La main coup?e (Отрезанная рука)
Шрифт:
Fandor, abasourdi, tend le pince-nez `a verres noirs qu’il avait achet'e dans la journ'ee pour prot'eger ses yeux, assez d'elicats, des ardeurs du soleil et demande :
— Que voulez-vous faire, Juve ?
— Tu vas voir.
Avec une voix tremblante, le croupier annonce :
— Le 7. Trois impair et manque. Allons, messieurs, dames, faites vos jeux.
Juve mise encore sur le 7.
Mais au lieu de surveiller la roulette, Fandor remarque que son ami l`eve la t^ete et fixement, consid`ere la muraille devant lui.
Il a demand'e le lorgnon de Fandor et voil`a qu’il ne s’en sert m^eme pas puisqu’il l’a plac'e devant lui, `a plat sur le tapis.
— Ma foi, songe le journaliste, je crois que Juve se moque de moi ?
Mais `a cet instant pr'ecis, Fandor est bien forc'e de changer d’opinion. Le croupier annonce d’une voix tonitruante :
— Le 7, trois.
Et il jette vers Juve une liasse de billets de banque.
Or, Juve se l`eve, oui Juve se l`eve d’une seule masse. Le policier para^it radieux.
Il a un geste large, un geste superbe, pour repousser vers le caissier le tas d’or et de billets de banque qui repr'esentent ses gains de la soir'ee, cependant qu’il crie :
— Reprenez cette fortune, monsieur. C’est de l’argent vol'e. La roulette est truqu'ee. Je me fais fort de le prouver. Faites 'evacuer la salle.
15 – UN REFLET SAUVE MONACO
Tout de suite, c’avait 'et'e le brouhaha.
Certes il fallait que Juve f^ut peu au courant des proc'ed'es habituellement employ'es dans les casinos pour avoir agi comme il venait de le faire. Jamais, au grand jamais on n’avait assist'e `a pareil scandale, jamais, au grand jamais, m^eme, on n’en e^ut admis la possibilit'e `a Monte-Carlo.
Si Juve avait d'ecouvert un truquage, ainsi qu’il l’affirmait, il aurait d^u tranquillement se lever, aller en avertir la direction. On e^ut arr^et'e le jeu `a la table de roulette et c’e^ut 'et'e seulement les joueurs une fois partis que l’on se f^ut occup'e de v'erifier ses dires.
Mais Juve savait ce qu’il disait. Il connaissait la mauvaise volont'e qu’apportait M. de Vaugreland `a 'eclairer les scandales qui attristaient Monte-Carlo. Il s’'etait dit qu’il fallait frapper un grand coup, causer un scandale pour s’acqu'erir la sympathie de l’opinion et forcer de la sorte les autorit'es `a aider directement son enqu^ete au lieu de la paralyser, de la n'egliger tout au moins.
Si tel 'etait le d'esir de Juve il faut convenir qu’il y avait parfaitement r'eussi.
`A son cri les joueurs s’'etaient lev'es, et avaient pouss'e des cris.
— La roulette est truqu'ee.
— On nous volait.
— Ah ! c’est abominable.
— Il faudra qu’on rembourse les enjeux de ce soir.
Et pendant ce temps effar'es, bl^emes, la sueur au front, les croupiers s’empressaient :
— S’il vous pla^it, messieurs, mesdames. Ne demeurez pas l`a. Vous avez entendu ? il faut imm'ediatement v'erifier. L’ordre est formel : 'evacuez la salle. Allons, messieurs, mesdames. Un peu de bonne volont'e.
Dix minutes plus tard, dans les salons de jeu, il ne restait plus en pr'esence que Juve, les croupiers, J'er^ome Fandor, puis M. de Vaugreland, furieux, qui gesticulait en hurlant :
— La roulette est truqu'ee, avez-vous dit ? ah ca ! vous ^etes fou, compl`etement fou. Je suis s^ur de mes croupiers. Je suis certain que vous vous trompez.
Mais Juve, d’une voix calme coupa court `a l’'eloquence du directeur :
— Les croupiers ne sont nullement compromis. Ce ne sont pas eux qui ont truqu'e la roulette.
— Qui donc alors ?
— Vous m’en demandez trop, je ne connais pas encore le nom du coupable. C’est d'ej`a joli, il me semble, d’avoir trouv'e la facon dont il op'erait ?
— Oui, si vous avez trouv'e cette facon.
Juve `a nouveau haussa les 'epaules :
— Je suis certain de mon fait.
— Mais enfin, comment ?
— Vous allez voir.
On venait d’'eteindre les grands lampadaires cisel'es. Juve qui semblait tr`es calme les d'esigna :
— Monsieur de Vaugreland, demandait-il, si vous voulez savoir exactement comment je me suis apercu du truquage, du truquage que je vais vous montrer dans deux minutes, il faudrait faire rallumer ces ampoules 'electriques.
Et comme on se regardait, stup'efait de ces paroles, Juve reprit :
— Parfaitement. C’est gr^ace `a leur reflet, `a leur reflet r'ev'elateur, que j’ai pu deviner la chose.
Les lustres furent rallum'es.
— Voici comment j’ai proc'ed'e, reprenait le policier. Monsieur de Vaugreland, vous savez, n’est-il pas vrai, que le 7 sortait depuis quelques jours avec une extraordinaire fr'equence et m^eme, semblait-il, une r'eelle docilit'e ? Il sortait, e^ut-on cru, `a volont'e.
— Oui, mais ?
— Oh, je vous en prie, ne m’interrompez pas. 'Etant donn'ee la facon dont sont faites les tables de roulette, 'etant donn'ee la pr'ecision avec laquelle sont construits ces appareils, dites-moi, monsieur de Vaugreland, quelle pouvait ^etre la seule explication `a ce ph'enom`ene incompr'ehensible en apparence, de la sortie du 7 ?
M. de Vaugreland ne disait rien.
Un croupier, le croupier Maurice, lui, s’empressait de r'epondre, fort int'eress'e par le cours de truquage que Juve semblait vouloir professer :
— Ma foi, monsieur, commenca le croupier, pour faire sortir un num'ero `a la roulette, le proc'ed'e le plus simple c’est, si je ne m’abuse, de d'etruire l’horizontalit'e de la table. Si la table n’est plus parfaitement horizontale, il est bien certain qu’un num'ero doit sortir, toujours le m^eme, celui qui se trouve le plus en contre-bas. Toutefois…
Le croupier s’arr^eta, Juve, qui avait 'ecout'e avec de l'egers signes d’approbation, le pressa de continuer :
— Allez, tout ce que vous dites est fort juste.