L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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— C’est curieux, je trouve que ce type qui est venu juste pour remplacer Dick a un dr^ole d’air, il a des yeux effrayants. Cet esp`ece de Talma ne me revient pas du tout. Il a une t^ete qui me fait peur.
La guillotine 'etait dress'ee au premier plan, et si l’on avait attendu quelques instants de plus qu’`a l’ordinaire pour monter le d'ecor, c’est parce que le vieil acteur qui remplacait Dick avait voulu s’assurer lui-m^eme des dispositions du « praticable » et de la mise en sc`ene.
Il avait pass'e quelques instants seul sur le plateau `a c^ot'e de la hideuse machine, merveilleusement reconstitu'ee d’apr`es les documents exacts de l’'epoque.
L’ex'ecution faite devant le public 'etait simul'ee avec un art parfait. L’artiste qui jouait le r^ole de Marie-Antoinette devait en effet se laisser basculer sur la planche sinistre et se prendre le cou dans la lunette. Un 'eclair brillait alors au sommet de l’'echafaud et on laissait tomber un cartonnage qui figurait le couperet fatal.
Le r^ole du bourreau alors, ou pour mieux dire de l’acteur qui jouait Sanson, consistait `a s’interposer entre le public et la guillotine afin de dissimuler par son corps celui de la victime. Il prenait d’ailleurs dans un panier une t^ete de carton et la levait au bout du bras pour montrer au peuple que justice 'etait faite. Et c’est `a ce moment que le rideau tombait.
On avait expliqu'e `a Talma le jeu de sc`ene de ce tableau et lui-m^eme avait 'et'e v'erifier l’'echafaud.
Fant^omas le bourreau, 'etait all'e changer de costume. Au moment o`u on levait le rideau, il se dissimula derri`ere un portant attendant son entr'ee.
Les appr^ets du supplice, l’arriv'ee sur la sc`ene de la charrette amenant la veuve Capet, prenaient environ dix bonnes minutes et le bourreau n’apparaissait pas tout de suite, il ne devait surgir de derri`ere le
Comme toujours, l’apparition de la guillotine, plac'ee en plein milieu de la sc`ene, provoqua des murmures divers dans la salle v'eritablement empoign'ee par l’int'er^et du spectacle.
C’est qu’il y avait l`a nombre de gens pour qui la vue de la sinistre machine 'etait comme une indication, comme une menace. Savait-on jamais si quelque aventure f^acheuse ne vous am`enerait pas un jour `a subir pour de bon le supplice que l’on allait applaudir au th'e^atre ?
Cependant, un brouhaha se produisit dans les coulisses.
— Ah te voil`a tout de m^eme ! s’'ecria M. Rigou, qui, d'esormais s^ur de son interpr`ete, avait jug'e inutile de retourner dans le trou du souffleur, et qui restait sur le plateau d’o`u, d’ailleurs, il pouvait envoyer les r'epliques, si besoin en 'etait, aussi bien que de sa bo^ite. Te voil`a ! s’'ecriait-il.
C’'etait Dick en effet qui, apr`es ses p'erip'eties, arrivait enfin. Il 'etait onze heures trois quarts.
Le jeune artiste, p^ale, d'efait, essouffl'e, redoutant les pires 'ev'enements, 'etait arriv'e au th'e^atre, convaincu que son absence avait d'etermin'e des cataclysmes et qu’il allait trouver la salle mise au pillage par une foule exasp'er'ee, les d'ecors en morceaux, les artistes en fuite.
Au contraire, tout semblait s’^etre pass'e tr`es normalement, et, comme d’ordinaire, `a onze heures trois quarts, on montait la guillotine sur le
M. Rigou jouit quelques instants de l’'ebahissement du jeune artiste. Dick, en effet, 'ecarquillait les yeux, ne trouvait pas une question `a poser tant il 'etait abasourdi, stup'efait. Il l^acha enfin :
— Vous m’avez donc doubl'e ?
— Oui, mon cher, r'epliqua Rigou qui, triomphalement ajoutait : « Et par Talma lui-m^eme ! »
Le dernier tableau cependant 'etait sur le point de s’achever. Les soldats avaient amen'e Marie-Antoinette au pied de l’'echafaud. La salle 'etait haletante et seule peut-^etre n’'eprouvait aucune 'emotion celle qui 'etait pourtant l’h'ero"ine de ce terrible drame. Rose Coutureau qui montait automatiquement sur l’'echafaud, ne se pr'eoccupait pas du sinistre appareil sur lequel elle allait s’'etendre dans un instant. Beaucoup plus prosa"iquement, elle regarda dans la coulisse et elle fut fort surprise d’y apercevoir Dick, arriv'e depuis quelques instants, se tenant immobile `a c^ot'e du rideau. Elle pensa, un peu rass'er'en'ee, `a l’id'ee que le spectacle allait finir :
— Qu’est-ce qu’il va prendre pour ^etre arriv'e si en retard.
Elle songeait en m^eme temps :
— Encore dix minutes et c’est la fuite.
Elle souriait `a Beaum^ome qui, la main pos'ee sur le fil destin'e `a manoeuvrer le rideau, attendait l’instant propice pour signaler au public la fin du spectacle.
Rose 'etait si peu `a ce qu’elle faisait qu’elle entendit `a peine la clameur soudaine qui s’'eleva de la salle au moment o`u surgissait `a c^ot'e d’elle l’acteur qui interpr'etait aux lieu et place de Dick, la derni`ere sc`ene, celle de l’ex'ecution.
Sanson, en effet, parut.
Si jusqu’alors le nouveau com'edien qui jouait le r^ole avait boulevers'e la foule et surpris le public par ses attitudes et ses facons d’^etre, il d'eroutait d'esormais tout le monde.
Certes, il n’avait rien de classique ni de conforme `a la tradition, ce bourreau qui montait sur l’'echafaud pour ex'ecuter Marie-Antoinette.
Il n’avait pas le costume du temps. Le bourreau en effet qui surgissait devant la foule 'etait drap'e enti`erement dans un grand manteau rouge et son visage 'etait dissimul'e derri`ere une sorte de cagoule, rouge 'egalement.
Il 'etait gant'e de rouge. C’'etait effarant et l’on se demandait ce que cela voulait dire, mais les artistes cependant qui n’osaient interrompre et ex'ecutaient leurs mouvements avec des gestes automatiques, pr'ecipitaient le d'enouement.
Fant^omas, dans le r^ole de Sanson, s’avancait vers la guillotine. Le Ma^itre de l’Effroi, fixement, regardait Rose Coutureau interpr'etant Marie-Antoinette, et, tandis que les acteurs figurant les aides la faisaient basculer sur la planche fatale, le faux Talma Junior murmurait entre ses dents, tandis qu’un sourire sarcastique effleurait ses l`evres :