Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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— Que racontez-vous l`a ? interrogea Fant^omas blafard. Cette consigne que j’ignore ne concerne pas les magistrats.
— Mais si, monsieur, et je viens de l’apprendre `a l’instant de l’adjudant de gendarmerie. Personne ne sort, pas m^eme le pr'esident du tribunal.
— Pas m^eme le juge d’instruction ? haleta le faux Pradier.
— Pas m^eme le juge d’instruction, r'epondit le commis-greffier.
Fant^omas demeurait immobile, les poings serr'es, la gorge s`eche.
— Qui a donn'e cet ordre ? demanda-t-il.
— Je ne sais pas, monsieur, je suppose que c’est M. le procureur g'en'eral.
La sonnerie du t'el'ephone int'erieur qui reliait entre eux les cabinets et les bureaux des divers magistrats retentit soudain, imp'erative.
Croupan se pr'ecipita au r'ecepteur cependant que Fant^omas, qui allait et venait dans la pi`ece comme une b^ete traqu'ee au fond de son antre, s’arr^eta machinalement, l’oreille tendue.
— All^o, all^o, d^it le commis-greffier, qui, apr`es quelques minutes prit un ton respectueux pour r'epondre :
— C’est une affaire entendue, oui, monsieur le procureur g'en'eral. Parfaitement, monsieur le procureur g'en'eral. Je m’en vais lui faire la commission, comptez sur moi, monsieur le procureur g'en'eral.
Fant^omas interrogea :
— Le procureur me demande ?
— C’est-`a-dire, r'epliqua le greffier en raccrochant le r'ecepteur, que M. le procureur a dit que vous l’attendiez dans votre cabinet. Il arrive dans un instant.
Fant^omas 'etait devenu horriblement pale. Qu’allait-il faire ?
Assur'ement Juve avait parl'e, c’est `a peine s’il lui restait quelques secondes pour 'edifier un plan pour se d'efendre.
On frappa.
— Croupan, fit-il, allez ouvrir.
Le bandit, machinalement, fouillait la poche de son veston, caressant la crosse de son revolver.
— Apr`es tout, se dit-il, il me restera toujours la possibilit'e…
La personne qui avait frapp'e, c’'etait le gardien de la prison.
— Monsieur le juge, dit-il en ^otant sa casquette, me voici.
— Que vous faut-il ? interrogea Fant^omas qui, jusqu’au dernier moment, ne voulait point d'efaillir, ne rien laisser para^itre de ses angoisses.
Le gardien poursuivait avec le calme d’un homme qui ignore les 'ev'enements et ne se doute point qu’il 'evolue au milieu des drames les plus formidables.
— Je venais, reprit-il, prendre avec vous, monsieur le juge, les dispositions relatives `a l’incarc'eration de Fant^omas. Hier soir, M. le procureur m’a fait dire qu’on allait exercer `a l’'egard de ce prisonnier une surveillance toute sp'eciale et que c’'etait `a vous qu’il appartenait d’en r'egler les d'etails.
Et Fant^omas, malgr'e son trouble, ne put s’emp^echer de sourire `a l’ironie des choses. Ainsi c’'etait `a lui que l’on venait demander des instructions pour mettre sous bonne garde l’insaisissable Fant^omas.
Soudain, son visage s’illumina :
— Asseyez-vous, fit-il au gardien chef de la prison, 'ecoutez.
Puis, comme Croupan demeurait au milieu de la pi`ece, Fant^omas, qui sans doute d'esirait ^etre seul, ordonna au commis-greffier :
— Vous, allez dans le couloir guetter M. le procureur g'en'eral, et sit^ot que vous l’apercevrez se dirigeant vers mon cabinet, vous viendrez me le dire.
Et, se tournant vers le gardien chef de la prison, Fant^omas commenca :
— Voici comment vous proc'ederez. Lorsqu’on vous aura livr'e Fant^omas, 'ecoutez bien…
30 – LE SOURIRE DE JUVE
Depuis pr`es d’une heure, Juve causait avec M. Anselme Roche, l’'energique procureur g'en'eral du tribunal de Saint-Calais.
Juve, assis dans un grand fauteuil, dans une posture de qui'etude et de calme, contrastait par son attitude avec l’agitation extr^eme du magistrat.
Tandis que M. Anselme Roche fulminait, levait les bras au ciel, assenait de violents coups de poing sur son bureau d’o`u les paperasses tombaient en d'esordre, Juve, au contraire, demeurait souriant, tranquille, serein. Il avait cet air radieux qui lui 'etait propre lorsque apr`es de longues enqu^etes, de terribles fatigues, d’invraisemblables dangers, il arrivait enfin au but que se proposait son inlassable 'energie.
Juve souriait et vraiment Juve pouvait sourire.
`A peine les deux gendarmes qui l’accompagnaient l’avaient-ils conduit au cabinet du procureur que celui-ci, sans m^eme que Juve ait eu `a intervenir, les avait cong'edi'es. Les gendarmes partis, M. Anselme Roche, d’une voix rauque, d’une voix tremblante, avait commenc'e `a interroger celui qu’il prenait pour Fant^omas.
— Asseyez-vous, avait dit le procureur.
C’'etait contraire `a tous les usages, car un magistrat n’a gu`ere l’habitude de faire asseoir les pr'evenus ou les inculp'es qu’il mande `a son cabinet : Juve en avait 'et'e surpris, et flegmatiquement avait r'epondu :
— Vous ^etes trop aimable.
M. Anselme Roche avait repris :
— J’irai droit au but, Fant^omas. Comment se fait-il que vous ayez ce matin m^eme servi les int'er^ets de la justice en faisant une enqu^ete extraordinaire `a Bess'e-sur-Braye ? Que savez-vous du crime que vous y avez d'ecouvert ? Que voulez-vous dire ? Que voulez-vous avouer ?
Juve avait 'ecout'e sans sourciller les questions que lui posait nerveusement son interlocuteur.
Lorsque M. Anselme Roche s’'etait tu, attendant ses r'eponses, Juve, tr`es tranquillement, exag'erant m^eme son attitude d’indiff'erence, se leva de la chaise qu’il occupait, s’inclina, et d’un petit ton badin commenca :
— Permettez-moi de me pr'esenter, monsieur le procureur, avant de vous r'epondre, ou plut^ot avant de r'epondre `a certaines de vos questions. Vous avez tout `a l’heure fait une confusion d’ailleurs bien excusable. Vous m’avez appel'e : Fant^omas. Je ne suis pas Fant^omas. Je n’ai jamais 'et'e Fant^omas. Fant^omas est depuis longtemps libre, hors de prison, `a l’abri de la poigne des gendarmes, et moi, moi qui vous parle, moi, que l’on vient d’extrader de Belgique, je suis. Voyons, monsieur le procureur g'en'eral, vous ne devinez pas qui je suis ?