Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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Rudement, Juve interrompit le bandit :
— Assez, dit-il, vos insultes ne prouvent rien, Fant^omas. Vous devriez vous souvenir que ceux que vous traitez d’imb'eciles auront quelque jour l’intelligence de signer votre arr^et de mort.
Mais Juve peut-^etre s’avancait trop.
— Oh, fit Fant^omas, ma t^ete n’est pas encore pr`es de tomber dans le panier de Deibler. Quels proc`es nous avons devant nous, Juve. Avant d’arriver au jour b'eni de mon ex'ecution, j’ai encore de rudes parties `a vous livrer, sans doute. Vous n’ignorez pas, j’imagine, qu’il faut plus d’un an peut-^etre pour 'eclairer mon dossier.
Juve interrompit encore :
— Assez, r'ep'eta-t-il avec une fermet'e qui imposait jusqu’`a Fant^omas. Une fois vous arr^et'e, je n’ai plus `a m’occuper de cette affaire. Vous n’appartenez plus qu’`a la vindicte sociale. Vous reconnaissez que vous avez tu'e le magistrat Pradier, pris sa place et qu’enfin…
Fant^omas se laissa tomber dans un fauteuil.
— Je reconnais tout, fit-il tranquillement. Croyez-vous que je vais avoir la mesquinerie de nier quoi que ce soit. Quand je vous ai vu, Juve, au bout de ce couloir o`u j’'etais pris dans un pi`ege sans issue, je me suis senti perdu : perdu pour perdu, je suis de ceux qui se d'efendent par le d'efi. Je reconnais tout, vous dis-je. J’ai tu'e Pradier, je l’ai jet'e dans la chaux, j’ai pris sa place, usurp'e sa qualit'e. Je reconnais m^eme que si vous 'etiez arriv'e cinq minutes plus tard, je partais avec l’argent d'epos'e au greffe sur mon ordre, avec les bijoux d'epos'es au greffe sur mon ordre. Avec cinq cent mille francs que m’apportait Antoinette de Tergall qui me croit son fr`ere, et qui ob'eissait `a mes ordres. Je reconnais tout, Juve, vous dis-je, je suis pr^et `a r'epondre `a toutes vos questions.
Juve, d’un ton sec et dur, interrogeait le bandit :
— Vous aviez des complices ?
— Peut-^etre, mais j’'etais juge d’instruction. Juve, vous arrivez trop tard. Si j’avais des complices, ces complices sont libres.
La voix de Fant^omas claironnait tandis qu’il prononcait ces derni`eres paroles de d'efi. Juve, pour toute r'eponse, se borna `a hausser les 'epaules.
— Je n’arrive pas trop tard puisque j’ai pu vous arr^eter, puisque vous ^etes pris. Soyez tranquille, Fant^omas, quand votre t^ete tombera, et elle tombera bient^ot, plus vite que vous ne le pensez, les bras que vous faisiez agir seront paralys'es.
Juve recula jusqu’`a la porte du cabinet d’instruction.
— Gendarmes, appela-t-il,
Les deux gendarmes se pr'ecipitaient.
— Arr^etez-moi cet individu, poursuivait Juve, le bras tendu vers Fant^omas que les gendarmes consid'eraient avec stup'efaction, car ils ne pouvaient le reconna^itre apr`es son extraordinaire transformation. Passez-lui les menottes, empoignez-le l’un et l’autre, et imm'ediatement faites-le mettre au cachot, au secret. M. le procureur va vous signer l’ordre.
Juve r'ep'eta, d'evisageant une derni`ere fois Fant^omas :
— Vous ^etes pris, vous ^etes pris, Fant^omas.
Fant^omas lui aussi r'ep'eta :
— Je suis pris, oui, mais pas encore condamn'e.
Et tandis que docilement il tendait les mains aux menottes, tandis que de lui-m^eme, comprenant bien que toute lutte 'etait inutile, il se placait entre les deux gendarmes, Fant^omas narguait encore et toujours.
— Nous avons encore au bas mot trois cent soixante-cinq jours, un an, douze mois, Juve, `a nous rencontrer dans les cabinets d’instruction.
Juve n’'ecoutait plus.
— Emmenez-moi cet homme, r'ep'eta-t-il.
Les gendarmes emmen`erent Fant^omas.
Le bandit riait, riait d’un air 'etrange, presque d’un rire de victoire.
31 – LIBRE
Le procureur g'en'eral arpentait son cabinet d’un air tout r'ejoui, il se frottait les mains, un sourire s’'epanouissait sur ses l`evres et son visage exprimait une profonde satisfaction.
— Cette fois, d'eclara-t-il `a quelqu’un qui demeurait assis aussi immobile que lui 'etait agit'e, cette fois, nous le tenons bien, bravo, monsieur Juve, l’arrestation de Fant^omas que vous venez de faire est un v'eritable coup de ma^itre.
— J’ai eu de la chance, voil`a tout, d'eclara le policier.
Les deux hommes 'etaient r'eunis depuis d'ej`a quelques instants dans le cabinet du procureur au Palais de Justice et pourtant il 'etait `a peine huit heures du matin, mais, apr`es les 'ev'enements de la veille, l’un comme l’autre avaient peu dormi, et bien que s’'etant donn'e rendez-vous `a une heure fixe, ils 'etaient arriv'es tous deux avec au moins vingt-cinq minutes d’avance.
Le procureur, incapable de dissimuler sa satisfaction, poursuivit `a haute voix, cependant que Juve l’'ecoutait, silencieux.
— Quelle audace a eu ce monstre. Avoir assassin'e ce pauvre Pradier. Et avoir os'e prendre sa place. C’est inimaginable, cela d'epasse en horreur…
— Fant^omas, interrompit Juve, ne s’est jamais pr'eoccup'e de faire mourir ses victimes doucement.
Le procureur, malgr'e lui, r'eprima un frisson :
— Et dire, fit-il, que pendant trois semaines nous avons v'ecu, mes coll`egues et moi, dans son voisinage, dans son intimit'e, sans soupconner seulement une seconde l’identit'e exacte de celui que nous prenions pour notre infortun'e coll`egue, savez-vous, monsieur Juve, que nous aurions fort bien pu ^etre assassin'es par lui ?
— En effet, monsieur le procureur, en effet.
— Enfin, soupira le haut magistrat dont la satisfaction 'etait 'evidente, enfin l’essentiel c’est qu’il soit arr^et'e.
Le procureur, brusquement, courut `a un coffre-fort qui se trouvait au fond de son cabinet. Il l’ouvrit avec une impatience f'ebrile, consid'era son contenu :
— Heureusement, murmura-t-il, que nous avons pu sauvegarder cet argent, ces bijoux, et qu’avant d’^etre pris Fant^omas n’a pas eu le temps de les faire passer `a l’un quelconque de ses complices, car vous savez, monsieur Juve qu’il s’agit d’une v'eritable fortune, un million au bas mot.
— Je sais, monsieur le procureur, je sais.
Le magistrat se rapprocha du policier, car celui-ci interrogeait `a son tour d’une voix qu’il assourdissait autant que possible :
— On ignore, n’est-ce pas, monsieur le procureur g'en'eral, ce qui s’est pass'e hier et la substitution que j’ai faite de ma personnalit'e contre celle de Fant^omas, et enfin l’arrestation du faux juge d’instruction ?
— On l’ignore en effet monsieur Juve, mais la v'erit'e ne tardera pas `a ^etre connue. Toutefois, reprit le procureur en se grattant le nez, je me demande ce que nous allons faire. La situation est d'elicate. 'Evidemment, il faut t'el'egraphier `a Paris, pr'evenir la S^uret'e en m^eme temps que l’on fera conna^itre l’assassinat du v'eritable Pradier. Et puis, il y a l’instruction : le ministre de la Justice va 'evidemment d'esigner un nouveau juge, tout cela est fort compliqu'e.