Том 11. Былое и думы. Часть 6-8
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Cela promettait… Et en effet le jeune homme `a lui seul versa plus de sang humain que toutes les r'evolutions ensemble, consomma par les conscriptions plus d’hommes qu’il ne fallait d''ecoliers pour Owen – pour r'eg'en'erer le monde entier.
Iln’avait pas de syst`eme, il ne voulait pas de bien aux hommes et ne le feignait pas. Il ne voulait du bien que pour lui seul et par le mot de bien il ne comprenait que le pouvoir. Comparez `a lui les deux nains – Babeuf et Owen… Son nom a suffi trente ans apr`es sa mort – avait encore assez de prestige pour faire 'elire empereur un sien neveu.
Quel secret avait-il donc?
Babeuf voulait imposer le bien-^etre et d'ecr'eter une r'epublique 'egalitaire.
R. Owen voulait 'eduquer l’homme – pour le rendre capable de s’organiser d’une mani`ere intelligente.
Napol'eon ne voulait ni l’un ni l’autre.
Il comprit tr`es bien que s'erieusement les Francais ne d'esiraient ni le potage lac'ed'emonien, ni les moeurs du temps des Brutus l’ancien, qu’ils sont loin `a se contenter, pour tout plaisir –
Et il n’est pas tomb'e parce que le peuple entrevit tout le vide de sa politique, qu’il 'etait las de donner son dernier fils et de r'epandre pour lui des torrents de sang. Du tout. Il finit par ameuter contre lui d’autres masses qui s’arm`erent avec acharnement pour la d'efense de leur propre tyran – la th'eologie chr'etienne 'etait satisfaite – de part et d’autre on se battait avec fureur – pour le salut de ses plus grands ennemis.
…On rencontre souvent `a Londres une gravure qui repr'esente la rencontre de Wellington avec Bl"ucher – au moment o`u la victoire de Waterloo se prononcait pour eux – il m’est impossible de rencontrer cette gravure sans m’arr^eter. Cette figure calme, toute anglaise, ne promettant rien de bon, d’un c^ot'e, et de l’autre – ce vieux lansquenet tedesque, born'e, bonasse et f'eroce – se saluent mutuellement avec un plaisir qu’ils ne cachent point… Et comment ne pas ^etre au septi`eme ciel – ils d'etourn`erent l’Europe du grand chemin dans une boue fangeuse – dans laquelle elle pataugera un demi-si`ecle… A peine le jour commence `a poindre – l’Europe dort encore sans savoir que ses d'estin'ees sont chang'ees parce que Bl"ucher vint `a temps et Grouchy trop tard… Que de larmes, que de souffrances a co^ut'e aux peuples cette victoire… et que de larmes et de sang leur aurait co^ut'e la victoire de l’autre parti!
– Quel est donc enfin le r'esultat de tout cela?
– Qu’appelez vous r'esultat?.. – est-ce une sentence morale dans le genre de «Fais ce que dois – advienne ce qui pourra» ou une sentence profonde dans le genre «que de tout temps l’homme versait des larmes – et du sang». Comprendre – voil`a le r'esultat, s''emanciper des repr'esentations fausses – voil`a la moralit'e.
– A quoi bon?
– Tout le monde maintenant crie contre le lucre et la concussion et vous demandez un pot de vin de la v'erit'e. «La v'erit'e est une religion, – dit notre vieillard Owen, – n’exigez rien d’elle qu’elle seule».
…Pour tout ce que nous avons souffert, pour les os bris'es, pour l’^ame foul'ee, pour les pertes, les erreurs… pour tout cela – au moins d'echiffrer quelques chiffres myst'erieux dans les livres Sibyllins, saisir tant soit peu le sens g'en'eral – de ce qui se fait autour de nous mais c’est 'enorme!
Les jouets d’enfants que nous perdons ne nous suffisent plus en r'ealit'e, ils ne nous sont chers que par habitude – et il est vraiment temps de les rel'eguer dans le garde-meuble – tout ensemble – l’ogre et la force vitale, le conte du si`ecle d’or etla fable – du progr`es infini, le sang bouillant de S. Janvier, la pri`ere m'et'eorologique pour la pluie – et «la natura sic voluit!»
Le premier moment peut ^etre rude – on se sent trop d'elaiss'e… Tout se meut, se pr'ecipite… on peut aller o`u l’onveut, ni barri`ere, ni guide, «ni administration». – Et bien, je pr'esume que la mer faisait aussi peur aux hommes qui osaient s’avancer, mais d`es qu’ils comprirent que tout ce va et vient des vagues n’a aucun but – ils prirent le chemin avec eux et travers`erent les oc'eans dans le creux d’une noisette.
Sachant que la nature et l’histoire ne vont nulle part et `a cause de cela sont pr^etes `a aller partout o`u l’on peut; sachant qu’elles se d'eveloppent `a fur et mesure – par une infinit'e de circonstances r'eagissant l’une sur l’autre, se heurtant, s’emp^echant mutuellement et s’entra^inant – l'homme loin de se perdre comme une graine de sable dans les Alpes – acquiert une 'enorme puissance. Il devient de plus en plus le pilote qui fend les vagues par sa petite nacelle faisant servir de voie de communication un ab^ime sans fond.
Sans programme, sans th`eme, sans but l’histoire – improvisation 'echevel'ee, qui se d'eroule sans g^ene – offre `a chacun ses pages pour intercaler son vers `a lui – et qui restera le sien – pourvu qu’il soit sonore et le po`eme ne s’interrompe pas!
Partout sommeillent des mondes de possibilit'es. Elles peuvent dormir des millions d’ann'ees, ne se jamais r'eveiller – cela leur est indiff'erent – mais cela n’est pas indiff'erent `a l’homme. Depuis que la foudre et la vapeur – passa de Jupiter tonons et pluvius `a l’homme – regardez ce qu’il a fait de l’'electricit'e et de l’eau acriforme. Le soleil parcourt depuis longtemps le ciel… un beau matin l’homme intercepta son rayon, fixa sa trace – et le soleil lui fait des portraits.
La nature ne lutte jamais contre l’homme, c’est une absurdit'e invent'ee par le spiritualisme. Elle n’a pas assez d’intelligence pour lutter. En faisant la t^ache de l’homme – la nature continue sa mani`ere d’existence. La premi`ere condition de dominer la nature – c’est de conna^itre ses lois et ce que fait l’homme – par rapport `a la mer et aux autres 'el'ements, mais dans l’histoire l’homme ne veut pas se g^ener – tant^ot il se laisse passivement entra^iner par le torrent, tant^ot il fait une irruption violente – criant l'Egalit'e ou la Mort!.. Au lieu d’'etudier le flux et le reflux des vagues qui l’entourent et le rythme de leur vibration – pour se frayer des chemins infinis.
Nacelle, – vague et pilote `a la fois, – sa position en effet est tr`es compliqu'ee dans le monde historique.
– Au moins s’il y avait une carte.
– Mais avec une mаре – Colomb ne pourrait d'ecouvrir l’Am'erique.
– Pourquoi?
– Parce que pour figurer sur une mаре – il fallait que l’Am'erique ait 'et'e d'ecouverte ant'erieurement. L’histoire et l’homme ne peuvent ^etre pris au s'erieux que dans le cas s’il n’y ait aucun plan pr'edestin'e pour le d'eveloppement. Si les 'ev'enements 'etaient arrang'es d’avance, et si toute l’histoire n’est que la r'ealisation d’un complot ant'ehistorique, pr'em'edit'e, sa mise en sc`ene – prenons alors des sabres en bois et des boucliers en papier m^ach'e – pourquoi donc verser de v'eritable sang et de v'eritables larmes pour la repr'esentation de cette charade providentielle.
Les braves gens qui parlent avec horreur qu’Owen d'epouille l’homme de la libert'e et de toute dignit'e morale savent par je ne sais quel effort mettre d’accord avec la libert'e – la pr'edestination, et la pr'edestination avec le bourreau. Peut-^etre ils s’appuient sur ce texte de l’Ecriture – que, j’avoue, je n’ai jamais pu comprendre:
Dans la religion la cosmogonie mystique contient une lutte, un drame, – c’est l’eternelle Messiade – avec les Titans, les Lucifer, les Abbadonna – avec Adam, chass'e du paradis, Prom'eth'e – riv'e `a un rocher de Caucase – puni par Dieu le p`ere et sauv'e par son fils. C’est un roman, c’est de la po'esie. Mais c’est nomm'ement cela ce que les doctrinaires ont rejet'e – en se r'eduisant `a une faute logique toute nue, `a l’absurdit'e d’une arri`ere-pens'ee historique. Le fatalisme [733]
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Les th'eologiens en g'en'eral ont plus de courage, ils disent franchement qu’un cheveu ne tombera de la t^ete d’un homme sans la volont'e supr^eme – mais laissent toute la responsabilit'e des actes et m^eme des pens'ees peser sur l’individu… Le fatalisme scientifique au contraire pr'etend qu’il n’admet pas du tout la pr'edestination individuelle – pour nous autres simples mortels… quant aux autres, nous avons assez entendu ex post forto sur la pr'edestination d’Alexandre le Grand et la vocation de Pierre Ier…mais soit, il ne s’occupe que des masses, il arrange les destin'ees en gros… Et je demanderai avec mes amis les sophistes d’Ath`enes, o`u est la limite entre le troupeau et l’individu, quand est-ce que les quelques graines – commencent `a faire un tas? – nous ne le savons pas.
Cela va sans dire – que nous ne voulons pas de l’induction ou de la th'eorie des probabilit'es. Les hommes ont tout le droit de supposer, de conclure d’apr`es des s'eries d’ant'ec'edants – le caract`ere probable du futur. Vous voyez un homme de trente ans – vous avez raison en supposant que dans trente ans encore – il sera chauve ou aura les cheveux blancs – cela ne signifie pas qu’il a 'et'e pr'edestin'e `a devenir chauve ou que sa vocation 'etait d’avoir des cheveux gris. D’autant moins que s’il meurt `a 35 ans tout cela n’arrivera pas – et au lieu de blanchir les cheveux, on en fera la clay – comme dit Hamlet – pour en enfeutrer les fen^etres ou on en mangera en forme de salade…
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Конец рукописи не сохранился. – Ред.