La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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— Dormons, la nuit porte conseil. C’est le cas ou jamais d’en faire l’exp'erience.
Fandor dut dormir longtemps, dormir en toute tranquillit'e, sans avoir le moindre cauchemar, car, lorsqu’il se r'eveilla, il se sentit parfaitement repos'e, frais et dispos.
— Dommage, pensait-il, tout en s’asseyant sur son s'eant et en v'erifiant qu’il lui restait encore quelques cigarettes dans sa poche, dommage que je ne puisse pr'evenir Juve que j’ai d'ecouvert un tel lieu de repos. Je ne doute pas que mon excellent ami, d^ument averti, ne vienne y faire une cure de sant'e.
Tirant une cigarette, J'er^ome Fandor allait l’allumer lorsque, brusquement, il s’abstint de le faire, ayant eu une pens'ee qu’il appelait lui-m^eme, lumineuse.
— Je suis un cr'etin, songeait Fandor, puisque j’ai une allumette et que j’en ai m^eme plusieurs, puisque je poss`ede une bo^ite de tisons, toute neuve, il s’agit d’en tirer parti.
Fandor, sans faire de bruit, grimpa au sommet de l’'echafaudage qu’il avait constitu'e la veille au soir. L`a, il eut la patience de demeurer debout pendant de longues heures, approchant son visage autant qu’il le pouvait de la grille de la trappe :
Que voulait faire Fandor ?
Son plan 'etait simple.
— Puisqu’on m’a donn'e de quoi manger hier soir, supputait le jeune homme, il est probable qu’on m’accordera encore une pitance quelconque aujourd’hui. Je suis dans le noir et je ne peux pas apercevoir mon ge^olier, mais j’ai des allumettes, ce dont il ne se doute pas.
Quand on viendra, je craquerai l’un de mes tisons, je verrai la t^ete de cet individu, ce sera toujours une satisfaction.
Le raisonnement 'etait juste et, apr`es de longues heures d’attente, J'er^ome Fandor eut le plaisir en effet d’entendre quelqu’un s’approcher de la grille.
— Monsieur, commenca la voix qui lui avait d'ej`a parl'e, la voix de femme.
Fandor ne r'epondit pas.
— Monsieur, continuait-on, voici votre d'ejeuner.
— Crac.
Fandor venait d’enflammer une allumette tison. Or, dans l’aur'eole que dessinait la mince petite flamme, J'er^ome Fandor apercut, tr`es distinctement, le visage de la femme qui se penchait sur la grille.
Et c’'etaient deux cris, deux cris de surprise qui jaillissaient dans le phare :
— Lady Beltham !
— J'er^ome Fandor !
Fandor, qui se br^ulait les mains consciencieusement, se h^ata de craquer une autre allumette, mais d'ej`a sa ge^oli`ere avait disparu.
Le journaliste ne pouvait que s’emporter d’une col`ere soudaine :
— Lady Beltham, hurla-t-il, ah, j’aurais d^u m’en douter, c’est lady Beltham qui est ma gardienne. C’est bien cela. Plus de doute, je suis aux mains de Fant^omas. Bougre de bougre, me voil`a frais.
Et il cria plus fort :
— Lady Beltham ? Lady Beltham ? Venez, j’ai `a vous parler.
Fandor cria longtemps. Il allait cesser d’appeler, 'epuis'e, lorsque la ma^itresse de Fant^omas r'eapparut enfin.
La grande dame, blanche comme un linge, tremblante, effar'ee, entra dans la pi`ece situ'ee au-dessus de la prison de Fandor. Elle avait des gestes d’automate, et Fandor ne pouvait s’emp^echer de penser en lui-m^eme :
— Dieu, qu’elle est belle et comme elle para^it malheureuse.
Lady Beltham, en effet, ayant 'et'e reconnue par le journaliste, ne prenait plus la peine de se cacher. Elle tenait une lampe dont la lumi`ere aveuglait Fandor. S’approchant de la grille, elle lui dit d’une voix qui tremblait ;
— Ne m’interrogez pas. Ne me demandez rien, je ne peux pas vous r'epondre, je n’ai qu’`a ob'eir : voici votre d'ejeuner. Adieu, J'er^ome Fandor.
Mais J'er^ome Fandor ne l’entendait pas ainsi :
— Fichtre comme vous y allez, lady Beltham. Ne m’interrogez pas, dites-vous ? Ah si, par exemple, je suis l`a pour ca. Voyons, o`u suis-je ? dans un phare ? qui m’a fait mettre l`a ? Fant^omas ?
On e^ut dit vraiment que lady Beltham 'etait hypnotis'ee par les paroles de Fandor. Elle ne s’'ecartait pas de la trappe, elle restait immobile, elle ne chercha point `a fuir, mais ses l`evres ne se desserr`erent pas.
— Madame, insista Fandor qui s’'enervait, vous pouvez bien me dire si tout cela est exact ? D’autant plus que je ne sais rien moi, que je ne comprends rien `a ce qui se passe. J’allais rejoindre Juve pour m’occuper du meurtre d’une certaine Mme Borel et…
Cette fois les l`evres blanches de lady Beltham s’entrouvraient :
— Mme Borel n’est pas morte, d'eclarait la ma^itresse du bandit, Mme Borel c’est moi.
— Vous ?
Fandor avait prononc'e ce vous avec un tel accent de stup'efaction qu’un p^ale sourire se dessina sur le visage de lady Beltham :
— Oui, r'epondait-elle, c’'etait moi. J’avais pris ce nom pour dispara^itre `a nouveau, me faire oublier. J'er^ome Fandor, je tiens `a vous dire que je suis innocente de tout ce qui est arriv'e et que…
Il y avait une telle angoisse dans les paroles de lady Beltham que le journaliste en fut 'emu. Chose curieuse, alors qu’il 'etait prisonnier et que la ma^itresse de Fant^omas 'etait sa ge^oli`ere, J'er^ome Fandor se sentait sans col`ere envers la grande dame.
Lady Beltham, c’'etait aux yeux du journaliste une victime plus qu’une coupable. Elle aimait Fant^omas. C’'etait son seul crime, et Fandor ne pouvait pas lui en vouloir.
— Bon, bon, interrompit l’ami de Juve, vous ^etes innocente, je le veux bien, mais il y a autre chose, je m’ennuie, moi, o`u je suis. Faites-moi sortir, hein ?
Or, lady Beltham ne r'epondit pas, elle s’'ecarta de la trappe, secouant lentement la t^ete, disparut.
J'er^ome Fandor v'ecut alors de longs jours d’un ennui pesant, d’une perp'etuelle anxi'et'e. Dans l’'etroite cellule o`u il 'etait enferm'e o`u il continuait `a vivre dans une obscurit'e rigoureuse, il sentait que la folie r^odait autour de lui. `A intervalles r'eguliers, Lady Beltham apparaissait pr`es de la trappe, et lui passait, `a travers les barreaux, des provisions. Elle ne r'epondait jamais `a ses questions, elle se contentait de r'ep'eter :