Том 11. Былое и думы. Часть 6-8
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Je connaissais en Italie un vieux banquier – chef d’une grande maison. Ne pouvant dormir la nuit, je m’habillai et j’allai faire une longue promenade, en retournant vers cinq heures du matin – je passai devant sa maison. Il y avait grande activit'e – des ouvriers roulaient des barils d’huile et les rangeaient sur des charriots. Le vieillard en long pardessus 'etait l`a, il notait dans un livre chaque baril. Le vent du matin 'etait frais – le vieillard 'etait transi de froid, les l`evres p^ales et les mains tremblantes:
– Vous ^etes bien matinal? – lui dis-je.
– Il y a plus d’une heure que je suis l`a.
– Vous souffrez du froid – comme si vous 'etiez en Russie?
– Que voulez-vous, la vieillesse, les forces commencent `a m’abandonner. Vos amis (il parlait de ses fils) – dorment encore… puisque le vieux p`ere est encore l`a pour travailler. Je ne m’en plains pas… j’aime le travail… j’appartiens `a une autre g'en'eration… j’ai beaucoup vu, j’ai vu quatre r'evolutions – et je restai `a ma place, et pas un baril d’huile est sorti – sans que je l’aie not'e. Une fois fini avec l’huile je m’en vais au bureau – est l`a que je prends aussi mon caf'e.
– Vous ne vous g^atez pas!
– L’habitude, cher monsieur, et s’il faut dire toute la v'erit'e, lorsque je n'ai rien `a faire, je m'ennuie, je deviens triste.
«Le vieillard, – pensai-je en m’'eloignant, – mourra demain ou apr`es-demain, – qui donc fera le contr^ole de l’huile?.. ou peut-^etre alors son fils a^in'e se sentira aussi „d’une autre generation”, se l`evera `a quatre heures du matin et continuera cela un demi-si`ecle – et de p`ere en fils, de fr`ere en fr`ere – la fortune ira croissante tant qu’elle n’arrive `a un des dynastes (tr`es probablement le meilleur de tous) qui aimera d’autres distractions que de noter les barils… et toute cette richesse passera par une maison de jeu ou par le boudoir d’une lorette, et les braves gens diront… en secouant la t^ete: „Si on pense quels parents – et un tel fils – enfant prodigue… quels temps, quelles moeurs… Les vieillards se refusaient tout `a eux-m^emes (aux autres aussi) – pour lui laisser des monceaux d’or – et ce mis'erable – il les a donn'es `a cette… vous savez… a cette Colombine”.
Allez donc par la logique seulement voir – toucher les chairs `a travers cette cro^ute – par la seule logique.
R. Owen en leur pr^echant un autre emploi des forces et d’autres buts – ne pouvait convaincre les mauvais m'ecaniciens, mais les effaroucha. Ce n’est que l’intelligence qui est tol'erante et pleine de condescendance, de douceur.
Nous avons vu qu’Owen s’'etant heurt'e contre le mur de l’'eglise – l’escalada – mais de l’autre c^ot'e il se vit tout seul, personne ne le suivit, et les pieux lui jetaient des pierres…
A la longue il se serait de la m^eme mani`ere cass'e le cou – en se heurtant `a l'autre seuil, il serait rest'e seul et conspu'e – aussi au del`a de l’autre valve de la coquille.
La foule ne s’acharna pas d`es le commencement contre lui – pour son h'er'esie juridique de l’irresponsabilit'e parce que l’Etat et le tribunal ne sont pas populaires comme l’'eglise. Mais pour le code criminel, se seraient lev'es `a la longue des gens autrement ferr'es que quelques th'eofous de quakers ou des rh'eteurs pi'etistes.
Un homme qui s’estime n’ira pas s'erieusement discuter des v'erit'es de cat'echisme, sachant bien qu’elles ne peuvent supporter la moindre critique. Qui donc entreprendra la justification raisonn'ee de l’immacul'ee conception ou de l’identit'e des recherches g'eologiques de Mo"ise et de Murchison.
Bien loin de l`a – l''eglise la"ique – du droit – a une base autrement puissante. Leurs dogmes de foi sont accept'es – comme des v'erit'es prouv'ees, absolues, comme des axiomes irr'ecusables.
Les hommes qui ont eu l’audace de renverser les autels – n’os`erent jamais toucher le tribunal. Anacharsis Cloots et ses amis qui os`erent appeler `a haute voix Dieu par son nom – Raison,n’'etaient pas moins convaincus de la toute-puissance du
Nagu`ere encore un des hommes les plus puissants de notre si`ecle, un des penseurs les plus courageux – pour porter le coup de gr^ace `a l’'eglise – la s'ecularisa – et en fit un tribunal. – Arrachant l’Isaac qu’on allait immoler `a Dieu des mains d’un pr^etre, <il> le livra au tribunal et le sacrifia `a la justice humaine.
La dispute s'ecularie – sur le libre arbitre et la pr'edestination – n’est pas termin'ee. Owen n’'etait ni le premier, ni le seul de nos temps `a en douter de la responsabilit'e de l’homme. Vous trouverez ce doute chez Bentham et chez les fouri'eristes, chez Kant et chez Schopenhauer, chez les m'edecins et les physiologues – et ce qui est plus fort que tout cela – vous trouverez plus que du scepticisme dans les chiffres de la statistique criminelle. Dans tous les cas la question n'est pas r'esolue – mais tout le monde est d’accord qu'il est juste de punir un criminel et cela en proportion de son crime. – Chacun est d’accord sur cela.
De quel c^ot'e est donc le lunatic asylum?
«La peine c’est le droit inali'enable du criminel!» – a dit lui-m^eme, le divin Platon.
C’est dommage qu’il a fait lui-m^eme ce calembour – et enfin si c’est le droit du criminel – laissez-lui la facult'e de le r'eclamer – moi je suis de l’avis qu’on peut faire donner des coups de b^aton `a un homme qui en exige lui-m^eme.
Bentham d'efinit le criminel – mauvais calculateur… lorsqu’on fait une faute de calcul on en subit les cons'equences – mais ce n’est pas un droit. Spinosa convient qu’on est quelquefois dans la n'ecessit'e de tuer un homme malfaisant – comme on tue un chien enrag'e. Les penseurs ne sont peut-^etre pas assez divins – mais ils sont plus humains que Platon.
La diff'erence de ces deux points de vue est immense… et les juristes r'epudient avec connaissance de cause l’opinion que le ch^atiment n’est rien qu’une d'efense vindicative de la soci'et'e. Dans la guerre on est beaucoup plus franc – pour tuer un ennemi on ne cherche pas de prouver qu’il a m'erit'e la mort, on ne dit pas m^eme que cela soit juste – on terrasse un adversaire, et voil`a tout.
– Mais avec des notions pareilles il faudra fermer le Palais de Justice.