Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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Sur la route, en effet, un homme d’une trentaine d’ann'ees arrivait, marchant d’un grand pas, un homme `a la physionomie intelligente, mais ferm'ee, et qui n’'etait autre que le mari d’Alice Ricard.
— D'ep^eche-toi, lui criait sa femme, M e Gauvin et son fils sont l`a qui attendent des nouvelles. Tu rapportes les journaux de Paris, au moins ?
— Naturellement !
Fernand Ricard, entr'e dans le jardinet, jeta son chapeau sur un banc, serra les mains de ses visiteurs.
— Vous allez bien, mon cher ma^itre ? Et vous monsieur Th'eodore ? Ah, certes, je rapporte les journaux de Paris ; je vous assure que leur lecture ne saurait passer inapercue.
— Pourquoi donc ? demanda le gros notaire. Y aurait-il un scandale judiciaire ? La Bourse a-t-elle mont'e ou baiss'e ?
— Je parie qu’il y a encore du grabuge dans le cercle de la place Vend^ome ? On annoncait hier soir sur le boulevard une 'epouvantable histoire, dit Th'eodore.
Mais le jeune homme s’interrompit, car au hasard des bonjours, Alice Ricard s’'etait assise `a c^ot'e de lui.
— Madame, disait l’adolescent en se penchant vers la jeune femme, voulez-vous me permettre un compliment qui ne sera que l’expression d’une v'erit'e ?
— Lequel, mon Dieu ?
— Vous n’avez jamais 'et'e si jolie. Chaque fois que je vous vois, je vous trouve plus belle, et, cet apr`es-midi, ce ruban pos'e `a la grecque dans vos cheveux souligne `a merveille la puret'e toute classique de vos traits.
Il e^ut peut-^etre continu'e longtemps `a parler ainsi `a voix basse, complaisamment 'ecout'e par la jeune femme qui souriait et faisait des mines, si Fernand Ricard n’avait tir'e de sa poche un journal et montr'e la manchette :
— Regardez et jugez si nous n’en revenons pas aux moeurs des sauvages.
On lisait :
Encore un crime de Fant^omas. La fusillade de Ville-d’Avray. Trois cadavres marquent la route du bandit. Juve vainqueur. Fandor 'echappe `a la mort par miracle.
— Vous avez lu les 'editions de la nuit derni`ere ? demandait Fernand Ricard. Vous avez vu, monsieur Gauvin, que Fant^omas a 'et'e cern'e dans une certaine villa de Ville-d’Avray par la police, et surtout par Juve et par Fandor, ses deux ennemis acharn'es ?
— Oui, r'epondait le notaire, j’ai vu cela. Mais les derni`eres 'editions que j’ai pu me procurer ce matin ne donnaient pas la fin de l’aventure. Fant^omas 'etait, disait-on, `a l’int'erieur de la villa, la police donnait l’assaut et Fandor avait essuy'e trois coups de feu tir'es par cette H'el`ene, qui est la fille du bandit.
— Eh bien, voici ce qui s’est pass'e ensuite, 'ecoutez, je lis :
Au moment pr'ecis o`u la fille de Fant^omas tirait sur Fandor, un cri tragique s’'elevait qui glacait d’effroi tous ceux qui assistaient `a cette 'epouvantable trag'edie.
Celui qui criait, qui hurlait plut^ot un ordre supr^eme :
Le grand policier, en effet, le subtil inspecteur de police, n’avait pu voir sans un terrible 'emoi le danger couru par son ami Fandor.
H'elas ! N’arrivait-il pas trop tard ? Et le jeune homme, atteint gri`evement par la fille du bandit, n’avait-il pas roul'e sur le sol mort ou mourant ?
Il n’en 'etait rien heureusement.
Sans qu’`a l’heure o`u nous 'ecrivons ces lignes, on soit encore renseign'e sur le miraculeux hasard qui prot'egea la vie de Fandor, il est certain, toutefois, que celui-ci ne fut pas atteint ; aveugl'e par la poudre, br^ul'e par la flamme du revolver, Fandor demeurait debout. Il portait la main `a ses yeux et, distinctement, on entendait qu’il disait :
— H'el`ene ! H'el`ene ! qu’avez-vous fait ?
Mais d'ej`a le drame se pr'ecipitait. `A la t^ete d’une vingtaine de policiers, Juve s’'elancait au secours de son ami. Le revolver `a la main, tous avancaient. Ils donnaient l’assaut comme l’avait ordonn'e Juve.
— C’est affreux, interrompit Alice Ricard. Les bandits ne redoutent plus rien maintenant. Mais Fant^omas ? Fant^omas, o`u 'etait-il ?
— Attendez, continuait Fernand Ricard.
Et il reprit :
Par malheur, si rapide qu’e^ut 'et'e le mouvement des policiers, il se produisait encore trop tard. Tandis que Juve empoignait Fandor par le bras et s’assurait qu’il n’'etait point bless'e, ses hommes gravissaient en courant le perron de la villa tragique.
Ils s’y heurt`erent `a une porte ferm'ee `a double tour, porte qui, l’enqu^ete le r'ev'ela plus tard, constituait une v'eritable barri`ere infranchissable, car elle 'etait doubl'ee de t^ole.
— Ils avaient tout pr'evu, interrompit encore Th'eodore Gauvin. Cette porte de caract`ere sp'ecial 'etablit la pr'em'editation.
— Parfaitement, approuva M e Gauvin, tu as raison, Th'eodore. Mais laisse M. Fernand continuer sa lecture.
Fernand Ricard reprit :
Il fallut quelques minutes, naturellement, pour enfoncer les battants redoutables de cette massive porte d’entr'ee. On y parvint enfin `a l’aide de leviers vigoureusement mani'es par les gens de police.