La gu?pe rouge (Красная оса)
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Non. H'el`ene avait beau invoquer la voix du sang, elle ne pouvait arriver `a 'eprouver le moindre sentiment d’affection naturelle, pour cet homme qu’elle 'epargnait par devoir, uniquement.
Et Fant^omas cependant, ce soir-l`a, faisait piti'e. Lorsque le bandit ne songeait pas `a sa propre s'ecurit'e ou `a sa vengeance, il faisait un retour sur lui-m^eme et, d'es lors, son coeur saignait `a la pens'ee de la mort de celle qu’il avait tant aim'ee, de lady Beltham.
H'el`ene, apr`es un long silence, se rapprocha de lui ; il y avait des ann'ees que les mains de la jeune fille n’avaient touch'e celles de son p`ere, que ses l`evres n’avaient effleur'e son front.
Elle ne voulut pas faire ce geste de douceur, mais elle interrogea d’une voix moins rude qu’`a l’ordinaire :
— Vous souffrez ?
Fant^omas hocha la t^ete.
— Je souffre, dit-il, de ne pas savoir, de ne rien pouvoir faire.
— De quoi s’agit-il donc encore ?
— De quoi il s’agit ? r'ep'eta-t-il en la fixant de son regard percant, il s’agit d’Elle, de lady Beltham.
— Vous savez bien, fit-elle, que lady Beltham est morte.
Fant^omas ne r'epondit point tout de suite. Il regarda longuement sa fille, puis, apr`es un l'eger hochement de t^ete :
— Je ne sais pas.
Mais H'el`ene r'ep'eta d’un ton cat'egorique :
— Lady Beltham est morte.
— 'Ecoute, il faut que je te dise…
Le bandit raconta la visite qu’il 'etait all'e faire quelques jours auparavant `a la maison myst'erieuse de Ville-d’Avray, il avoua `a sa fille qu’`a peine 'etait-il arriv'e dans le jardin, de l’int'erieur de la maison avait surgi une vision affolante, un v'eritable spectre.
— C’est une hallucination.
— Les coups de revolver, dit-il, que l’on a tir'es sur moi 'etaient pourtant r'eels, et je me demande d’o`u cela peut provenir. Qui donc pouvait m’en vouloir de la sorte ?
Brusquement, Fant^omas prit les mains de sa fille qui tressaillit :
— H'el`ene, interrogea-t-il, on te soupconne dans divers milieux d’^etre la femme myst'erieuse qui se dissimule parfois dans la maison de Ville-d’Avray. Sois franche. Dis-le-moi. Est-ce toi ?
— Non, ce n’est pas moi.
Une lueur d’espoir traversa le regard de Fant^omas :
— J’aime mieux cela. N'eanmoins il faut percer `a jour ce myst`ere ; je veux savoir et je saurai ce qui se passe dans cette maison de Ville-d’Avray.
— Mon p`ere, fit-elle, ignorez-vous donc que la police tout enti`ere a l’attention attir'ee sur cette maison myst'erieuse o`u il se passe des choses ?
— Peu importe, cria Fant^omas dont la r'esolution semblait d'esormais d'efinitive, j’irai l`a-bas, pas plus tard que ce soir, et je saurai.
Puis, comme s’il se parlait `a lui-m^eme, il ajouta :
— Je crois `a quelque chose d’insens'e, d’invraisemblable, je crois que lady Beltham habite cette maison. Je vais m’y rendre en me dissimulant. Je ne me montrerai pas tout d’abord.
— Pourquoi ?
— Ceci est mon secret.
En r'ealit'e, Fant^omas, qui parlait `a sa fille, plaidait un peu le faux pour savoir le vrai.
Sans doute, l’extraordinaire vision qu’il avait eue auparavant lui permettait de croire, d’esp'erer que peut-^etre lady Beltham 'etait vivante, encore que cela lui par^ut invraisemblable, et que peut-^etre elle habitait cette demeure. Mais si c’'etait la v'erit'e, pourquoi lady Beltham avait-elle tir'e sur lui ? Devait-il consid'erer d'esormais sa ma^itresse ador'ee, celle qui avait commis les plus 'epouvantables crimes pour lui, comme une adversaire redoutable ? Un seul pouvait – pensait le bandit – le renseigner sur ce point, c’'etait celui qui s’'etait accus'e d’avoir fait mourir la grande dame, c’'etait le vengeur qui se dissimulait sous le nom de Dick, c’'etait le fils de l’acteur Valgrand.
Or, ce soir-l`a, si Fant^omas 'etait si 'enerv'e, si 'emu, c’est qu’il avait rendez-vous avec Dick. Le jeune homme devait venir le trouver, ayant, para^it-il, des choses importantes `a lui dire.
`A ce moment, la sonnerie du t'el'ephone int'erieur retentit. Fant^omas bondit `a l’appareil, son visage s’'eclaira : on venait de lui annoncer l’arriv'ee de Dick. Il se tourna vers sa fille.
— Laisse-moi, dit-il, et dans une heure je partirai pour Ville-d’Avray.
H'el`ene avait r'efl'echi ; elle aussi avait un myst'erieux besoin de savoir et de se rendre compte :
— Dans une heure, je partirai 'egalement pour Ville-d’Avray.
— Je te remercie, H'el`ene, de bien vouloir m’accompagner. C’est la premi`ere fois que je vois ma fille aussi douce `a mon 'egard… J’aurai une automobile, `a minuit, qui nous attendra `a l’entr'ee de la porte de l’h^otel.
— J’irai seule, d'eclara-t-elle, et de mon c^ot'e.
H'el`ene quittait la pi`ece. Fant^omas lui demanda auparavant :
— O`u vas-tu donc, maintenant ?
— Ai-je des comptes `a vous rendre, fit-elle, et ne suis-je pas libre, libre absolument ?
Fant^omas baissa la t^ete et ne r'epondit point.
Une seule personne au monde pouvait enfreindre sa volont'e sans s’attirer la col`ere et les repr'esailles du monstre : H'el`ene, sa fille.
***
Le visage de Fant^omas 'etait d'esormais transform'e. Ses traits avaient repris leur impassibilit'e, car Fant^omas 'etait en face de Dick.
Sur le visage de ce dernier se lisait 'egalement une sombre r'esolution.
— Que voulez-vous ? demanda Fant^omas.
— La paix.
Et Dick demeura les bras crois'es devant son interlocuteur :
— Il faut en finir, d'eclara-t-il.
Un sourire cruel erra sur les l`evres de Fant^omas :
— C’est mon avis, dit-il, et qu’entendez-vous par l`a ? Quelle est la conclusion que vous me proposez ?
— Fant^omas, je renonce `a la lutte, vous ^etes trop fort, et je suis trop amoureux. Et puis je n’ai pas une ^ame de bandit, et je souffre de savoir Sarah perp'etuellement expos'ee. Vous voyez que je suis venu vers vous sans arme et que, s’il vous plaisait d'esormais de me faire mourir, vous pourriez le faire.