La gu?pe rouge (Красная оса)
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— Oui, fit encore Juve.
— Ah mon ami, s’'ecria alors douloureusement Fandor qui g'emissait. Savez-vous ce que je viens d’apprendre ? Ce que je crois avoir devin'e ? C’est que, dans cette maison de Ville-d’Avray nous allons nous trouver en pr'esence d’une femme que dans la p`egre on surnomme la Gu^epe. Cette femme, vous le savez, c’est H'el`ene.
— Le sort en est jet'e et nous ne pouvons pas reculer, car Fant^omas sera cette nuit `a Ville-d’Avray. Alors, ceux qui s’y trouveront…
— Juve, supplia Fandor, vous ne pouvez pas permettre cela. C’est impossible que vous ordonniez une perquisition sachant qu’H'el`ene peut y ^etre compromise.
Le policier regarda Fandor s'ev`erement :
— Le devoir est le devoir, fit-il, et tu sais que je ne transigerai jamais avec ma conscience. Je souhaite vivement qu’H'el`ene ne soit pas `a Ville-d’Avray, cette nuit, mais si elle y est, tant pis, je n’y puis rien. Il faut que justice s’accomplisse. Ferais-tu donc autrement `a ma place ?
Fandor courba la t^ete :
— Je vous accompagnerai, Juve, je serai l`a moi aussi.
26 – LA GU^EPE ROUGE
Ah ! qu’elle effroyable nuit se pr'eparait !
Lady Beltham 'etait haletante. La malheureuse venait de sortir de la cachette am'enag'ee dans les sous-sols de la myst'erieuse maison de Ville-d’Avray.
Depuis quelques jours, la tragique ma^itresse de Fant^omas n’osait plus sortir de cette maison o`u elle avait essay'e d’attirer son amant et d’assouvir sur lui toute sa haine jalouse.
En fait, lady Beltham avait vu Fant^omas appara^itre dans le jardin et, comme elle 'etait arm'ee, rien ne lui aurait 'et'e plus facile alors que de tirer, pour ainsi dire `a bout portant sur lui.
Mais, au dernier moment, elle avait manqu'e de courage, son bras tendu 'etait retomb'e vers le sol et c’'etait alors seulement qu’elle avait appuy'e sur la g^achette.
Deux d'etonations avaient retenti et Fant^omas, aussi stup'efait de les entendre que terrifi'e par la vision qui se dressait soudain devant lui, s’'etait enfui.
Puis, les 'ev'enements s’'etaient pr'ecipit'es. Lady Beltham avait appris, par le r'ecit des journaux, l’extraordinaire aventure du palais de Justice. `A deux ou trois reprises, elle avait voulu sortir. Fuir cette maison de Ville-d’Avray qu’elle sentait devenir de plus en plus suspecte. Mais elle n’avait pas os'e. `A chaque fois, en effet, qu’elle voulait partir, elle avait l’impression qu’on l’'epiait, que, de tout c^ot'e autour d’elle, s’organisait une surveillance active et minutieuse.
Et lady Beltham avait peur de tout et de tous. Elle n’'eprouvait d'esormais plus de sympathie que pour deux personnes au monde : ce gentil couple d’amoureux qui, pendant quelque temps, avaient consid'er'e sa maison comme un asile s^ur pour y abriter leurs caresses et qu’elle avait d^u leur interdire pour leur 'eviter un malheur.
Depuis trois soirs, lady Beltham sortait de sa cachette vers dix heures. D`es lors, comme une ^ame en peine, comme un revenant, elle errait dans la maison et dans le jardin, 'ecoutant sans cesse, tressaillant au moindre bruit.
Or, ce soir-l`a, comme si elle avait 'et'e mue par un pressentiment, lady Beltham se sentait plus nerveuse, plus inqui`ete encore qu’`a l’ordinaire. Elle avait l’impression, la certitude presque, qu’il allait se passer quelque chose de d'efinitif, et de terrible en m^eme temps.
Lady Beltham, pourtant, ne pouvait soupconner la v'erit'e.
Trois groupes de personnages s’acheminaient, en effet, par des voies diff'erentes, vers la myst'erieuse maison de l’avenue des Peupliers.
Il y avait, d’une part, l’automobile de Fant^omas dans laquelle se trouvait avec le bandit l’acteur Dick, la voiture tragique d’o`u s’'etait 'echapp'e, au d'epart de Paris, un cri d’angoisse, un hurlement de douleur, un r^ale.
D’autre part, il y avait le taxi-auto lou'e par H'el`ene et Sarah Gordon, qui venaient l`a comme `a un rendez-vous dont seule H'el`ene connaissait le v'eritable but.
Il y avait enfin, toutes les voitures r'equisitionn'ees par le chef de la S^uret'e, voitures emmenant une vingtaine d’agents arm'es. Au nombre de ces voitures il y en avait une o`u Juve et Fandor se trouvaient.
Lady Beltham qui avait p'eniblement gravi les marches du sous-sol, acc'edant au rez-de-chauss'ee, arrivait dans le hall de la maison. Il y faisait une lumi`ere discr`ete, et, drap'ee de blanc, cependant que ses longs cheveux blancs 'egalement 'etaient 'epars sur ses 'epaules, la grande dame 'ecouta avec une secr`ete angoisse le silence de la nuit.
Oh, cette nuit sombre d’o`u se d'egageait une chaleur moite, une torpeur d’orage ! On n’entendait rien, absolument rien. Pour un peu, lady Beltham aurait percu les battements de son coeur.
Et, tandis qu’elle r'efl'echissait, instinctivement sa pens'ee se reportait `a dix ans en arri`ere :
Dans une maison mis'erable, situ'ee aux environs de la prison de la Sant'e, elle avait v'ecu sensiblement `a la m^eme 'epoque, une nuit d’angoisse, de terreur et d’'emotion semblable `a celle-ci, une nuit que rien au monde ne pouvait effacer.
C’'etait la nuit effroyable qui avait pr'ec'ed'e imm'ediatement l’aube de l’ex'ecution de Fant^omas.
Et lady Beltham 'etait alors haletante dans cette maison, attendant l’arriv'ee de l’acteur Valgrand, qu’elle avait d'ecid'e de substituer `a son amant :
L’effroyable machination avait r'eussi, et lady Beltham en condamnant un innocent, avait sauv'e la t^ete de Fant^omas.
Cela s’'etait pass'e il y avait dix ans, mais lady Beltham en revivait les p'erip'eties comme au premier jour ; alors, elle 'etait jeune et belle, et Fant^omas 'etait follement 'epris d’elle.