La gu?pe rouge (Красная оса)
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— Je n’ai pu voir Fant^omas venir prendre le tableau chez la m`ere Toulouche. C’est une femme qui est venue le chercher, c’est une femme aux cheveux blancs, mais tant pis, si Fant^omas n’est pas venu lui-m^eme – ce dont je me doutais un peu d’ailleurs – je suis arriv'e `a un r'esultat : j’ai repris le Rembrandt et c’est d'ej`a quelque chose.
— Vous avez repris le Rembrandt ? Vous devenez fou, Juve ?
— Non, mon petit, regarde.
Fandor 'ecarquilla les yeux et il regarda le chevalet o`u se trouvait le faux P^echeur `a la ligne d’'Erick Sunds.
— C’est la copie, s’'ecria-t-il, mais…
Juve l’interrompit :
— D’accord, j’ai donc la copie. D'esormais, Fandor, reste `a d'ecouvrir le tableau authentique.
— Ma foi, c’est vrai, conclut le journaliste qui, ne sachant pas o`u devait en venir le policier, interrogea :
— Mais comment allez-vous parvenir `a ce r'esultat ?
— Par la logique et la d'eduction, d'eclara Juve. Tu verras que la chose n’est pas tr`es difficile. 'Ecoute-moi bien, petit.
— Le temps d’allumer une cigarette et je suis tout oreille.
— Il est prouv'e, n’est-ce pas, que la grossi`ere copie que l’on a d'ecouverte aux lieu et place du vrai tableau, lors de l’inauguration de l’Exposition de Bagatelle, a 'et'e effectu'ee par ce malheureux 'Erick Sunds, si l^achement assassin'e par Fant^omas. Or, j’imagine qu’il a d^u faire ce travail `a Bagatelle m^eme, dans la nuit qui pr'ec'eda l’inauguration de l’exposition.
— C’est certain, d'eclara Fandor, cela a 'et'e d'emontr'e par les enqu^etes, que c’est bien le v'eritable tableau de Rembrandt qui a 'et'e apport'e la veille au soir par Sunds et le b^atonnier au palais de Bagatelle.
— Oui, pr'ecisa Juve, le vrai tableau a 'et'e mis en place devant t'emoins. On ne peut 'elever le moindre doute `a ce sujet. Mais il y a quelque chose de plus extraordinaire.
— Quoi donc ?
— Ce fait qu’il est d'emontr'e aussi que le v'eritable tableau n’a pas pu sortir de l’exposition.
— C’est impossible, observa Fandor, puisqu’il a 'et'e remplac'e par la copie.
— Je ne dis pas le contraire, continua Juve, je veux simplement affirmer que si le tableau est sorti de Bagatelle – je parle du vrai – il n’en est pas sorti en cachette, mais bien au vu et au su de tout le monde.
— Je ne comprends pas.
— Cela n’a pas d’importance. Le tableau, le vrai, est sorti dis-je, devant tout le monde de l’exposition de Bagatelle, et personne ne s’en est apercu, parce que nul ne savait le fond des choses, sauf deux personnes : l’auteur de la copie, c’est-`a-dire Sunds et l’individu malfaisant qui lui a command'e cette copie, c’est-`a-dire Fant^omas, j’imagine.
— Fant^omas ? Pourquoi ?
— Parce que c’est Fant^omas qui a imagin'e de voler le tableau du b^atonnier, c’est lui qui en a charg'e Sunds, et c’est pour cela qu’il a tu'e ce malheureux, afin de faire dispara^itre un t'emoin g^enant.
— J’admets encore votre th'eorie, mais cela ne nous dit pas ce qu’est devenu le vrai tableau.
— Crois-tu ? s’'ecria Juve en riant. Nous n’aurons pourtant pas besoin de chercher bien longtemps. Le vrai tableau est ici.
Et, d’un geste solennel, Juve montrait la toile qui se trouvait `a c^ot'e d’eux, sur le chevalet.
Fandor, un instant interloqu'e, ne r'epondit rien. Puis, brusquement, il 'eclata de rire :
— Eh bien, Juve, fit-il, je m’attendais `a mieux que cela de votre part. Vous pr'etendez que c’est le vrai tableau qui est l`a ! Moi, sans ^etre connaisseur, je vous affirme que c’est le faux.
Juve hocha la t^ete en souriant :
— Tu as raison, Fandor, et moi je n’ai pas tort, car, en r'ealit'e, les deux tableaux sont l`a.
— O`u ?
— Ne cherche pas midi `a quatorze heures, d'eclarait le policier, je te dis que les deux tableaux sont l`a, devant nous, sur le chevalet. Malheureusement, nous avons l’un et l’autre des yeux si m'ediocrement construits qu’ils ne nous permettent de voir qu’un seul tableau `a la fois.
— Juve, Juve, ou vous vous moquez de moi, ou vous avez jur'e de me rendre fou, ou alors vous ^etes fou, absolument louftingue ! Ce que vous racontez l`a est incompr'ehensible et ca ne tient pas debout.
— Merci, fit Juve d’un air f^ach'e, j’aime `a t’entendre parler de la sorte alors que c’est toi qui d'eraisonne, Fandor, et je m’en vais te le prouver.
Le journaliste ne r'epondit point. Il serra les dents, ferma les l`evres, d'esormais r'esolu `a ne plus prononcer une seule parole jusqu’`a ce que Juve ait fait la lumi`ere dans son esprit.
Le policier, toutefois, semblait se faire un malin plaisir de vouloir taquiner Fandor jusqu’au bout. Il le prit par la main, l’amena aupr`es du tableau et lui fit consid'erer la peinture.
— Tu le vois bien, dit-il, reconnais avec moi que ce P^echeur `a la ligne est une oeuvre grossi`ere, faite h^ativement, `a peine vernie, et qu’en aucun cas, on ne saurait l’attribuer au ma^itre Rembrandt sans insulter gravement `a la m'emoire de cet admirable artiste.
— D’accord, grogna Fandor.
Juve le prenait par la main encore, l’obligeait `a contourner le chevalet et lui faisait observer d'esormais l’envers du tableau.
— Vois-tu cette toile, dit-il, remarque combien elle est noircie, vieillie, us'ee. C’est une toile qui ne date pas d’hier, et remonte assur'ement aux temps les plus lointains, c’est assur'ement la toile authentique sur laquelle l’illustre ma^itre a peint son P^echeur `a la ligne, je veux dire le v'eritable.
— Vous vous foutez de moi, Juve, ca n’est pas possible, o`u voyez-vous ca ?
— Tu es un sot, Fandor, et, `a la mani`ere des ignorants, tu te f^aches et tu deviens grossier, simplement parce que tu ne comprends pas. Regarde donc, aveugle, et comprends, imb'ecile ! Si d’un c^ot'e se trouve la toile authentique, de l’autre, la mauvaise copie, c’est qu’entre cette mauvaise copie et le dos de cette toile authentique se trouve le v'eritable tableau…
— Le v'eritable tableau, hurla Fandor, il serait donc sous la copie ?