Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
Шрифт:
— 'Evidemment.
— Quoi, cela ne vous surprend pas, Juve ?
— Non, Fandor, fit le policier, car n'ecessairement Fant^omas devait ^etre le baron Stolberg et cela nous donne la cl'e du myst`ere. Oui, poursuivit Juve en se levant, tout s’explique d'esormais. Fant^omas a d^u manigancer cette affaire de longue date, il a surpris, connu vos projets, monseigneur. Il a su dans quel esprit g'en'ereux, 'elev'e vous aviez d'ecid'e de faire passer pour morte votre ni`ece Merc'ed`es, afin de la sauvegarder. Il a facilement identifi'e la personnalit'e de M lle de Gandia, avec celle de la pierreuse connue dans le monde des apaches sous le nom de La Recuerda. Il a su que, vivante, elle 'etait propri'etaire d’une immense fortune et il s’est dit ceci : je l’'epouserai, j’en ferai ma femme, je deviendrai, par suite, le propri'etaire de ses biens inestimables dont h'erite actuellement l’infant d’Espagne et qu’il sera oblig'e de restituer s’il est d'emontr'e que sa ni`ece est vivante. Fant^omas, alors, sous divers d'eguisements, a organis'e toute son affaire. N’osant pas vous accuser au grand jour d’avoir faussement enterr'e Merc'ed`es de Gandia, il a invent'e le fant^ome du cimeti`ere Montmartre, et, tout en commettant les vols et les crimes sous le couvert de cette apparition, il a, en semant l’'epouvante au pont Caulaincourt, attir'e l’attention g'en'erale sur la tombe de la jeune princesse, et obtenu ce qu’il voulait, `a savoir : les aveux de Barnab'e et l’ouverture du cercueil.
— Et, poursuivit l’infant abasourdi par ces r'ev'elations qui ne laissaient rien dans l’ombre, j’ai 'et'e moi-m^eme au-devant de ses d'esirs en faisant annuler l’acte de d'ec`es de Merc'ed`es de Gandia. D`es lors, plus rien ne s’oppose au mariage de Merc'ed`es de Gandia avec le soi-disant baron Stolberg.
Fandor, qui, depuis quelques instants, 'ecoutait avec une surprise croissante les d'eclarations de Juve, ne put s’emp^echer d’interroger :
— Mais, que chantez-vous l`a ? Fant^omas a l’intention d’'epouser la ni`ece de don Eugenio ?
— Tais-toi, fit Juve, je t’expliquerai plus tard ce que tu ne comprends pas.
Puis, serrant les poings, le policier se tourna vers l’infant et d'eclara :
— Nous emp^echerons ce mariage, monseigneur !
`A ce moment, la sonnerie du t'el'ephone retentit. Don Eugenio se pr'ecipita sur l’appareil.
— All^o, all^o, oui, c’est moi. Ah mon Dieu, murmura-t-il, ce n’est pas possible ! Si. Que dites-vous ? j’entends bien, en effet. Ah, mon Dieu !
`A l’autre bout du fil, h'elas, on parlait en espagnol, mais Juve connaissait suffisamment cette langue, pour comprendre. Lorsque la conversation fut termin'ee, les deux hommes se regard`erent.
— Eh bien ? interrogea Fandor, furieux d’^etre ainsi laiss'e `a l’'ecart, me direz-vous ce dont il s’agit ?
Juve se tournait vers lui :
— Il y a, fit-il, que l’on vient de t'el'ephoner `a Son Altesse du consulat d’Espagne, pour l’informer que deux personnes venaient d’apporter leur certificat de mariage, c'el'ebr'e ce matin m^eme `a la mairie du VIII e arrondissement. On a cru devoir en avertir don Eugenio, car il s’agit de M lle Merc'ed`es de Gandia qui vient de s’unir l'egalement au baron Stolberg.
— Comment est-ce possible, demanda Fandor ?
— Merc'ed`es de Gandia, orpheline, 'emancip'ee et majeure depuis quelques mois d'ej`a, avait parfaitement le droit de s’unir sans solliciter le consentement de personne. Quant `a Fant^omas, il a d^u produire des papiers parfaitement en r`egle pour que l’union du baron Stolberg soit des plus r'eguli`eres.
Juve paraissait d'esesp'er'e.
— C’est fait, d'eclara-t-il, nous arrivons trop tard !
Mais don Eugenio sursauta :
— Peut-^etre pas, fit-il. Si la loi francaise ne reconna^it que le mariage civil, la loi espagnole veut, pour que l’union soit r'eguli`ere, qu’il soit accompagn'e du mariage religieux.
Juve se pr'ecipita sur le t'el'ephone, redemanda le consulat d’Espagne :
— Fant^omas, grommelait-il, doit ignorer ce d'etail.
Lorsqu’il eut la communication, le policier la passait `a don Eugenio :
— Demandez-leur, dit-il, s’ils n’ont pas connaissance d’une c'er'emonie religieuse quelconque.
L’infant posa la question, puis l^acha l’appareil, et d’une voix blanche, il murmura :
— Fant^omas a pens'e `a tout, il se marie aujourd’hui `a midi pr'ecis `a l’'eglise de la Madeleine.
Juve bondit, mais Fandor consulta sa montre :
— Onze heures trois quarts, d'eclara-t-il, peut-^etre avons-nous encore le temps !
***
C’'etait une belle matin'ee de printemps et un soleil radieux illuminait la ville. La circulation intense des boulevards fut soudain arr^et'ee pendant quelques minutes, alors que toutes les horloges du voisinage marquaient midi. Un long cort`ege de voitures arrivaient au grand trot devant l’'eglise de la Madeleine, sur les marches de laquelle on avait d'eploy'e un vaste tapis rouge. Le porche de l’'eglise 'etait orn'e de plantes vertes et de superbes gerbes de fleurs qui r'epandaient `a l’entour de d'elicieux parfums. Par la grande porte de l’'eglise, ouverte `a deux battants, on apercevait la nef, toute scintillante de cierges allum'es, cependant que les grandes orgues entonnaient une marche nuptiale. Une foule assez nombreuse 'etait d'ej`a dans le choeur de l’'eglise et attendait avec impatience, semblait-il, l’arriv'ee du cort`ege. Depuis quelques instants d'ej`a, `a la foule des invit'es et des curieux deux hommes s’'etaient m^el'es, qui 'eprouvaient une vive 'emotion : c’'etaient Juve et Fandor.
Le journaliste et le policier, un quart d’heure auparavant, s’'etaient pr'ecipit'es comme des fous hors du somptueux h^otel de l’infant d’Espagne. Ils avaient la chance de trouver tout de suite un taxi-auto qui les conduisait `a toute vitesse `a l’'eglise de la Madeleine et ils y p'en'etraient quelques instants avant l’arriv'ee du cort`ege. Ils avaient interrog'e les suisses `a l’entr'ee de l’'eglise, on leur avait r'epondu qu’il s’agissait bien du mariage de M. le baron Stolberg avec M lle Merc'ed`es de Gandia. Et d`es lors, Juve et Fandor s’'etaient regard'es, interdits, stup'efaits, car ils s’attendaient peu `a cette r'eponse.
Certes, ils croyaient `a l’audace de Fant^omas, ils connaissaient par exp'erience la folle t'em'erit'e du bandit, mais jamais ils n’auraient imaginer qu’il serait assez audacieux, assez fou, pour risquer une pareille aventure et venir se marier ainsi `a la face de tous, sous le nom qui le d'eguisait `a peine, de baron Stolberg.
Juve et Fandor, lorsqu’ils faisaient le trajet d’Auteuil `a la Madeleine, avaient, apr`es discussion, conclu que cela 'etait impossible. Ils avaient suppos'e qu’en arrivant `a la Madeleine, ils verraient les pr^etres unir un tout autre couple.
Or, ils avaient 'et'e d'etromp'es. C’'etait bien le mariage du baron Stolberg et de Merc'ed`es de Gandia que la religion catholique allait consacrer. Juve s’'etait avanc'e le plus pr`es possible de l’enceinte r'eserv'ee aux futurs 'epoux et `a leur famille. D’un oeil fixe, il consid'erait les deux fauteuils dor'es `a parements de velours avanc'es sur la nef au pied du choeur, et dans lesquels, d’ici quelques instants, les mari'es viendraient prendre place.
Juve fr'emissait de tout son ^etre. Fandor serrait les poings. Les deux hommes, anxieux, attendaient.