L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Dick s’attendait si peu `a la question qu’il resta quelques secondes sans r'epondre puis, voyant toujours la figure s'ev`ere du sergent de ville pench'ee au-dessus du fiacre culbut'e, voyant m^eme surgir un second k'epi d’agent, il comprit qu’il importait de fournir des 'eclaircissements `a sa tenue, en effet, bizarre.
— Je suis acteur, commencait-il, je me pr'eparais `a entrer en sc`ene.
— Dans une voiture ?
— Je me rendais `a mon th'e^atre.
— Tout nu ?
— Mais non, sapristi, vous voyez bien que j’ai un autre costume ! Laissez-moi sortir d’abord. Si vous croyez que je suis bien l`a-dedans.
Mais au moment o`u, pour la seconde fois, Dick tentait de s’extraire de son sapin, la poigne d’un agent se posa sur son 'epaule, et le repoussa de force `a l’int'erieur de la voiture.
— C’est bon, c’est bon, d'eclarait le repr'esentant de l’autorit'e, on les conna^it les gaillards de votre esp`ece, qui se d'eshabillent dans les voitures de place. Ah, votre affaire est claire, mon bonhomme !
— Mon affaire est claire ? interrogea Dick, mais puisque je vous dis…
— Habillez-vous et au poste !
— Au poste ? vous n’y pensez pas ?
L’agent d'edaigna de r'epondre. Il se tourna vers son coll`egue :
— R'equisitionne un fiacre, commanda-t-il, c’est un d'ego^utant. Si nous le sortons comme ca, il va faire du scandale.
En entendant cet ordre net et pr'ecis, Dick ne put s’emp^echer naturellement d’'eclater de rire :
— Mais non, agent, protestait-il, je ne suis pas un d'ego^utant, laissez-moi m’habiller et allons au poste, seulement par piti'e, arr^etez un taxi-auto, je suis `a la minute.
Si Dick avait r'efl'echi cependant, il se serait peut-^etre rendu compte qu’apr`es les multiples incidents qui avaient marqu'e sa soir'ee, il n’'etait plus en r'ealit'e `a la minute, car l’heure `a laquelle il devait arriver au th'e^atre 'etait pass'ee depuis longtemps.
Mais il ne r'efl'echissait plus. Il 'etait dans un tel 'etat d’'enervement qu’il continuait, sans songer que c’'etait bien inutile, `a vouloir rejoindre son th'e^atre, le plus rapidement possible.
— Je m’habille, annonca Dick.
Et, toujours pour gagner du temps, il commenca `a rev^etir non pas ses habits ordinaires, mais ses habits de sc`ene. Quelques instants plus tard, Dick avait en effet rev^etu ses habits, mais alors, les agents recul`erent de stup'efaction, ils avaient devant eux un homme v^etu d’une culotte collante, de bas de soie, les 'epaules recouvertes d’une sorte de chemise rouge, b^aillant sur la poitrine, la t^ete coiff'ee d’un bonnet phrygien, orn'e d’une cocarde gigantesque.
Du fiacre renvers'e, `a l’'ebahissement de la populace, c’est un contemporain de la R'evolution Francaise qui sortait.
— Qu’est-ce que cette mascarade ? commenca l’un des agents.
Dick, cependant, ayant ramass'e ses autres v^etements et les ayant enfourn'es dans son sac, sortait du taxi-auto et se rendait compte que l’accident venait d’avoir lieu place Clichy.
— Au poste, au poste ! cria le jeune homme. Ne perdons pas de temps, je suis un acteur.
L’agent, `a ce moment, revenait de ses premi`eres suppositions :
— Ma foi, disait-il `a son coll`egue, ca n’est peut-^etre pas un d'ego^utant, c’est un 'echapp'e de Charenton.
Dick, cependant, avait, d’un geste imp'erieux, arr^et'e un taxi-auto :
— Il faut aller au poste, disait-il.
— Parbleu !
— Eh bien, allons-y, et vite !
Au poste de police, par bonheur, Dick tomba sur un secr'etaire r'eellement intelligent et vif.
En deux mots, le jeune homme raconta son aventure, expliqua comment il se faisait qu’au moment o`u sa premi`ere voiture avait 'et'e culbut'ee, il 'etait `a moiti'e nu `a l’int'erieur de son fiacre :
— Monsieur le commissaire, disait Dick, vos agent m’ont trait'e de satyre, mais je ne leur en veux pas. Vous voyez dans quel embarras je me trouve. Tout ce que je vous demande, c’est de me remettre en libert'e le plus vite possible. Je me tiendrai demain apr`es-midi `a votre disposition si cela est n'ecessaire.
Dick avait des pi`eces d’identit'e, le secr'etaire les examina, puis s’inclina :
— Vous ^etes libre, monsieur. Vous ^etes libre. D'ep^echez-vous donc de partir `a votre th'e^atre. Qu’est-ce qu’on joue donc `a Ornano ?
— On joue : Les Amours du Bourreau ou L’Enfant de la Guillotine et je tiens le r^ole de Sanson. Le vous enverrai des places.
Sur cette bonne promesse, une promesse que les acteurs font toujours sans y attacher la moindre importance, car ils n’en tiennent jamais compte, Dick sortit du poste et remonta dans un taxi-auto.
— Au Th'e^atre Ornano, hurla-t-il, `a toute allure.
Et la voiture d'emarra, Dick, enfin, respira.
— Quelle soir'ee, jurait le jeune homme, bon Dieu, c’est `a devenir fou…
Puis, il murmura soudain d’une voix tr`es pr'eoccup'ee, un peu anxieuse :
— Mais tout cela est 'etrange, vraiment, tout cela est bizarre. Ce serait `a croire que…
Il n’acheva pas sa phrase.
Au Th'e^atre Ornano, `a la porte de l’entr'ee des artistes, un figurant accueillit Dick d’une raillerie :
— Eh bien, monsieur Sanson, dit-il, vous voil`a tout de m^eme ? Ne vous pressez pas, vous savez. Non, ne vous pressez pas. Ca pourrait vous faire mal.
Dick ne r'epondit pas. Il monta l’'etroit escalier qui conduisait au plateau, il le monta quatre `a quatre.
24 – LE DERNIER TABLEAU
Cependant, une foule houleuse r'eclamait le lever du rideau. La salle de spectacle 'etait bond'ee. C’'etait un samedi soir, et du rez-de-chauss'ee aux derni`eres galeries, les spectateurs 'etaient press'es les uns contre les autres, car le th'e^atre n’'etait pas tr`es grand et devait contenir beaucoup de monde.