La gu?pe rouge (Красная оса)
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Puis il se leva.
— Je vous quitte, fit-il. Il importe que je r'edige au plus t^ot mon rapport sur cette affaire 'etonnante. Je tiens `a ce que vous en preniez connaissance avant que je le fasse parvenir `a la pr'efecture. Si vous ne sortez pas tout de suite, attendez mon secr'etaire qui viendra vous le remettre.
***
Deux heures s’'etaient 'ecoul'ees et Juve et Fandor, joyeux, s’installaient dans la salle `a manger du policier, lorsque le t'el'ephone retentit.
Juve courut `a l’appareil, eut une br`eve conversation.
Lorsqu’il revint trouver Fandor, il avait l’air navr'e.
— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda le journaliste.
— Il y a, grogna Juve, que cet imb'ecile de commissaire a bavard'e, qu’il a t'el'ephon'e `a Me Faramont et c’est ce dernier qui vient de m’appeler pour me f'eliciter d’avoir retrouv'e son tableau et me demande aussi de le lui rendre au plus vite.
— Eh bien, cela se comprend.
Juve allait r'epondre, mais la sonnerie du t'el'ephone tintait `a nouveau. Le policier alla r'epondre en maugr'eant, et lorsqu’il revint, il avait l’air encore plus furieux.
— De mieux en mieux ! grommela-t-il. Ce commissaire est d'ecid'ement une fichue b^ete, il va crier la chose `a tous les coins de Paris, voil`a qu’on l’a apprise `a M. de Keyrolles et que cet excellent homme, qui a assur'e et pay'e le tableau, me t'el'ephone pour me le r'eclamer.
— Dame, c’est assez juste, somme toute. Le tableau lui appartient, puisqu’il en a pay'e la valeur.
— Sans doute, sans doute… Je n’en sais fichtre rien, moi. C’est affaire aux tribunaux de le d'ecider.
Juve s’'etranglait `a moiti'e en buvant.
Apr`es avoir touss'e, crach'e, mouch'e, il dit `a Fandor :
— Cette histoire-l`a, personne ne devait la conna^itre. Gr^ace au bavardage de Paquerett, tout le monde la sait.
— Tout le monde la sait ? s’'ecria Fandor qui, tr`es joyeux malgr'e tout, se versait une rasade.
— Juve, s’'ecria-t-il.
— Quoi, Fandor ?
— Juve, poursuivit le journaliste en 'eclatant de rire, il ne manque plus que Fant^omas, et je ne serais pas 'etonn'e de le voir arriver chez vous pour vous r'eclamer le tableau.
Le policier donna un violent coup de poing sur la table.
— Plaisante si tu veux, Fandor, dit-il, mais j’y pensais pr'ecis'ement, et d’ailleurs, apr`es tout, avec ce gaillard-l`a, nous en avons vu bien d’autres.
23 – LA MORTE
Qui donc cependant, alors que Fant^omas, apr`es avoir quitt'e le bric-`a-brac de la m`ere Toulouche, 'etait `a Ville-d’Avray pour y reprendre le fameux tableau achet'e par la grande dame en automobile, avait os'e tirer sur le Ma^itre de l’Effroi ?
Quelle 'etait tout d’abord cette myst'erieuse femme aux cheveux blancs, `a l’attitude toujours grave, toujours sombre et triste, qui paraissait sous le coup d’un effroyable chagrin, d’une douleur immense et tragique ?
Tandis que, sous les coups de feu tir'es dans la nuit, Fant^omas s’enfuyait du jardin de la villa abandonn'ee, la myst'erieuse dame 'etait debout, sur le perron de son petit h^otel, tremblante, livide, pr^ete `a d'efaillir, et pourtant, semblant pr^ete `a la lutte, fouillant l’ombre de ses regards, pr^etant l’oreille et murmurant tout bas d’une voix charg'ee de haine :
— Je le tuerai. Je le tuerai.
Cette femme extraordinaire demeurait sur ce perron de longues minutes, elle ne paraissait pas avoir conscience du temps, elle paraissait oublier tout ce qui l’entourait, comme prise par la hantise d’une id'ee fixe, comme entra^in'ee par ses propres r'eflexions, comme courb'ee sous la rafale de sentiments.
Et puis, brusquement, elle tressaillit.
Cette femme qui, pendant de longues minutes avait paru incapable d’action, sur le point de s’'evanouir, se redressait. Le masque de son visage devenait `a nouveau volontaire, imp'erieux. `A nouveau, dans ses yeux, la volont'e mettait une col`ere, un 'eclat brutal.
— Est-ce lui encore ? se demandait-elle.
Elle avait une main fine et d'elicate, la main soign'ee d’une grande dame, elle leva son revolver, et rapide, habile, fit sauter les cartouches tir'ees qu’elle remplaca par d’autres cartouches.
— Si c’est lui, murmurait-elle, je le tuerai.
Elle attendit longtemps. Les bruits qui venaient de la faire tressaillir se r'ep'et`erent dans l’ombre, c’'etaient des bruits de pas.
Bient^ot, des chuchotements les accompagn`erent. La femme myst'erieuse descendit alors dans le jardin. Elle se m^ela `a la nuit, et, frissonnante, farouche, l’arme au poing, s’avanca dans les massifs.
Or, elle avait `a peine fait quelques pas, qu’une inexprimable expression de douceur passait sur son visage.
Il semblait que cette femme qui, un instant avant parlait de tuer, e^ut 'et'e soudainement 'emue, attendrie.
— Pauvres enfants, murmurait-elle.
Elle s’'etait arr^et'ee, elle reprit sa marche, h^atant le pas.
— Monsieur Jacques, appelait-elle bient^ot.
`A quelques pas d’elle, un couple passait, enlac'e. Jacques Faramont et Brigitte, qui de nouveau s’'etaient rendus dans le jardin de la villa myst'erieuse pour, en 'echappant `a toute surveillance, tenir des propos d’amour.
Les deux jeunes gens n’avaient m^eme pas entendu le bruit des d'etonations qui venaient de retentir quelques minutes avant, ils allaient, perdus dans un r^eve, et tout ce qui les entourait leur 'etait `a ce point 'etranger, que cet appel m^eme ne les fit pas se retourner tout d’abord.
— Monsieur Jacques, appela encore la myst'erieuse femme aux cheveux blancs.
Cette fois, le fils du b^atonnier tressaillit.
— Qui va l`a ?
Devant lui, la silhouette de la grande dame se dessina soudain.