieuse chambre noire 'etait entreb^aill'ee. Il s’en fut `a cette porte, surpris, semblait-il, car par son entreb^aillement fusait un pinceau de lumi`ere inaccoutum'e.
Ivan Ivanovitch 'ecarta le battant, regarda un instant `a l’int'erieur du local puis, soudain, recula comme 'epouvant'e et l^acha un cri terrible : un appel
Quel spectacle avait donc frapp'e les yeux de l’officier pour le terrifier de la sorte ?
On entendit sonner une horloge. Neuf heures.
18 – DES PAS SUR LE PLAFOND
— Au secours, avait cri'e le commandant, et Juve, qui, machinalement, avait suivi des yeux l’officier, bondissait hors de son fauteuil, s’'elancait en avant vers la chambre secr`ete.
— Quoi ? qu’est-ce qu’il y a ? criait Juve.
Mais Ivan Ivanovitch n’'etait plus l`a.
Juve ne s’attarda pas `a la rechercher. Il se pr'ecipita sur la porte que l’officier avait referm'ee, il l’ouvrit et, `a son tour, il demeurait rigide sur le sol, bl^eme, effar'e, les yeux dilat'es d’effroi.
Sur les traces du policier, vers la chambre secr`ete on se pr'ecipitait d'ej`a de tous c^ot'es, en d'esordre, ne sachant que croire. Et tous ceux qui s’'elancaient vers l’entr'ee des caves demeuraient bient^ot immobiles, fig'es de peur.
C’est qu’`a la v'erit'e, le spectacle 'etait affreux.
La chambre secr`ete 'etait une grande pi`ece enti`erement vide, elle l’aurait 'et'e sans le corps de Louis Meynan, en son centre g'eom'etrique, transperc'e d’une 'ep'ee qui demeurait droite, comme si, apr`es avoir travers'e les chairs, elle s’'etait plant'ee par la pointe dans le sable 'epais qui sans doute recouvrait un parquet.
— Que personne ne bouge, ordonna Juve, que personne n’entre. Allez chercher la Direction.
Il n’ajouta rien. La porte s’ouvrit. Parut Fandor.
— Avez-vous entendu quelque chose ? demanda le journaliste, qui 'ecartait les deux bras, barrant `a la foule qui se poussait sur ses talons, l’entr'ee du local.
Juve secoua la t^ete d’un air stup'efi'e :
— Non, je n’ai rien entendu. Je ne sais m^eme pas comment cela a pu se faire.
Dans le Casino cependant la nouvelle de la mort du caissier, de cette mort qui ne pouvait ^etre expliqu'ee que par un assassinat, se r'epandit en tra^in'ee de poudre.
Sous le grand escalier, c’'etait la cohue maintenant.
— Ferme ta porte, Fandor, commanda Juve qui lui-m^eme, d’autorit'e, tirait sur lui celle qu’il avait ouverte pour apercevoir ce qui avait caus'e la frayeur d’Ivan Ivanovitch.
— Ah c`a, fit le policier, en faisant signe `a Fandor de ne point s’avancer, remarque donc, sur le sable il n’y a pas la moindre trace de pas `a part celles du caissier.
Le cadavre de Louis Meynan, car en regardant mieux Juve et Fandor avaient d^u se convaincre que le caissier avait certainement cess'e de vivre, 'etait tomb'e au milieu de la pi`ece et par cons'equent entre lui et les deux portes, entre lui et Juve comme entre lui et Fandor s’'etendait tout le parquet sabl'e sur lequel fatalement, logiquement, on aurait d^u apercevoir les traces de pas de l’assassin, si r'eellement il y avait eu attaque et assassinat.