L'agent secret (Секретный агент)
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Lorsqu’il vit enfin que l’infortun'e caporal h'esitait, qu’une lueur d’espoir, qu’un vague d'esir de r'ehabilitation renaissaient dans son esprit, il s’arr^eta court et brusquement, lui demanda :
— Vinson, ^etes-vous toujours dispos'e `a vous tuer ?
Le caporal se recueillit une seconde, ferma les yeux et sans forfanterie, mais d’une voix s^ure, r'epondit :
— Oui, j’y suis d'ecid'e !
— Dans ce cas, dit Fandor, consid'erez, voulez-vous, que c’est chose faite et que vous n’existez plus ?…
Le caporal le regardait interdit, Fandor pr'ecisait sa pens'ee :
— `A partir de ce moment vous n’existez plus, vous n’^etes plus rien, vous n’^etes plus le caporal Vinson…
— Et alors ? interrogea celui-ci.
Mais Fandor voulait avant tout une promesse :
— Est-ce entendu ?
— C’est entendu…
— Jurez-le !
— Je le jure…
— Eh bien ! Vinson, conclut Fandor, vous m’appartenez, vous ^etes ma chose, je vais vous donner mes instructions, auxquelles vous ob'eirez strictement…
7 – DEUXI`EME BUREAU
Ce matin-l`a, d`es neuf heures, une animation inaccoutum'ee r'egnait au Deuxi`eme Bureau de l’'Etat-Major.
Le Deuxi`eme Bureau.
Cette formidable organisation install'ee au Minist`ere, que tout le monde conna^it de r'eputation, dont la d'esignation officielle
Les services du Deuxi`eme Bureau s’amorcent sur un long couloir et tiennent toute la moiti'e de l’'etage dans l’aile droite du b^atiment.
Lorsque, d’aventure, on est autoris'e `a y p'en'etrer, on rencontre d’abord une assez grande pi`ece o`u, install'es `a des pupitres en bois, travaillent une douzaine de secr'etaires d’'Etat-Major, jeunes gens `a belle 'ecriture. On les change fr'equemment afin d’'eviter qu’ils ne soient trop renseign'es sur la nature des travaux qu’ils ex'ecutent. Le plus souvent d’ailleurs, ces travaux n’ont aucun caract`ere confidentiel, ou tout au moins leur signification est si dissimul'ee que les secr'etaires ne peuvent en comprendre l’importance.
Attenant `a ce local, se trouve la pi`ece r'eserv'ee aux travaux dits de « la statistique ».
C’est un vaste local carr'e qu’'eclairent abondamment deux larges fen^etres, et au milieu duquel se trouve une grande table en bois blanc. Parfois des dossiers l’encombrent, mais le plus souvent elle est nette, d'ebarrass'ee des paperasses et l’on y voit 'etal'ees des cartes de tous les pays de France et de l’'etranger, bariol'ees de traits de crayon rouge et bleu, orn'ees de signes cabalistiques, surcharg'ees d’annotations.
Autour de la pi`ece, adoss'es au mur, se trouvent les bureaux occup'es par les officiers du service, deux capitaines et deux lieutenants.
La pi`ece voisine est un petit cabinet o`u se tient ordinairement le sous-chef, le commandant Dumoulin.
Ce cabinet ne pr'esenterait aucun aspect particulier et ne retiendrait pas autrement l’attention du visiteur si l’on ne savait que dans le mur de droite se trouve scell'ee la fameuse armoire de fer dont seul le commandant Dumoulin poss`ede la cl'e et dans laquelle sont enferm'ees, dit-on, les instructions les plus secr`etes relatives `a la D'efense Nationale et `a la Mobilisation.
Le cabinet du commandant Dumoulin qui donne d’un c^ot'e dans le bureau de la statistique communique du c^ot'e oppos'e avec un salon sobrement meubl'e de fauteuils et de canap'es en velours vert, les murs en sont tapiss'es de papier vert, un seul tableau orne ce lieu solennel : le portrait du Pr'esident de la R'epublique.
C’est dans ce salon que le personnel du service recoit les visiteurs qui ont obtenu l’autorisation de p'en'etrer jusque-l`a. Visiteurs de marque, la plupart du temps, et dont les communications doivent avoir la plus haute importance…
On peut d’ailleurs parler sans crainte dans ce salon ; un tapis 'epais 'etouffe le bruit des pas, rideaux et porti`eres mettent les causeurs `a l’abri des indiscr'etions.
Enfin tout `a l’extr'emit'e du couloir on arrive au cabinet du commandant en chef du Deuxi`eme Bureau, le colonel Hofferman, officier jeune, instruit, appel'e au plus grand avenir.
L’installation du colonel Hofferman ne ressemble en rien `a celle des pi`eces voisines : le bureau est 'el'egamment meubl'e ; l’officier a contribu'e pour sa part personnelle `a l’installation confortable et 'el'egante de ce cabinet de travail o`u il passe le plus clair de ses journ'ees, parfois m^eme de ses nuits.
Tout un jeu de t'el'ephones unit le colonel Hofferman avec les divers services du minist`ere et aussi avec la Ville ; deux fils directs le relient, l’un au Ministre, l’autre au Gouverneur de Paris.
Dans un petit r'eduit, enfin, attenant au bureau de cet officier sup'erieur est install'e un poste t'el'egraphique.
Le colonel Hofferman, qui appartient `a l’infanterie, est un homme d’une grande distinction.
Avec tact et autorit'e, depuis trois ans d'ej`a, le colonel Hofferman dirige le d'elicat service de la « statistique » auquel il a fait faire de gros progr`es.
Tr`es homme du monde, il est recu dans les milieux les plus aristocratiques ; c'elibataire et encore fort beau garcon malgr'e l’approche de la cinquantaine, on assure qu’ind'ependamment des visites professionnelles qu’il recoit souvent, il a au minist`ere m^eme des conversations intimes avec de d'elicieuses Parisiennes qu’il n’entretient certes pas de la D'efense Nationale.
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Dans le bureau des officiers, on causait avec animation :
— Alors, c’est encore un artilleur ? interrogea le lieutenant Armandelle.