La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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— Votre amant, c’est Fant^omas. Oui, c’est l’abominable Fant^omas. Quittez-le. Je vous aime. Vous referez votre vie. S'eparez-vous de ce mis'erable !
`A ces paroles ardentes, Mme Borel, lady Beltham, plut^ot, n’avait d’abord rien r'epondu. Elle savait bien, elle, la grande dame, que M. Borel n’'etait autre que Fant^omas, elle savait bien aussi qu’Anselme Roche 'etait 'epris, profond'ement 'epris d’elle. 'Etait-ce suffisant pour qu’elle p^ut trahir l’amant qu’elle aimait toujours ?
Lady Beltham eut donc pour le magistrat des paroles vagues. Elle ne dit ni oui ni non, elle ne refusa ni n’accepta les offres que multipliait le magistrat. Et puis, la nuit 'etait venue, une saute de vent avait boulevers'e l’Oc'ean tranquille jusqu’alors, le canot qui avait amen'e Anselme Roche se brisa contre l’'ecueil et, par la nuit de temp^ete, lady Beltham et son compagnon ne purent plus 'echanger un mot, occup'es seulement `a rallumer le feu, tant les rafales de vent soufflaient, `a manoeuvrer la sir`ene, `a sauver les navires qui passaient au large.
Comme la temp^ete redoublait vers la fin du jour, lady Beltham songeait `a Fandor qui, depuis la veille, n’avait recu d’elle aucune provision.
C’'etait alors que le journaliste la menaca de faire sauter le phare, et quand elle remonta de la cave o`u Fandor 'etait prisonnier, Anselme Roche, demeur'e dans la lanterne, lui hurla le lugubre avertissement :
— Le feu est 'eteint. Il y a un navire en perdition. Que faire ?
Lady Beltham, une seconde, s’affola. Son parti, toutefois fut vite pris.
Elle savait qu’en cas de danger, en cas d’avarie survenant au feu, un m'ecanisme 'etait pr'evu qui permettait d’actionner une puissante sir`ene remplacant l’'eclat de la lanterne. Mais cette sir`ene 'etait lourde `a mettre en action. Jamais ni elle ni Anselme Roche n’arriveraient `a la faire mouvoir. Lady Beltham n’h'esita pas. Elle revint trouver Fandor. Elle ouvrit la trappe :
— Vous nous ferez sauter demain, lui dit-elle, si vous le voulez, mais venez, vous ^etes courageux, j’ai confiance en vous, il faut que vous m’aidiez, il s’agit de sauver un navire.
Suivant la grande dame qui lui expliquait la manoeuvre, J'er^ome Fandor se pr'ecipita dans l’escalier en colimacon qui grimpait vers la lanterne du phare :
— Vite, vite, criait lady Beltham, le passage est si mauvais qu’en un instant un navire peut s’y engloutir. Lady Beltham et Fandor, quelques minutes plus tard, haletants, hors d’haleine, atteignaient la lanterne. Or, comme ils y parvenaient, `a travers les vitres de la chambre d'e garde, ils apercurent Anselme Roche qui, debout sur l’'etroit balcon entourant le phare, agitait 'eperdument une cloche en d'epit des embruns qui lui sautaient au visage, des rafales de pluie qui l’aveuglaient.
Mais lady Beltham et Fandor n’eurent qu’une seconde `a peine le temps d’apercevoir le courageux magistrat.
Sans qu’ils pussent se rendre compte de ce qui se passait, ils virent Anselme Roche soudain arrach'e au balcon par quelque chose qui heurta le phare `a grand fracas.
Le corps du malheureux 'etait entra^in'e dans le vide.
Un paquet de mer un instant, dissimula l’horizon. L’endroit o`u s’'etait trouv'e Anselme Roche quelques secondes auparavant, 'etait vide, brusquement.
Le vent, la temp^ete, autre chose peut-^etre l’avaient emport'e, arrach'e, lanc'e `a la mer.
27 – QUATRE CRIS DANS LA TOURMENTE
Que s’'etait-il donc pass'e ?
Une heure environ avant que Fandor et lady Beltham eussent vu le procureur Anselme Roche si extraordinairement enlev'e du haut de la galerie du phare, par une sorte de perche qui avait sembl'e surgir du sein des flots, Juve, qui depuis le d'ebut de la soir'ee 'etait sur les traces de Fant^omas, avait fini par rejoindre le bandit au moment o`u celui-ci arrivait au Port-Vieux `a Biarritz.
Fant^omas un instant, semblait-il `a Juve, avait eu l’id'ee de p'en'etrer dans l’auberge de Jos'e Farina. Il 'etait vraisemblablement trop tard, les volets, les fameux volets du cabaret 'etaient herm'etiquement clos et le bandit, qui certainement se sentait poursuivi, avait d^u se rendre compte qu’il n’aurait pas le temps de se faire ouvrir avant d’^etre rejoint.
Fant^omas prenant une d'ecision rapide, se perdit alors dans une ruelle 'etroite et sombre qui faisait l’angle de la maison de Jos'e Farina. Cette ruelle conduisait au port. Fant^omas la suivit en courant, il n’avait pas le droit de s’attarder, derri`ere lui, en effet, il entendit le bruit des pas pr'ecipit'es de Juve et l’insaisissable bandit devait redouter d’^etre captur'e enfin.
Fant^omas s’'elanca sur la jet'ee qui menait `a l’entr'ee du port et, d`es lors, `a la lueur vacillante des lampadaires 'electriques, Juve, qui s’en rapprochait de plus en plus, pouvait le voir courant devant lui. C’'etait un spectacle impressionnant que celui de ces deux hommes dont l’un poursuivait l’autre et qui couraient sur cette jet'ee 'etroite, rendue glissante par les vagues qui y d'eferlaient.
La mer 'etait tr`es dure, on entendait au lointain le grondement de l’oc'ean en furie, la plainte brutale du vent auxquels se m^elaient le long cri plaintif des sir`enes actionn'ees par les navires qu’inqui'etaient la temp^ete, au loin.
Lorsque se produisait une accalmie, le vent apportait par bribes les 'echos lointains de l’orchestre de tziganes du Casino aux salons brillamment illumin'es.
Juve songeait, cependant que, frileusement, il refermait son pardessus qu’arrachait la temp^ete :
— Que va faire Fant^omas ? Il n’est point d’issue `a l’extr'emit'e de cette jet'ee et, comme je doute qu’il se jette `a la mer, j’imagine qu’il va se retourner, que nous allons nous livrer, seul `a seul devant l’immensit'e, une lutte d’homme `a homme.