La gu?pe rouge (Красная оса)
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— Je prie tr`es respectueusement monsieur le pr'esident de bien vouloir ne pas me nommer comme s'equestre. La charge est honorable, certes, mais p'erilleuse aussi. Monsieur le Juge voudra se rendre compte que j’ai d'ej`a 'et'e assez suffisamment 'eprouv'e par les aventures occasionn'ees par ce tableau. J’ai 'et'e vol'e de cinq cent mille francs, j’ai eu d’incessantes angoisses et, par cons'equent…
Un l'eger signe de t^ete du magistrat fit comprendre `a Me Faramont qu’il 'etait inutile d’insister :
— Me Faramont d'eclinant l’offre d’^etre s'equestre pour des motifs personnels, le repr'esentant de la soci'et'e L’'Epargne voudra bien, je pense, accepter cet office ?
— La Soci'et'e que je repr'esente, d'eclara le jeune avocat appuy'e `a la barre, croit devoir d'ecliner l’offre qui lui est faite, monsieur le Pr'esident. Ce tableau est d’un prix 'elev'e, il a suscit'e d'ej`a de multiples convoitises, sa possession semble p'erilleuse, la soci'et'e L’'Epargne croit avoir fait tout son devoir vis-`a-vis de Me Faramont et refuse de s’associer `a d’autres risques que ceux consentis par l’assurance dont il vous a 'et'e parl'e. Je refuse donc, en cons'equence, monsieur le pr'esident, d’^etre nomm'e s'equestre, `a moins que vous n’en d'ecidiez autrement par autorit'e de justice.
Cette fois, l’embarras du pr'esident si'egeant apparut manifeste. Ni Me Faramont, ni la soci'et'e L’'Epargne ne voulaient accepter le tableau. `A qui pouvait-il le confier ? Il n’est pas d’usage de nommer de force des s'equestres, la chose e^ut 'et'e d’autant plus d'esagr'eable en l’esp`ece que les incidents d'ej`a survenus semblaient bien 'etablir qu’il n’'etait point sans danger de d'etenir le P^echeur `a la ligne.
M. Charles interrogea, consid'erant l’avocat qui, le premier, avait parl'e :
— Ma^itre, puisque vous repr'esentez tous les int'eress'es, voulez-vous me permettre de vous nommer s'equestre ?
— Je remercie monsieur le pr'esident de l’honneur qu’il veut bien me faire en pensant `a moi pour une mission si d'elicate, mais je la d'ecline en raison de mon incomp'etence. Je ne connais rien aux tableaux, et, de la meilleure foi du monde, je risquerais de ne pas ^etre pour celui-ci le bon et sage d'epositaire dont parle le code.
Cette fois, le juge h'esita, avant de reprendre la parole :
— Ma^itre, d'eclara-t-il enfin sur un ton l'eg`erement agac'e, il faudrait ^etre pourtant raisonnable, vous me demandez de nommer un s'equestre, je ne vous le refuse pas en principe, mais je ne peux pas trouver, vous en ^etes t'emoin vous-m^eme, quelqu’un qui veuille accepter cette mission ; d`es lors, que dois-je faire ?
— Monsieur le pr'esident, ripostait l’avocat, qui a les honneurs, doit avoir les charges. Je n’ai point l’avantage envi'e d’^etre `a votre place, mon r^ole n’est point de d'ecider, mais de plaider.
— 'Evidemment.
— Monsieur le pr'esident me permettrait-il de lui sugg'erer un nom ? demanda Me Faramont. Il y a, ce me semble, une personnalit'e toute d'esign'ee pour remplir ce r^ole de s'equestre, personnalit'e en qui j’ai toute confiance, en qui la soci'et'e L’'Epargne a certainement aussi toute confiance, personnalit'e qui a d'ej`a rendu de si grands services en l’esp`ece que…
— De qui parlez-vous ? demanda le juge.
— Du policier Juve. Juve a d'ej`a retrouv'e le tableau, c’est lui qui l’a rapport'e ici, je pense qu’il accepterait ?
— Monsieur Juve, demandait le pr'esident, voulez-vous accepter d’^etre s'equestre ?
— Assur'ement, r'epondit le policier, si cela peut rendre service, je ne vois pas pourquoi je refuserais.
— La mission est dangereuse, r'ep'eta le juge.
— Raison de plus pour qu’elle me plaise.
Juve venait de r'epondre `a voix basse. Des bravos n’en cr'epit`erent pas moins.
— Silence, glapit l’huissier, pas de manifestations ici ou l’on fait 'evacuer la salle.
Tant bien que mal, l’ordre se r'etablit.
— Monsieur Juve, d'eclarait alors le juge des r'ef'er'es, je vais donc, dans quelques instants, vous commettre en qualit'e de s'equestre. Mais dans le placet que j’ai sous les yeux, je vois que vous avez fait citer un t'emoin, le nomm'e Bouzille ; pour quel motif d'esirez-vous que j’entende cet homme ?
— Parce que, monsieur le juge, Bouzille peut donner toute la cl'e du myst`ere ; d’apr`es ce qu’il m’a dit, il sait dans quelles conditions ce tableau a 'et'e truqu'e.
— Vraiment ? Je vais l’entendre.
Derri`ere le magistrat, l’huissier se leva :
— Bouzille, appela-t-il, avancez, Bouzille.
— Dame, je voudrais bien, mais je ne peux pas.
La voix venait du fond de l’auditoire ; il y eut un brouhaha. Bouzille enfin apparut :
— Mon Pr'esident, dit-il avec un sourire aimable, faut pas m’en vouloir d’^etre en retard, c’est rapport `a ce que j’avais enlev'e mes souliers pour les faire s'echer sur le calorif`ere. Alors, comme j’ai beaucoup march'e, mes pieds avaient gonfl'e, et dame…
Derri`ere le chemineau, naturellement, la salle 'eclatait de rire.
— Taisez-vous, Bouzille !
— Je me tais, mon Pr'esident, je me tais.
— Votre nom ?
— Je me tais, mon Pr'esident, je me tais.
— Dites-moi votre nom.
Mais Bouzille, `a ce moment, souriait aux anges et posait un doigt sur sa bouche.
— Chut, fit-il d’un air malin.
Et il apparaissait alors, ou qu’il 'etait compl`etement abruti, ou qu’il se moquait du juge avec une aimable ironie.