La gu?pe rouge (Красная оса)
Шрифт:
Des jours d’horreur avaient suivi.
Veill'ee par Juve, enferm'ee dans sa chambre, que le policier avait en quelque sorte blind'ee, lady Beltham, se croyant menac'ee par Fant^omas, avait connu l’angoisse d’attendre la date fix'ee pour son tr'epas.
Cette date 'etait arriv'ee.
Juve, stupide d’effroi, avait d'ecouvert le lendemain matin, la jolie femme 'etendue froide, inanim'ee, glac'ee, dans son grand lit.
Comme un fou, le policier avait couru jusqu’au Laboratoire municipal. Un m'edecin avait confirm'e la mort de lady Beltham. Juve avait trouv'e et prouv'e qu’elle avait 'et'e empoisonn'ee par les 'emanations d’une conduite de gaz, rompue dans le sol, sous le plancher de son appartement situ'e au rez-de-chauss'ee d’un bel immeuble, avenue Niel, `a Paris. Et l’in'evitable, l’effroyable, s’'etait alors accompli. Lady Beltham 'etait morte.
Cette morte, on l’avait mise en bi`ere, on avait clos sur elle la planche qui ferme le cercueil des humains. On avait transport'e son corps au cimeti`ere, on l’avait enfouie dans un caveau, ainsi qu’elle le demandait dans son testament.
Lady Beltham 'etait morte ?
Non.
La destin'ee de cette femme 'etait vraiment une destin'ee d’horreur. Elle qui 'etait riche et jolie, elle qui rencontrait partout o`u elle se pr'esentait les succ`es les plus enthousiastes, les hommages les plus flatteurs, les adulations les plus folles, devait se r'eveiller dans l’'epouvante d’une tombe.
Lady Beltham n’'etait pas morte.
L’asphyxie l’avait tout simplement plong'ee dans la l'ethargie, et le froid, l’humidit'e suintant du s'epulcre, son horreur, la ranimaient petit `a petit.
Lady Beltham, alors, avait ouvert les yeux. En vain. Elle ne voyait rien. Elle voulut bouger, et ne put faire un mouvement. Elle se sentait emprisonn'ee, enserr'ee dans une 'etreinte qu’il lui 'etait d’abord impossible de d'efinir. L’air manquait `a sa poitrine haletante. Une odeur de camphre lui ent^etait l’esprit. Sous elle, du sable crut-elle, du son plut^ot, lui meurtrissait les reins. O`u 'etait-elle ?
Lady Beltham qui, en s’'eveillant, n’avait point compris, devait bient^ot se rendre compte de l’effroyable r'ealit'e des choses.
Elle 'etait dans son cercueil, elle 'etait morte, et morte assassin'ee par son amant, assassin'ee par Fant^omas.
Enterr'ee vive, conservant toute sa lucidit'e, elle go^utait v'eritablement `a la mort, elle mourait lentement, minute par minute.
Pourtant c’'etait une pens'ee qui la rongeait, qui la rongeait vive, qui la faisait crier de douleur :
— C’est Fant^omas qui m’a tu'ee ! C’est l’homme que j’aimais, qui m’a assassin'ee !
Ah certes, elle l’avait aim'e Fant^omas, elle l’avait aim'e au-del`a de tout, plus que le devoir, plus que l’honneur !
Pour lui, la grande dame s’'etait abaiss'ee jusqu’aux plus inf^ames complicit'es, pour lui, elle s’'etait roul'ee jusqu’au crime, pour lui, ses mains s’'etaient teintes de sang, c’'etait elle, en somme, qui avait d'eclench'e le couteau du bourreau sur la t^ete de l’innocent Valgrand.
Lady Beltham, clou'ee dans sa bi`ere, enferm'ee dans sa tombe, murmurait :
— Fant^omas, ah que je te hais.
Mais que pouvait bien sa haine, h'elas ?
Elle 'etait plus morte qu’une morte, elle se savait au tombeau. La haine, cependant, accomplit des miracles. Elle a des flammes qui torturent, elle a des morsures qui raniment les 'energies les plus d'efaillantes. Lady Beltham affol'ee, incapable de vouloir quoi que ce soit, se tordit dans sa bi`ere, prise d’une v'eritable crise nerveuse.
Effroyable 'etait sa situation. L’air contenu en son cercueil se rar'efiait, elle allait ^etre asphyxi'ee. Cette fois, v'eritablement, elle allait p'erir.
Et soudain, comme bris'ee des convulsions qui venaient de la secouer, elle demeurait pantelante, sa pens'ee, machinalement, instinctivement, lui souffla :
— Il y a de l’air encore puisqu’il est possible que tu respires. Il y a de l’air.
Elle imagina alors que la bi`ere 'etait mal clou'ee. C’'etait fou de penser `a se sauver, et pourtant lady Beltham esp'era.
— Il faut que je vive, murmura-t-elle, il faut que je vive pour me venger.
Dans son cercueil, elle m'edita, horrible chose, le moyen de sortir du s'epulcre. Mais sort-on d’un s'epulcre ? M^eme, si elle voulait briser sa bi`ere, ne se trouverait-elle pas au fond de son caveau, d’un caveau que murait inexorablement le poids formidable de la pierre tombale ?
Vanit'e des vanit'es, Lady Beltham songea que jadis, elle avait elle-m^eme pris soin de faire 'edifier au cimeti`ere la pierre de gr`es qui devait assurer le repos de ses cendres, et qui maintenant la condamnait `a mort. Et sa pens'ee, `a ce moment, 'etait un tourbillon.
Alors qu’elle d'esesp'erait, elle esp'erait. Au moment o`u elle comprenait qu’on ne sort pas du s'epulcre, elle voulait en sortir.
Une crispation encore, effroyable, tordit ses membres ; dans la bi`ere o`u elle 'etouffait, son corps s’arqua, se d'etendit. Elle se retourna sur elle-m^eme, elle eut le visage enfoui dans le son que l’on avait mis au fond de son cercueil pour absorber la pestilence de ses chairs d'ecompos'ees.
Sur ses genoux, sur ses bras, elle voulut se soulever, elle 'etait mourante, puis, soudain, une force extr^eme semblait ^etre `a sa disposition, le couvercle de la bi`ere craqua, une vis l^acha, une autre c'eda encore, ce fut une chose brusque, impr'evue, qu’elle ne comprit m^eme pas, dans l’'etat d’affolement o`u elle 'etait r'eduite.
Elle venait de d'efoncer sa bi`ere.
La bi`ere s’ouvrait.
Quelques secondes, lady Beltham demeura encore immobile au fond de son cercueil.
Puis, elle se jeta hors de la bo^ite sinistre. Elle roula sur le sol et, respirant `a pleins poumons, un rire de folle sur les l`evres, les bras 'etendus, elle demeura encore quelques instants, n’osant comprendre qu’elle avait d'ej`a fait ce premier pas vers la vie, qu’elle 'etait sortie de son cercueil.
Lady Beltham, plus folle que raisonnable, bient^ot se redressait. Elle 'etait toujours dans le noir, `a genoux, elle sentait, de ses doigts tremblants, la maconnerie grossi`ere, humide, suintante, du caveau.