L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Heureux comme un enfant `a qui on permet de faire l’'ecole buissonni`ere, Fandor serra chaleureusement les mains de Juve qu’il quitta pour courir au rendez-vous de celle qu’il aimait, depuis si longtemps et avec tant d’ardeur.
Si Juve avait vu Fandor `a neuf heures du soir, il aurait 'et'e d'esesp'er'e de l’attitude de son ami.
Le journaliste, en effet, avait pass'e une journ'ee enti`ere en proie aux plus mortelles inqui'etudes. En vain depuis deux heures de l’apr`es-midi, il avait attendu H'el`ene. H'el`ene n’'etait pas venue.
***
— Enfin, monsieur, m’expliquerez-vous ce que vous voulez ?
— Je n’ai peut-^etre pas `a vous le dire, mademoiselle, et le seul fait de votre pr'esence ici me prouve que vous avez compris.
— Non, monsieur.
— Je vous demande pardon… Si, mademoiselle !
Dans une pi`ece `a peu pr`es d'eserte, mal 'eclair'ee, sans meubles, deux ^etres humains 'echangeaient ces paroles discordantes.
C’'etaient un homme et une femme, jeunes et beaux tous les deux : l’acteur Dick et H'el`ene, la fille de Fant^omas. Par suite de quelles circonstances et de quels singuliers 'ev'enements, se faisait-il que l’acteur et la jeune fille, se trouvaient ainsi en pr'esence ?
Il 'etait six heures du soir, et cet entretien avait lieu `a Enghien, dans une maison d'eserte, abandonn'ee, semblait-il, et isol'ee `a l’extr'emit'e du lac, sur le bord de la route pav'ee qui se dirige vers Saint-Denis.
Quelques heures auparavant, alors qu’H'el`ene se disposait `a se rendre chez Fandor, avec lequel elle avait rendez-vous, elle 'etait abord'ee par un individu dont elle ne voyait point le visage, car l’homme affectait, tout en se tenant pr`es d’elle, de ne pas marcher `a sa hauteur et de rester toujours un peu en arri`ere, afin 'evidemment qu’elle ne le v^it point.
En pleine rue, cet homme avait murmur'e quelque chose `a l’oreille de la jeune fille, et il faut croire que les propos qu’il avait tenus la troublaient singuli`erement, car, changeant brusquement d’itin'eraire, au lieu d’aller chez Fandor, H'el`ene s’'etait dirig'ee vers la gare du Nord.
Elle avait pris le premier train en partance pour Enghien, puis, sit^ot arriv'ee, elle avait demand'e un renseignement `a un sergent de ville et s’'etait dirig'ee `a grands pas vers cette maison d'eserte, dans laquelle elle p'en'etra sans la moindre h'esitation, 'emue cependant au plus haut point.
H'el`ene monta au premier 'etage de cet immeuble qu’elle ne connaissait pas, ex'ecutant simplement `a la lettre et avec une ob'eissance passive les instructions que lui avait donn'ees le myst'erieux personnage qui l’avait abord'ee dans la rue `a Paris.
Elle 'etait d'esormais en face de Dick. Il n’y avait pas de doute, en effet, elle reconnaissait sa voix. L’homme ne dissimulait d’ailleurs pas sa personnalit'e et lorsque H'el`ene lui avait dit :
— Que voulez-vous ? reprit la jeune fille. Que voulez-vous de moi ? Pourquoi m’avoir attir'ee dans ce lieu ?
L’acteur s’inclina devant elle.
— Merci, dit-il, merci d’^etre venue. J’avoue que c’est `a peine si j’osais l’esp'erer.
— Vraiment ? interrompit H'el`ene. Il me semble pourtant, qu’apr`es ce que vous m’avez dit et r'ev'el'e tout `a l’heure, il m’'etait impossible de faire autrement. Vous avez 'evoqu'e de tels souvenirs et rappel'e des choses si tragiques que je ne pouvais pas refuser de venir.
Renoncant `a son attitude respectueuse, Dick, dont les yeux lancaient des 'eclairs, d'eclara triomphalement :
— Et j’imagine que vous ^etes, ce qui mieux est, d'ecid'ee `a m’ob'eir ?
H'el`ene rougit.
Elle, la fille hautaine, fi`ere, autoritaire, qui ne se courbait devant personne, avait 'et'e r'eduite `a baisser la t^ete, et, au lieu de r'epondre comme il le m'eritait au jeune acteur, elle avait gard'e le silence.
— Reconnaissez-le donc, je ferais trembler Fant^omas lui-m^eme.
Et il semblait si 'energique, si d'ecid'e en prof'erant ces audacieuses paroles, qu’H'el`ene, anxieuse, avait demand'e :
— Ah dites-moi, de gr^ace… Quel homme ^etes-vous ?
Le myst'erieux com'edien ne r'epondit point. Mais il ne pouvait s’emp^echer de se souvenir que, quelques heures auparavant, une autre femme, avec laquelle il se trouvait en t^ete-`a-t^ete, Sarah, la jolie Am'ericaine, lui avait demand'e sur le m^eme ton de mortelle angoisse.
— Quel homme ^etes-vous ?
Pas plus qu’`a Sarah Gordon, Dick ne r'epondit `a H'el`ene, mais, avancant un si`ege, il le d'esigna `a la jeune fille, puis, cependant qu’il restait debout, les bras crois'es devant son interlocutrice, il commenca d’une voix r'esolue :
— 'Ecoutez, mademoiselle, voici quels sont mes d'esirs, et sous peine des plus grandes catastrophes, je vous engage vivement `a les consid'erer comme des ordres. Retenez bien ce que je vais vous dire. Suivez `a la lettre mes recommandations.
— Parlez, monsieur, murmura H'el`ene, toute tremblante.
26 – SURPRENANTES RENCONTRES
Dick parti, Sarah avait pass'e par de terribles perplexit'es car, ainsi qu’elle l’avait dit, la jeune femme 'etait tr`es 'eprise de l’acteur, elle se sentait fort troubl'ee par l’'etrange attitude qu’il venait d’avoir.
Devait-elle partir en Am'erique ainsi qu’elle en avait manifest'e l’intention ? Devait-elle, au contraire, c'eder aux supplications du jeune homme et retarder son d'epart, attendre qu’il f^ut libre de s’en aller avec elle ?