L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
Шрифт:
Sarah d'eclara :
— Voici mes derni`eres paroles : c’est `a prendre ou `a laisser.
Le silence se prolongea encore quelques instants. La voix nette et cassante de Sarah retentit encore :
— Partons de suite, ou quittons-nous pour toujours.
— Gr^ace ! supplia Dick.
Mais Sarah comprit que l’acteur ne voulait pas lui ob'eir. Pour dissimuler son 'emotion, elle tourna brusquement les talons et disparut dans la pi`ece voisine :
— Adieu !
Puis, d’un double tour, elle ferma la porte.
Dick, plong'e dans la stupeur la plus profonde, demeura au milieu de la pi`ece, lorsqu’il se retourna brusquement, ayant entendu marcher.
— Qu’est-ce que c’est ? interrogea-t-il.
Un domestique 'etait l`a. Le nouveau ma^itre d’h^otel engag'e le matin m^eme pour le service particulier de Sarah.
— J’avais cru que monsieur avait sonn'e, j’avais compris que monsieur avait fini de s’entretenir avec mademoiselle et je lui apportais son pardessus.
Machinalement l’acteur prit son v^etement :
— Ce dr^ole, pensa-t-il, nous a entendus.
Mais il d'edaignait de questionner ce serviteur et s’en alla sans m^eme lui jeter un coup d’oeil.
Dick 'etait bien trop 'emu, en effet, pour pr^eter la moindre attention au personnel du Lac-Palace et, sans doute, c’'etait un tort, car s’il avait regard'e avec attention le serviteur qui venait de lui tendre son pardessus, peut-^etre aurait-il remarqu'e que le regard de cet homme avait quelque chose de farouche, d’'etrange et de myst'erieux, quelque chose aussi qui rappelait extraordinairement le regard du tragique com'edien qui la veille au soir, avait audacieusement assassin'e l’infortun'ee Rose Coutureau.
Dick 'etait, en effet, `a cent lieues de soupconner que l’homme qui venait de l’inviter d'elicatement `a partir n’'etait autre que Fant^omas.
Le sinistre bandit, d'ecid'ement, le Ma^itre de l’Effroi, le g'enie du crime, l’homme aux cent visages, se trouvait sans cesse partout o`u il avait besoin d’^etre, et chaque fois qu’on ne l’attendait pas. `A peine Fant^omas avait-il vu s’'eloigner l’acteur que son visage, adroitement maquill'e, prit une expression de hideuse satisfaction. Le sinistre bandit, furetant dans le salon comme pour se donner une contenance, allait jusqu’`a la porte de la pi`ece dans laquelle s’'etait enferm'ee Sarah. Il 'ecouta :
— Elle pleure, murmura-t-il, elle sanglote, c’est donc qu’elle l’aime. C’est donc qu’elle doit p'erir.
Et il essaya de tourner le bouton de la porte. Mais un cri de d'epit s’esquissait sur ses l`evres :
— Mal'ediction, elle est enferm'ee `a double tour, et comme je ne veux point de scandale, il va falloir attendre.
Une lueur f'eroce illuminait ses yeux, cependant qu’il poursuivait `a mi-voix :
— Elle n’y perdra rien pour cela.
Dick 'etait sorti pr'ecipitamment de l’h^otel. Il ne remarqua point un mendiant qui lui tendait la main. Le jeune acteur 'etait trop pr'eoccup'e de son propre chagrin, de ses douleurs personnelles, pour s’'emouvoir de la souffrance des autres.
Le mendiant paraissait bien digne de piti'e, pourtant. Il 'etait tout courb'e sur une canne qui paraissait indispensable pour le soutenir, car il boitait effroyablement. La jambe gauche, repli'ee, 'etait support'ee par une b'equille. Quelque pauvre h`ere, sans doute, victime d’un accident et condamn'e depuis lors `a l’inaction, `a la mendicit'e.
Cet impotent, toutefois, semblait bien impatient, car sit^ot Dick sorti de l’h^otel, il n’attendit pas le passage d’un autre client moins distrait et plus g'en'ereux et d'eguerpit aussi vite que le lui permettait son infirmit'e, laquelle, d’ailleurs, semblait le g^ener de moins en moins au fur et `a mesure qu’il s’'ecartait de la facade de l’h^otel.
Soudain l’homme murmura ces 'etranges paroles :
— Maintenant que je sais qu’ils 'etaient l`a tous les trois. Il ne me reste plus qu’`a tirer l’affaire au clair et `a d'eterminer ceux auxquels il importe de mettre la main au collet.
L’infirme, soudain, venait de rencontrer un cuisinier de l’h^otel qu’il aborda famili`erement. Ce cuisinier, d’ailleurs, l’interrogeait en ces termes :
— Eh bien, patron, mes renseignements 'etaient-ils bons ?
Le mendiant infirme r'epondit :
— Excellents, mon cher Michel. Nous allons certainement aboutir `a quelque chose, et avant ce soir.
L’homme qui venait de s’exprimer ainsi, qui s’'etait adress'e `a Michel, inspecteur de la S^uret'e d'eguis'e en garcon de cuisine, n’'etait autre que Juve, le c'el`ebre et subtil policier. Par suite de quelles circonstances Juve se trouvait-il donc l`a ?
Deux heures auparavant, le policier 'etait `a la gare du Nord et se disposait `a prendre le train pour Enghien. Fandor 'etait venu l’accompagner. Juve avait dit au journaliste :
— Voil`a pas mal de temps d'ej`a que je suis sur la piste de cette charmante Am'ericaine, qui me fait l’effet d’^etre tr`es myst'erieuse et d’avoir dans ses relations des gens qui, de pr`es ou de loin, doivent ^etre affili'es `a la bande de Fant^omas. Elle 'etait indirectement m^el'ee `a l’affaire des billets de banque vol'es. Je l’ai retrouv'ee dans le Cercle de la rue Fortuny. Elle a disparu soudain de Paris pour aller s’installer `a Enghien, elle est intime avec l’acteur Dick, lequel acteur, pr'ecis'ement, a 'et'e remplac'e hier soir dans son r^ole au Th'e^atre Ornano par un effroyable assassin qui n’est autre, j’en suis s^ur, que Fant^omas. Qu’est-ce que tout cela signifie ? Il faut que je le sache. C’est pourquoi je me rends `a Enghien o`u je sais, par mes rapports, que l’acteur Dick doit venir voir son amie Sarah. Viens-tu avec moi, Fandor ? tu pourrais m’^etre de quelque utilit'e…
Le journaliste, toutefois, avait rougi imperceptiblement, il avait d'eclin'e l’offre de Juve.
— 'Ecoutez, mon bon ami, fit-il, si vous n’avez pas un besoin pressant de moi, aujourd’hui, laissez-moi donc. J’attends quelqu’un que je ne voudrais pas manquer, sauf dans un cas extraordinaire.
Juve aux paroles de Fandor avait souri :
— Parbleu, je le savais bien. Ah jeunesse ! Quand l’amour vous tient ! C’est ton H'el`ene que tu attends, canaille ! Eh bien soit, reste avec elle, passe une bonne journ'ee, dites-vous vos projets, 'echangez des propos tendres, et demain, ne manque pas de venir chez moi, nous aurons `a causer.