La main coup?e (Отрезанная рука)
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Les deux amis se rendirent alors `a la morgue de Monte-Carlo, moins pour se d'ebarrasser des mains de mort, que pour examiner attentivement le cadavre de Norbert, gard'e l`a `a la disposition de Juve.
Juve, scrupuleux comme il l’'etait, examina minutieusement la d'epouille du malheureux.
— Oui, Fandor, d'eclara Juve en sortant du d'ep^ot, c’est bien contre Fant^omas, contre le redoutable, le terrifiant, l’Insaisissable Bandit, qu’il faut que nous marchions. Aucun doute. Seulement, d’autre part, aucune indication ne semble devoir nous guider dans nos recherches.
— Aucune, Juve ? Pourquoi dites-vous cela en souriant ?
— Parce que, r'epondait Juve, parce que je pense le contraire. Tiens, Fandor, songe plut^ot aux d'etails qui nous ont 'et'e communiqu'es par le Casino de Monaco, songe `a tes aventures personnelles, songe aux incidents survenus pr`es de la maison H'eberlauf.
— Oui, et alors ?
— Et alors, concluait Juve, tu ne seras qu’un imb'ecile si tu n’admets pas comme moi que c’est Ivan Ivanovitch qui a tu'e Norbert, et qu’Ivan Ivanovitch, c’est Fant^omas.
Or, Juve n’avait point fini d’affirmer qu’Ivan Ivanovitch devait ^etre le coupable, n’avait point fini de conclure que c’'etait certainement l’assassin de Norbert du Rand, qu’une voix l'eg`erement railleuse susurrait `a l’oreille des deux amis :
— Ce serait tr`es bien raisonn'e mes chers coll`egues, si cela n’'etait pas compl`etement impossible. Au moment o`u l’on tuait Norbert, Ivan Ivanovitch se trouvait dans le jardin du Casino tout seul, et ne songeait pas `a mal.
C’'etait Bouzille qui venait de prononcer ces paroles.
— Ivan Ivanovitch 'etait dans le parc ?
— Ah ca, Bouzille, d’o`u sortez-vous ? demanda Fandor.
Le chemineau avait une face hilare et donnait tous les signes d’une profonde satisfaction.
— Ah bien, monsieur Fandor, dit-il, faudrait tout de m^eme que je sois bien mauvais policier, pour que je ne me sois pas trouv'e l`a, juste pour vous cueillir comme vous sortiez de la morgue. Histoire de vous forcer `a reconna^itre que ce matin, je ne vous ai pas vol'e vos dix francs. C’est-il juste, ca ?
— Tr`es juste, Bouzille.
— Naturellement, monsieur Fandor, je vous dis que je deviens un policier 'epatant.
— Et alors, monsieur le policier, voil`a que maintenant vous nous apportez des renseignements sur Ivan Ivanovitch ?
— Ca, monsieur Juve, r'epondait Bouzille, vous devenez trop curieux ! p’t’^etre que non ? Mais ca vaudrait toujours dans les dix francs ?
— Racontez-nous ce que vous savez, disait-il, voil`a cent sous pay'es d’avance, et vous aurez cent sous apr`es ?
— Eh bien, voil`a. J’sais rien de plus. Sauf, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, qu’Ivan Ivanovitch n’a certainement pas tu'e Norbert, car aussi vrai que je m’appelle Bouzille et que je n’ai connu ni mon p`ere ni ma m`ere, au moment o`u l’on tuait Norbert, moi qui me rendais sur la gr`eve, histoire de ramasser dans l’eau quelques poissons qui fl^anaient, j’ai vu Ivan Ivanovitch dans les jardins. Or, monsieur Juve, si Ivan 'etait dans les jardins il n’'etait certainement pas dans le train. Et il 'etait dans les jardins du Casino, monsieur Juve, je vous le r'ep`ete, je peux m^eme vous le prouver : j’ai ramass'e un m'egot qu’il fumait. Le voil`a, je l’avais gard'e parce qu’il avait un bout en or.
Preuve p'eremptoire.
— Non, dit le policier, qui avait pendant quelques minutes, profond'ement r'efl'echi, Bouzille ne peut que se moquer de nous, Fandor, Ivan Ivanovitch doit ^etre l’assassin. Bouzille ne l’a pas vu. Il s’est tromp'e.
— Pourtant.
— Non. Fandor non, et la meilleure preuve du mensonge de Bouzille, c’est qu’Ivan Ivanovitch a invoqu'e un autre alibi. Rappelle-toi, il a soutenu qu’il 'etait au bal avec Denise. S’il 'etait innocent, pourquoi aurait-il menti ?
Fandor, quelques instants, demeura sans r'epondre, assez frapp'e par l’argumentation de Juve. Puis, soudain, le journaliste haussa les 'epaules, d'ecourag'e lui aussi :
— Diable, mais alors si vous admettez qu’Ivan Ivanovitch a menti, il faut admettre que Denise aussi a menti ? Or, Juve, rappelez-vous ce que nous avons appris par les enqu^etes de la police : ce n’est pas Ivan qui le premier a invoqu'e l’alibi du bal. C’est Denise qui est venue le proclamer. Alors ne serait-ce pas Denise la coupable ? Ne serait-ce pas elle qui aurait invent'e l’histoire du bal, histoire qu’Ivan Ivanovitch, par amour pour elle, peut-^etre, n’aurait pas voulu d'ementir ?
Juve allait r'epondre, Bouzille qui 'ecoutait ne lui en laissa pas le temps, Bouzille protestait :
— Et ces cent sous ? Dites donc, faudrait voir `a ne pas les oublier, monsieur Juve. C’est dix francs, prix convenu, mes renseignements.
14 – LE SEPT JOUE ET GAGNE
— Vous ne ferez pas cela, Juve.
— Et pourquoi, s’il te pla^it ?
— Parce que c’est stupide.
— Au moins, tu ne caches pas ton opinion !
— C’est dangereux.
— Mais non.
— Si, tr`es dangereux.
— En quoi ?
— On ne sait jamais, Juve.
— Alors si on ne le sait pas…
— On le sait assez pour s’abstenir.
— Tu parles comme un enfant.
— Je parle comme quelqu’un qui a de l’affection pour vous.
— Je n’en doute pas mon petit Fandor, et je t’en remercie. Mais enfin…
— Promettez-moi que vous ne le ferez pas.
— Bon, nous verrons.