L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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D'ej`a, les contours de la pi`ece qu’elle occupait s’estompaient comme dans un r^eve, devenaient flous et vagues, lorsque soudain, ses yeux s’'ecarquill`erent d'emesur'ement. Son regard se fixa sur la muraille en face d’elle, cependant que son coeur parut s’arr^eter de battre :
— Qu’est-ce que c’est ? qui est l`a ? murmura la jeune fille.
Une vision stup'efiante apparaissait :
Il sembla `a Sarah que les grands rideaux qui dissimulaient la porte de son cabinet de toilette venaient de s’agiter.
Puis, une ombre, une forme humaine, s’en d'etachait lentement, s’avancait vers elle, semblant glisser sur le sol.
'Etait-ce un homme ou une femme ? L’apparition 'etait difficile `a d'efinir, car elle ressortait en noir, sur fond sombre.
Et, cependant, faiblement 'eclair'es par la lampe en veilleuse, les formes de cette ombre, peu `a peu se pr'ecisaient.
Sarah distinguait le contour 'epais de deux robustes 'epaules, sur lesquelles 'etait drap'e un long manteau descendant jusqu’au sol. Entre ces deux 'epaules, il y avait l’esquisse d’une t^ete, mais d’une t^ete dont les traits 'etaient eux-m^emes voil'es de noir.
Puis, Sarah, de plus en plus impressionn'ee, n’osant faire un mouvement, remarqua que, du c^ot'e droit de l’ombre, se d'etachait la forme d’un bras qui se tendait vers elle, et soudain, l’acier d’une arme brilla `a la main 'egalement gant'ee de noir de l’apparition.
Sarah 'etouffa un cri, et brusquement, comme mue par un ressort, elle se dressa `a demi dans son lit. Puis elle voulut se lever, fuir, chasser de sa vue le fant^ome effroyable. Mais un ordre formel l’immobilisa sur place, au milieu de sa couche.
— Pas un mot, pas un geste, ou c’est la mort !
Et Sarah entendit le claquement sec d’un revolver.
Son sang se glaca dans ses veines, mais elle crut comprendre ce qui lui arrivait : elle allait ^etre victime d’une agression, et, `a la tenue terrifiante du personnage qui se pr'esentait devant elle, elle pensait reconna^itre quelqu’un de ces hardis voleurs, de ces audacieux bandits que l’on conna^it et que l’on redoute sous le nom de
Oui, il n’y avait pas de doute, c’'etait un rat d’h^otel qui venait de la surprendre, qui, vraisemblablement, allait la d'epouiller. Sarah, malgr'e sa terreur subite, conservait n'eanmoins son sang-froid. N’'etait-elle pas Am'ericaine, et de ce fait, moins pusillanime que les autres femmes ?
Elle essaya de se raisonner :
— Les rats d’h^otel, pensa-t-elle, ne tuent que lorsqu’ils y sont oblig'es par les cris ou la d'efense de leurs adversaires. Ce qu’ils veulent, ce sont des bijoux, de l’argent, et si on les laisse voler, ils s’en vont sans faire de mal.
C’'etait du moins l’id'ee que Sarah s’efforcait de faire p'en'etrer dans son esprit. Ob'eissant aux ordres qui lui avaient 'et'e intim'es, elle ne fit pas un geste. Toutefois, lorsqu’elle put enfin refr'ener le claquement de ses dents, elle balbutia :
— Si vous voulez de l’argent, des bijoux, prenez-en et partez. L`a, `a droite, dans le petit coffret, sont mes bagues, mon collier.
Mais, elle fut interrompue par un ricanement diabolique et strident.
Et la voix du myst'erieux personnage qui se trouvait devant elle, la menacant toujours de son revolver, retentit de nouveau :
— Peu m’importent tes bijoux, je n’en ai que faire. Ne sais-tu donc pas qui je suis ?
— Non.
— Je suis Fant^omas, on me surnomme `a juste titre le G'enie du Crime, le Ma^itre de l’Effroi, je suis impitoyable pour mes adversaires et je brise tous les obstacles que je rencontre sur ma route.
— Mon Dieu, je suis perdue !
— C’est bien toi Sarah Gordon ?
— Oui.
Le bandit avanca d’un pas, se rapprochait, `a le toucher, du lit dans lequel 'etait assise l’Am'ericaine, toute tremblante.
— Tu as voulu, grommela-t-il, porter la main sur ma fille et la faire arr^eter, car c’est elle qui, tout `a l’heure, est venue te parler. Tu l’as chass'ee comme une mis'erable, mais tu seras ch^ati'ee.
Une sourde col`ere semblait gronder dans le coeur de Fant^omas !
— Que t’a-t-elle dit, tout `a l’heure ? Et pourquoi l’as-tu repouss'ee ?
Sarah Gordon, au paroxysme de l’'emotion, se taisait. Fant^omas insista durement :
— R'eponds, si tu ne veux pas mourir.
— Elle m’a dit, elle m’a demand'e, elle m’a ordonn'e de ne point partir ce soir, ni demain. Elle veut garder Dick `a Paris.
— Pourquoi ?
— Je ne sais pas, fit Sarah. Sans doute l’aime-t-elle, elle aussi ?
— C’est faux ! H'el`ene n’aime pas ce cabotin. C’est toi qui en es 'eprise. Ah mis'erable, tu ne sais pas…
Mais brusquement Fant^omas s’arr^eta de parler, et, au lieu de continuer `a se tenir debout, presque pench'e sur la jeune fille, il s’accroupit derri`ere son lit, cependant qu’apr`es avoir grommel'e quelques impr'ecations de d'epit, il lui ordonnait `a voix basse :
— Ne fais pas un mouvement, pas un geste et ne dis plus une parole, sans quoi je te tue.
Puis Fant^omas r'ep'eta encore :
— Mal'ediction, mal'ediction !
Le bandit, d'esormais, 'etait s'epar'e de la fen^etre de la chambre par le corps de Sarah, qui se tenait assise dans le lit.
La jeune fille, sans comprendre les ordres de Fant^omas, lui avait ob'ei. Elle ne fit pas un mouvement. Il y eut un silence pendant lequel l’inqui'etude de l’Am'ericaine s’accrut encore. Que se passait-il donc ? Et comment se faisait-il que ce terrible personnage demeurait agenouill'e `a c^ot'e d’elle `a sa gauche, cependant qu’il tenait toujours son revolver braqu'e sur la jeune fille, pr^et `a tirer ? Sarah, si elle ne bougeait pas le corps, avait toutefois le loisir de remuer la t^ete.