L'agent secret (Секретный агент)
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— Et quelles sont les conditions ?
Apr`es une seconde de r'eflexion, Hofferman r'epondit :
— Vous traiterez au mieux.
***
Midi. Les vastes locaux du minist`ere, jusqu’alors silencieux, s’emplissaient de murmures et d’'eclats de voix. Des bruits de pas pr'ecipit'es dans les escaliers, des portes claqu'ees. Les bureaux se vidaient…
— Tiens ! s’'ecria le capitaine Loreuil en enfoncant jusqu’`a ses yeux un 'enorme chapeau mou qui lui donnait une vague allure d’artiste peintre ou de marchand de marrons, tiens, voil`a le plus beau cavalier de France et de Navarre…
Et il entonna, d’une voix claire :
Ah, que j’aimerais ce cuirassier
Si j’'etais encore demoiselle…
Henri de Loubersac, qui venait de se heurter au jovial capitaine, 'eclata de rire et lui serra les mains chaleureusement.
***
Un nombre restreint de promeneurs, de curieux, d’oisifs, se tenait immobile au Jardin des Plantes, le long de la palissade qui s'epare le public du bassin rocailleux dans lequel 'evoluent en libert'e une demi-douzaine de crocodiles.
Quelques enfants, pilot'es par des bonnes ou des institutrices, jetaient avec des gestes maladroits des morceaux de pain aux monstres qui refermaient leurs formidables m^achoires avec des claquements secs.
Il y avait aussi, autour de la barri`ere protectrice, des mis'ereux en loques, quelques types d’'etudiants, un ou deux ouvriers, l’in'evitable petit t'el'egraphiste qui s’attarde en route au lieu d’aller porter les d'ep^eches et enfin un personnage qu’un observateur aurait vite remarqu'e parmi cette foule 'eminemment populaire. Jeune homme blond, 'el'egant, sangl'e dans un pardessus `a taille et coiff'e d’un chapeau melon…
Ce jeune homme, plant'e depuis dix minutes devant le parc des crocodiles, paraissait n’accorder aux 'evolutions des sauriens qu’une m'ediocre attention. Sans cesse il jetait autour de lui des regards furtifs, semblant chercher quelqu’un.
Vraisemblablement, c’'etait un amoureux, venu d’avance `a un rendez-vous, escomptant l’arriv'ee d’une femme peut-^etre en retard…
Dr^ole d’endroit toutefois pour se parler d’amour que ce triste Jardin des Plantes embrum'e et dont les arbres, peu `a peu, d'epouillaient leur parure de feuilles.
Un uniforme surgit d’une all'ee ; c’'etait un sergent d’intendance qui passait affair'e !
`A peine l’eut-il apercu, que le jeune homme 'el'egant s’'ecarta, abandonnant sa place au premier rang de la palissade et alla se dissimuler derri`ere un arbre en grommelant presque `a mi-voix :
— D'ecid'ement, il faut toujours ^etre sur la d'efensive… pas la peine de me faire voir par ce sergent que je connais pour l’avoir rencontr'e dans les couloirs du minist`ere… et qui, sans doute, ne doit pas ignorer ma t^ete.
Le jeune homme d'eboutonna son pardessus.
— Trois heures vingt-cinq, dit-il, il ne tardera pas !
***
`A deux cents m`etres de l`a, sur la place Valhubert, devant la grande entr'ee du Jardin, un attroupement s’'etait form'e. La foule, badaude au possible, se bousculait…
Le vieux joueur d’accord'eon, d’un coup d’oeil rapide avait examin'e le visage de son interlocuteur.
Celui-ci, qui, pench'e en avant tracait avec sa canne des ronds sur le sable, interrogea bri`evement :
— O`u en sommes-nous, Vagualame ?
— Je n’ai plus d’argent, mon lieutenant…
— Qu’est-ce qu’il vous prend ? il n’y a pas de lieutenant… ici… pas plus qu’ailleurs ! je suis M. Henri, pas autre chose ! Est-ce que je m’inqui`ete de savoir qui vous ^etes, Vagualame ?…
— Oh ! protesta le vieillard, il suffit. N’ayez aucune crainte ; je connais mon m'etier, vous savez mon d'evouement… malheureusement, ca co^ute cher…
— Oui, reprit Henri de Loubersac, car c’'etait en effet l’officier de cuirassiers, oui, je sais, vous ^etes toujours `a court.
— Aurais-je de l’argent bient^ot ? insista Vagualame.
— Cela d'epend, fit le lieutenant, o`u en sont les affaires ?
— Lesquelles ?
— Vagualame, vous n’^etes qu’un imb'ecile, l’affaire dont je vous parle, c’est l’affaire V…, o`u en est-elle ?
Le vieillard se mit `a rire :
— Peuh ! rien du tout ! c’est encore des histoires de femmes… vous savez bien, monsieur Henri… cette petite chanteuse de Ch^alons ? la nomm'ee Nichoune ?… h'e ! h'e !… assez gentille… j’aurais, ma foi, quarante ans de moins que… ca sort du ruisseau, ces gaillardes-l`a… c’est vicieux dans l’^ame… pour un bijou on en ferait ce qu’on en voudrait… vous la connaissez bien ?… elle a d'ebut'e `a La F`ere, et puis ca a roul'e les bastringues de la Picardie, des Ardennes ?…
— Tout ca, interrompit le lieutenant, ne signifie rien, Vagualame…
— Pardon ! monsieur Henri, Nichoune, c’est la ma^itresse du caporal V… il est en permission, le caporal…
— Je sais, observa l’officier, il est m^eme `a Paris…
— Et alors, que voulez-vous que je fasse ?
— Vous allez partir pour Ch^alons, proc'eder `a une enqu^ete tr`es serr'ee sur les relations de V… avec Nichoune. V… 'etait pourri de dettes ?…
— Il les a r'egl'ees, observa Vagualame…
— Ah ! fit le lieutenant un peu interloqu'e, eh bien, sachez comment et pourquoi ! Renseignez-moi aussi sur un nomm'e Alfred…
— Je le connais, mon lieutenant… pardon, monsieur Henri… une
— Faudra pr'eciser aussi la nature des relations qui unissaient le caporal V… avec feu le capitaine Brocq…
— Dites donc, a-t-on du nouveau pour cette histoire ?
Henri de Loubersac s’'ecarta et toisant le vieillard d’un air un peu hautain :