L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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— Il y a un commencement `a tout, miss Sarah Gordon, et d`es `a pr'esent, je vous donne l’ordre de r'epondre `a mes questions.
— Monsieur, je ne parlerai pas, je ne prononcerai pas une parole.
— En ce cas, fit Juve, j’attendrai !
Il y eut un quart d’heure de silence, pendant lequel la jeune fille, de plus en plus troubl'ee et perplexe, ne cessa de consid'erer le policier qui s’'etait install'e dans un fauteuil en face d’elle et demeurait impassible, les bras crois'es, les yeux fix'es au plafond. Enfin Sarah Gordon se d'ecida `a rompre le silence :
— Monsieur, demanda-t-elle d’une voix plus douce, il serait au moins poli de votre part de m’expliquer le but de votre visite.
— Vous avez raison, mademoiselle, et si je redoute d’apprendre `a votre sujet, des choses qui m’imposeraient la n'ecessit'e p'enible de vous arr^eter, je dois vous dire que je viens vous trouver sans parti pris, sans mauvaise volont'e, avec l’unique d'esir de tirer cette histoire au clair, et de rendre justice `a ceux qui y ont droit.
— Monsieur, poursuivit Sarah Gordon, je suis pr^ete `a vous r'epondre, interrogez-moi.
***
L’entretien avait dur'e longtemps et les deux interlocuteurs avaient d^u se dire des choses graves, car, sans une interruption, ils avaient successivement parl'e, veillant `a ne pas 'elever trop la voix pour ^etre certains de n’^etre point entendus.
Le soleil 'etait d'ej`a haut, lorsque par la fen^etre de la chambre de Sarah Gordon, un homme se glissa myst'erieusement, enjamba le balcon et, se laissant glisser le long d’un tuyau de goutti`ere, atteignit le sol. Cet homme se mit ensuite `a marcher rapidement en rasant les murs de l’h^otel.
Quiconque aurait vu ce fugitif descendre de ce balcon l’aurait pris `a coup s^ur pour un amoureux arrach'e par l’aube aux 'etreintes de sa ma^itresse. Que penser en effet lorsqu’un couple passe une nuit enti`ere dans la m^eme chambre ?
Toutefois, si les apparences permettaient de former toutes les suppositions `a ce sujet, la r'ealit'e 'etait tout autre.
L’homme qui venait de s’en aller ainsi de la chambre de Sarah Gordon 'etait le policier Juve qui ne tenait point `a ^etre apercu du personnel de l’h^otel.
L’inspecteur de la S^uret'e semblait fort satisfait de son entretien avec l’Am'ericaine. Il avait respir'e de profondes bouff'ees d’air frais et allum'e une cigarette avec une 'evidente satisfaction.
— Je crois d'ecid'ement, pensait-il, que maintenant Sarah Gordon est hors de cause. Il me reste `a savoir cependant quelle est la personnalit'e exacte de ce Dick, et aussi quelles sont les raisons si myst'erieuses qui l’emp^echent de partir avec celle qu’il aime. Tout cela n’est pas clair et, malgr'e moi, je suis oblig'e de faire un rapprochement entre l’assassinat par Fant^omas de la pauvre petite Rose et ce Dick qui, justement ce soir-l`a, n’est pas venu tenir son r^ole au th'e^atre et a ainsi permis `a ce tortionnaire d’interpr'eter si tragiquement le Bourreau.
Le policier avancait toujours d’un pas rapide et il passait devant une maison d'eserte, lorsque soudain il s’arr^eta brusquement :
Ne venait-on pas de prononcer son nom ? Il 'ecouta, il entendit encore :
— Juve.
Le policier regardait autour de lui, machinalement, ne voyait personne, lorsqu’un bruyant 'eclat de rire fusa au-dessus de sa t^ete.
— Ah par exemple, Fandor !
Au balcon d’une villa, au premier 'etage de cette maison, apparaissait en effet le visage de Fandor.
Le jeune homme avait les traits tir'es, les joues assez p^ales, cependant qu’il souriait, et ses yeux brillaient d’un 'eclat extraordinaire. Voyant Juve, il rit et il r'ep'eta :
— Quelle bonne chance de vous rencontrer, mon cher ami. Donnez-vous donc la peine d’entrer !
Juve ind'ecis demeurait `a l’entr'ee de la grille du jardin.
— Qu’est-ce que cela signifie ? s’'ecria-t-il. Comment se fait-il que je te retrouve ici ? Chez qui es-tu, Fandor ?
— Chez qui je suis ? r'epliqua le journaliste, je n’en sais fichtre rien ou alors je m’en doute trop. Mais, Juve, ne restez donc pas l`a, comme un mendiant sur le seuil de la porte. Entrez, je vous en prie.
Machinalement, le policier fit quelques pas dans le jardinet. Il se heurta `a une porte ferm'ee, il cria :
— Mais tout est verrouill'e, Fandor.
De son balcon, le journaliste lui jeta :
— Diable, je n’y avais pas song'e. Attendez un instant, je vais essayer de vous ouvrir de l’int'erieur. Le temps de descendre l’escalier, ce qui ne sera peut-^etre pas tr`es commode, pourvu que je ne me fiche pas la figure `a terre.
Pendant quelques instants, Juve et Fandor, plac'es de part et d’autre de la porte d’entr'ee, s’efforc`erent de l’ouvrir. Ils y parvinrent enfin. Lorsque Juve p'en'etra dans la maison, il recut pour ainsi dire Fandor dans ses bras. Le jeune homme riait nerveusement, mais il chancela, tituba :
— Qu’as-tu donc ? fit Juve qui s’efforcait vainement de le faire se tenir debout.
— Il y a, fit Fandor, que je suis abruti, 'etourdi, tr`es 'etourdi. Je viens de me r'eveiller, il y a une heure environ, glac'e, transi de froid et je ne peux pas encore arriver `a reprendre bien nettement mes esprits. Je me demande m^eme comment il se fait que je sois vivant.
— Vivant ? s’'ecria Juve. As-tu donc couru quelque danger ?
— Je crois.
Juve, cependant, consid'erait curieusement l’immeuble dans lequel il se trouvait et le rez-de-chauss'ee de cette maison qu’occupait si bizarrement Fandor. Il y avait l`a quelques meubles, sans importance, et v'eritablement insuffisants pour permettre `a quelqu’un d’habiter cette demeure.
Cependant, les deux hommes s’'etaient install'es sur une banquette, et Fandor qui, peu `a peu retrouvait son 'equilibre physique et moral racontait `a Juve la facon soudaine dont il s’'etait endormi.
— Qu’en concluez-vous ? demandait-il enfin.
`A sa grande surprise, Juve lui r'epondit :
— Avant de conclure, je me demande, Fandor, si tu ne r^eves pas encore et si tout cela t’est r'eellement arriv'e ?
— Eh bien, vous en avez de bonnes, fit le journaliste, tr`es vex'e des doutes que formulait le policier. Voulez-vous, `a votre tour, m’expliquer pourquoi vous ne me croyez pas ?