L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
Шрифт:
Sarah, en digne Am'ericaine qu’elle 'etait, poss'edait un caract`ere ombrageux et supportait mal la contradiction.
Elle s’'etait d’abord imagin'e que Dick accepterait avec enthousiasme le projet de voyage qu’elle comptait lui soumettre, et elle n’en 'etait que plus affect'ee par les r'esistances impr'evues du bel acteur.
— Que veut-il dire avec tous ces myst`eres ? songeait-elle. Pourquoi ne point partir maintenant ? Pourquoi attendre ? Attendre quoi ?
Mais `a toutes les interrogations anxieuses qu’elle pouvait se poser, Sarah ne trouvait point de r'eponse.
D’ailleurs, encore qu’elle e^ut fait l’audacieuse, elle 'eprouvait une secr`ete jalousie `a l’'egard de Dick qui n’'etait point sans augmenter le malaise moral dont elle souffrait.
— Pourquoi a-t-il eu l’air si 'emu de la mort de cette Rose Coutureau ? songeait Sarah.
Puis l’Am'ericaine se r'ep'etait :
— Je sais bien qu’il m’aime et qu’il n’aime que moi.
Mais elle avait beau se r'ep'eter cette assurance, elle avait beau s’affirmer qu’elle n’'etait pas inqui`ete, Dick l’avait troubl'ee avec ses paroles et lui 'etait impossible d’oublier qu’il avait parl'e de venger une femme, cette jeune fille tu'ee la veille par Fant^omas.
Fort 'enerv'ee, fort chagrine en tout cas, Sarah ne savait plus `a quel parti s’arr^eter.
— Je l’aime, je ne vais pas partir, murmurait-elle par moments.
Puis, quelques secondes apr`es, elle secouait la t^ete, froncait ses fins sourcils, tapait du pied :
— Tant pis pour lui ! disait Sarah. Je l’ai pr'evenu que je partais, je lui ai offert de m’accompagner, libre `a lui de venir ou de ne pas venir, je serai sur le transatlantique samedi prochain.
Et, dans ces moments de r'esolution, Sarah commenca avec rage ses pr'eparatifs de d'epart, bouscula ses malles, rassembla ses affaires, sonna la femme de chambre qu’elle renvoya quelques minutes plus tard, ayant `a nouveau d'ecid'e de patienter et d’attendre que Dick e^ut bien voulu lui expliquer son 'etrange attitude.
Or, tout le temps que Sarah h'esitait de la sorte, c’est-`a-dire le matin, puis, l’apr`es-midi, puis encore l’apr`es-d^iner, car la jeune femme remonta imm'ediatement dans sa chambre apr`es la fin du repas, Sarah resta seule. `A tous moments elle avait besoin de domestiques et, certes, elle ne soupconnait pas que ces gens, dont elle r'eclamait les services par leur pr'esence continuelle, 'eloignaient un ma^itre d’h^otel dont l’apparence correcte et banale servait `a dissimuler le redoutable Fant^omas.
Fant^omas, en effet, r^odait continuellement au Lac Palace.
Il n’avait pas abandonn'e son sinistre projet de tuer la riche Am'ericaine, mais les circonstances, pour une fois, le desservaient et il lui 'etait impossible d’ex'ecuter ses desseins.
`A dix heures, cependant, comme l’h^otel s’emplissait des all'ees et venues des 'el'egants et des 'el'egantes qui se rendaient au Casino voisin, le portier frappait `a la porte de la chambre de Sarah.
— Entrez ! commanda la jeune femme.
— Mademoiselle, d'eclarait le domestique en se d'ecouvrant et en prenant un ton des plus respectueux, il y a une personne qui d'esire entretenir madame.
— Une personne ? r'epondit Sarah.
Elle eut `a ce moment un grand battement de coeur, elle p^alit, car elle pensait deviner qui pouvait ^etre cette personne.
— C’est Dick ! se disait Sarah. `A coup s^ur, il s’est ravis'e, il vient m’avertir qu’il part avec moi.
Mais avant m^eme que la jeune femme e^ut achev'e de penser cela, le portier pr'ecisait :
— Mademoiselle, c’est une dame. Elle affirme que madame ne la conna^it pas, mais elle a insist'e pour que madame la recoive, disant qu’elle venait faire une commission urgente.
— Faites entrer cette jeune femme.
Sarah avait 'et'e quelque peu d'ecue en apprenant que ce n’'etait point Dick qui venait la voir, mais elle se consola en songeant qu’il s’agissait certainement d’une messag`ere du jeune artiste et que la commission qui lui serait faite devait venir de Dick.
Quelques secondes plus tard, le heurt familier de l’ascenseur avertissait Sarah que sa visiteuse arrivait au palier de son 'etage. On frappait encore `a sa porte et, `a son invitation, une jeune femme p'en'etrait aupr`es d’elle.
Sarah d'evisageait l’arrivante avec une 'emotion qu’elle dissimulait mal.
Elle 'etait en face d’une jolie personne, belle, d’une fra^iche beaut'e, toute jeune encore et dont le visage avait quelque chose de s'eduisant et d’intrigant `a la fois.
La timidit'e se peignait sur ses traits et cependant ses yeux avaient une 'etrange 'energie, elle semblait d'ecid'ee et h'esitante. Elle 'etait simplement mise, elle 'etait tr`es distingu'ee.
— Vous demandez `a me parler, mademoiselle ? s’informa Sarah.
— Oui, mademoiselle.
— Vous venez me faire une commission ?
— Oui, mademoiselle.
La voix de la visiteuse 'etait sympathique, bien timbr'ee. Elle ne tremblait pas et cependant Sarah croyait deviner en elle comme une l'eg`ere h'esitation.
— Eh bien, mademoiselle, je vous 'ecoute, r'ep'etait Sarah. Qui vous envoie vers moi ?
La visiteuse, cette fois, ne r'epondit pas tout de suite.
Elle r'efl'echit quelques secondes ; un pli lui barrait le front d’une ride soucieuse et c’est d’une voix basse, anxieuse, qu’elle se d'ecida enfin `a reprendre la parole :
— Mademoiselle, dit la jeune fille en regardant Sarah bien en face, comme si elle e^ut cherch'e `a lire les sentiments de l’Am'ericaine au fond des prunelles changeantes, mademoiselle, je viens vous faire une commission grave, et je vous prie de m’accorder toute votre attention.
— Mais mademoiselle, faisait-elle, je vous 'ecoute tr`es attentivement. Voulez-vous vous asseoir ?
Elle offrit un si`ege. Elle-m^eme s’assit, mais la jeune fille demeura debout :
— Mademoiselle, reprit-elle, il va falloir me r'epondre en toute franchise. Aimez-vous l’acteur Dick ?