Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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Cependant, `a l’entr'ee de l’'eglise, le cort`ege s’'etait form'e. Juve et Fandor voyaient alors, cependant que l’'eglise s’emplissait de chants superbes, un spectacle extraordinaire : la mari'ee paraissait la premi`ere au bras d’un vieil homme que le policier et le journaliste ne connaissaient aucunement. Ils le regard`erent d’ailleurs fort peu. Leur attention se fixait sur la future 'epouse du baron Stolberg et tous deux demeuraient interdits, plus troubl'es qu’auparavant, plus perplexes aussi. L’un et l’autre connaissaient Merc'ed`es pour l’avoir vue `a maintes reprises et dans les circonstances les plus diverses. Certes, la future 'epouse baissait la t^ete, dans une attitude si recueillie qu’il 'etait impossible de distinguer les traits de son visage que dissimulait d’ailleurs un long voile, mais rien, dans sa silhouette, dans sa tournure, ne rappelait la fianc'ee. Merc'ed`es 'etait fine, menue, 'el'egante, gracieuse, la mari'ee, au contraire, 'etait grande, carr'ee d’'epaules, sans gr^ace et vraisemblablement sans charme. 'Etait-il possible qu’une robe nuptiale modifi^at `a ce point la silhouette d’une femme ?
La surprise de Juve et Fandor allait en s’accroissant. Derri`ere l’'epous'ee, au bras d’une dame 'egalement inconnue d’eux, s’avancait un homme en habit, le fianc'e, le futur mari, le baron Stolberg `a coup s^ur.
— Eh bien, non, d'eclara Fandor, ca n’est pas lui. J’ai vu bien des fois Fant^omas et il ne saurait, en aucune facon, se donner l’allure de ce jeune homme fluet, mince, aux mains petites, `a la peau d'elicate.
Juve avait la m^eme impression :
— J’ai vu une fois Fant^omas en baron Stolberg, ce n’est pas lui.
La c'er'emonie, toutefois, commencait. Les membres du cort`ege s’'etaient install'es dans l’enceinte r'eserv'ee `a la famille, et il semblait `a Juve, que, volontairement ou non, tous ces gens en s’asseyant se serraient les uns contre les autres, semblaient faire une sorte de barri`ere, s'eparant du public les deux futurs 'epoux qui venaient de s’installer dans les grands fauteuils qui leur 'etaient r'eserv'es.
Au dehors, les cloches sonnaient `a toute vol'ee, cependant que, dans la grande nef, tout embaum'ee d’un encens qui montait en nuages floconneux et 'epais vers les vo^utes, la c'er'emonie commencait. Les pr^etres, selon l’ordonnance, s’'etaient avanc'es un par un et l’officiant, rev^etu de ses plus beaux v^etements du culte, commencait les rites sacr'es, assist'e de deux enfants de choeur.
Cependant qu’on c'el'ebrait la messe, Juve et Fandor, de plus en plus interloqu'es, s’interrogeaient `a voix basse :
— Ce ne sont pas eux, murmurait Fandor.
— Ce sont eux. Regarde plut^ot derri`ere toi, regarde !
Et, d’un geste imperceptible, le policier montrait `a Fandor, perdus dans l’assistance, quelques silhouettes suspectes de gens mal fam'es, d’^etres mal r'eput'es, la bande de Fant^omas. Et Juve poursuivit :
— Nous ne savons pas o`u est Fant^omas, mais Fant^omas est l`a. Chaque seconde qui s’'ecoule nous rapproche du moment fatal o`u le mariage du baron Stolberg avec Merc'ed`es de Gandia sera d'efinitivement consomm'e, tant au point de vue de la loi francaise que de la loi espagnole. Or, nous avons jur'e `a don Eugenio que nous emp^echerions cette sinistre aventure de se produire : nous l’emp^echerons `a tout prix.
— Juve, murmura Fandor qui, du coin de l’oeil suivait les diverses 'etapes de la c'er'emonie, cela va ^etre fait. Le pr^etre s’approche d’eux. Il leur donne une bague. Juve que faites-vous ?
Fandor poussa un cri qui fit se retourner l’assistance. Le policier avait bondi. Avec violence, il 'ecarta les gens qui lui barraient le passage, fonca sur la haie d’individus qui, dans le choeur, constituaient une barri`ere vivante le s'eparant des deux 'epoux. Et Fandor s’'elancait derri`ere lui, sans savoir ce qu’ils allaient faire, mais n’ayant `a ce moment qu’un but, qu’une pens'ee, agir comme agirait Juve, lui pr^eter main forte.
Le pr^etre s’'etait recul'e, il balbutia encore machinalement quelques paroles, celles qui consacraient l’union d'efinitive. Les deux 'epoux, rapidement, avaient 'echang'e leurs bagues, leur mariage 'etait achev'e. Mais, `a ce moment, Juve se pr'ecipitait sur l’homme qui jouait le r^ole de l’'epoux et l’appr'ehendait par le bras.
— Au nom de la Loi, d'eclara-t-il.
Le policier n’acheva pas. C’'etait, dans l’'eglise, une clameur immense, une bousculade insens'ee. Tout le monde se pr'ecipita, des cris retentirent :
— Au voleur ! `a l’assassin ! c’est un fou. Au secours !
Fandor, toutefois, avait eu le temps de voir ce qui s’'etait pass'e. Plus rapide que l’'eclair, au moment o`u Juve avait bondi sur le futur 'epoux, la mari'ee, sortant de dessous son voile un poignard, en avait frapp'e le policier. Elle visait au coeur. Juve, par bonheur, n’avait 'et'e atteint qu’au bras. Mais le voile s’'etait soulev'e, et Fandor, malgr'e son audace, en apercevant le visage de la femme, avait recul'e d’effroi. Mais il r'eagissait aussit^ot, se pr'ecipitait sur la mari'ee au moment o`u elle s’enfuyait, il la retenait par sa robe, celle-ci se d'echira. Et alors, on vit dans le choeur de l’'eglise de la Madeleine, un spectacle inoubliable, extraordinaire et stup'efiant : la robe enti`ere de la mari'ee se d'etachait, le voile tombait aussi, et, sous ce pur v^etement, apparaissait une silhouette noire, celle d’un homme envelopp'e d’un long maillot qui moulait les formes de son corps. D’un geste brusque, il avait abattu sur son visage un loup noir qui lui masquait les traits.
Mais, quoique le geste e^ut 'et'e rapide, Fandor avait reconnu le Monstre, et il hurlait :
— Fant^omas !
Et, d`es lors, il comprenait. D'ecid'ement, l’ing'eniosit'e du bandit 'etait invraisemblable, in'epuisable. Oui, Fant^omas avait tout pr'evu. Il s’'etait dout'e que, peut-^etre, ses adversaires seraient l`a au moment o`u il accomplirait l’acte le plus audacieux de sa formidable carri`ere : son mariage avec la ni`ece de l’infant d’Espagne.
Et, pour les induire en erreur une fois de plus, il avait rev^etu des v^etements de femme, une robe de mari'ee. Cependant que Merc'ed`es de Gandia, travestie en homme, jouait `a c^ot'e de lui le r^ole du baron Stolberg.
— Fant^omas ! r'ep'eta Fandor.
Et il se pr'ecipita sur lui, mais le bandit, avec une agilit'e surprenante, avisant un lustre au-dessus de sa t^ete, s’y cramponna, y grimpa avec une souplesse de gymnaste consomm'e.
La silhouette noire de Fant^omas se perdit un instant dans le scintillement des cierges allum'es auxquels se m^elaient des ampoules 'electriques, puis, ce fut soudain un vacarme 'epouvantable, cependant que, d’une hauteur de deux m`etres environ, un bolide lumineux s’'ecroulait `a terre, tombant sur Merc'ed`es de Gandia qu’il 'ecrasait. C’'etait le lustre qui venait de se d'etacher, arrach'e de son c^able soit par le poids de Fant^omas, soit parce que celui-ci, calculant son but, en avait tranch'e la corde.
Les invit'es, terroris'es, abasourdis, auxquels se m^elaient de nombreux complices de Fant^omas, assistaient encore `a un spectacle plus extraordinaire.
Rapidement, Fant^omas s’enlevait au bout du c^able o`u pendait le lustre quelques instants auparavant. Il montait vers les vo^utes avec la plus grande facilit'e. En effet, les lustres des 'eglises sont soutenus par des contrepoids, et d`es que Fant^omas, plus l'eger que le lustre, s’agrippait `a la corde, celle-ci, gr^ace aux contrepoids, montait jusqu’au sommet des vo^utes.