La main coup?e (Отрезанная рука)
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Un valet de chambre vint ouvrir :
— Que d'esirez-vous, monsieur ?
— Je voudrais parler `a M lleDenise.
Le domestique consid'era un instant le visiteur, puis, en serviteur bien styl'e, ne voulant engager personne, il d'eclara :
— Je ne sais pas si mademoiselle est visible. Si monsieur veut me remettre sa carte.
Fandor avait d’abord eu l’id'ee de se pr'esenter sous un faux nom, d’invoquer un pr'etexte quelconque pour approcher la jeune fille, mais vite il r'epugnait `a cette supercherie.
Fandor avait 'et'e introduit dans le salon du rez-de-chauss'ee, un salon assez vaste, confortablement meubl'e.
La porte s’ouvrit `a nouveau. Le domestique apparut. Le coeur de Fandor se serra. Quelle 'etait la r'eponse ?
— Si monsieur veut me suivre, dit le domestique, mademoiselle va recevoir monsieur.
Fandor aurait embrass'e cet homme pour la bonne nouvelle.
Toutefois, il ne montra rien de ses sentiments et derri`ere le valet de chambre monta au premier 'etage. On l’introduisit encore dans un autre salon, plus petit que le pr'ec'edent, plong'e dans une p'enombre discr`ete, gr^ace aux stores 'epais baiss'es sur les fen^etres.
Le journaliste attendit de courts instants, puis une porte s’ouvrit.
Quelqu’un apparut.
C’'etait Denise, M lleDenise, `a la silhouette blonde, fine, gracieuse.
Fandor qui lui tournait le dos `a ce moment se retourna tout d’une pi`ece en entendant le froufroutement soyeux de la jupe.
Mais lorsqu’il vit son interlocutrice, lorsqu’il se trouva en pr'esence de la jeune et jolie personne dont, trois jours auparavant, il n’avait apercu que le bout de la robe rose, il faillit d'efaillir.
Il se sentit devenir bl^eme, et fut incapable d’esquisser le moindre mouvement.
Ses l`evres balbuti`erent, puis soudain il g'emit plut^ot qu’il ne dit :
— H'el`ene !
La fille de Fant^omas.
Celle que J'er^ome Fandor avait arrach'ee `a son p`ere, celle que le monstre avait poursuivie sans que l’on p^ut jamais savoir exactement quel sentiment animait l’insaisissable bandit `a l’'egard de son enfant ?
Apr`es le Natal, Fandor avait revu la fille de Fant^omas `a Paris et cela dans des situations si invraisemblables et pendant des instants si courts, si rapides, qu’il n’avait pas eu le temps de s’expliquer avec la jeune fille.
— Je vous 'ecoute, monsieur, dit la fille de Fant^omas, d’une voix qu’elle s’efforcait de rendre calme, mais sa physionomie soulignait le ton de sa voix et ses yeux lancaient des 'eclairs.
Vraiment la fille de Fant^omas 'etait superbe `a voir ainsi.
— H'el`ene, mademoiselle, vous aviez d'esir'e me voir l’autre soir…, peut-^etre ^etes-vous au courant des 'ev'enements qui m’ont emp^ech'e de me rendre `a votre appel…
— Je ne sais rien, que voulez-vous ?
La jeune fille se tenait toute droite, fr'emissante `a l’entr'ee du salon. Elle n’avait pas invit'e Fandor `a s’asseoir.
La fille de Fant^omas reprit :
— Si j’ai manifest'e l’intention de vous recevoir, monsieur, c’est contre ma volont'e, je n’aurais pas d^u, je ne dois pas vous voir, vous m’^etes odieux. J'er^ome Fandor, vous avez voulu venir, vous avez tenu `a me rencontrer, eh bien, 'ecoutez : s’il est un ^etre abject et mis'erable, l^ache et faux, s’il est un homme qui oublie ce qu’on a fait pour lui et qui rend le mal pour le bien, bassement, hypocritement, c’est vous.
— H'el`ene, hurla Fandor, qui avait bl^emi sous l’insulte.
Mais la jeune fille poursuivit, autoritaire et rude :
— C’est comme cela. Je vous ai tir'e d’affaire autrefois, jadis, lorsque nous 'etions au Natal. Oh, ce n’est pas pour l’unique d'esir de faire le bien, je l’avoue `a ma honte, c’est parce que je vous aimais. Je vous aimais, oui sans doute. En 'echange, vous m’avez traqu'ee, poursuivie, j’ai 'et'e la victime de votre complice, car comment d'esigner autrement un homme tel que Juve qui, au m'epris de l’honneur et de toutes les lois sacr'ees de l’intimit'e, s’empare de documents, de pi`eces et de titres qui ne lui appartiennent pas ?
— H'el`ene, si vous parlez de vos papiers, d'eclara Fandor, d'esesp'er'e par cette sc`ene horrible, si Juve les a pris c’est pour les prot'eger, pour vous prot'eger contre votre mis'erable p`ere. H'el`ene, laissez-moi parler `a mon tour, nous avons voulu et nous voulons encore vous sauver de votre p`ere, vous sauver de vous-m^eme.
— Vraiment.
— H'el`ene, d'eclara Fandor, nous sommes les uns et les autres victimes d’odieux malentendus, d’erreurs abominables. Voici longtemps, des mois entiers que je cherche `a vous rejoindre. Les aventures effroyables auxquelles nous avons 'et'e m^el'es, vous et moi, ont seules emp^ech'e que je mette mon projet `a ex'ecution. Reconnaissez, H'el`ene, que chaque fois que j’ai voulu vous joindre vous avez disparu. Je ne parle pas du Natal, j’'evoque des souvenirs de Paris. H'el`ene, rappelez-vous la p'eniche de l’^ile des Cygnes.
— Fandor, souvenez-vous aussi du fiacre de nuit.
— Souvenez-vous, de la police correctionnelle.
Puis comme la jeune fille s’arr^etait interdite, Fandor, plus pressant encore, insinuait doucement presque `a voix basse :
— Souvenez-vous d’avant-hier, H'el`ene, de l’apr`es-midi au Casino de Monte-Carlo. Avez-vous donc oubli'e la jeune fille en rose venue enfermer d’un tour de cl'e dans le cabinet du directeur, Juve et Fandor qui causaient avec lui ?
La fille de Fant^omas qui semblait toute 'emue de l’'evocation de ces 'ev'enements tressaillit aux derniers mots de Fandor :
— H'elas, h'elas, murmura-t-elle.
Puis incapable de r'esister plus longtemps, elle se laissa tomber dans un fauteuil, la t^ete entre ses mains :
`A quoi songeait la fille de Fant^omas ?
Dissimulait-elle des larmes d’'emotion ? cachait-elle au contraire, derri`ere ses doigts fusel'es, des regards 'etincelants de col`ere ?