Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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`A un moment donn'e, alors que l’on approchait du carrefour de la rue Turbigo, la limousine bleue obliqua brusquement sur la gauche et vint donner avec violence dans un camion qui stationnait le long du trottoir.
En l’espace d’une seconde, une foule 'enorme s’attroupait autour du v'ehicule.
— Encore un accident ! criait-on.
Le m'ecanicien, qui n’'etait autre que Michel, semblait fort ennuy'e de ce qui venait de lui arriver. Il 'etait descendu de son si`ege et se couchait `a moiti'e sous sa voiture, puis r'eapparaissait, satur'e d’huile et de graisse :
— Je n’y comprends rien, grommelait-il, c’est la direction qui m’a l^ach'e, j’ai fait une embard'ee bien malgr'e moi. Ah sapristi que c’est ennuyeux !
Les sergents de ville s’'etaient approch'es, ils tiraient leurs calepins pour constater les d'eg^ats, prendre note du nom des propri'etaires. `A l’int'erieur de la limousine, cependant, les voyageurs 'etaient fort perplexes. Il y avait l`a don Eugenio qu’accompagnait un secr'etaire du roi.
L’infant d’Espagne avait eu tr`es peur au moment o`u s’'etait produit l’accident. Une des glaces de la voiture s’'etait bris'ee, il avait failli ^etre atteint par un 'eclat de verre.
Mais ce qui le pr'eoccupait surtout, c’'etait le retard que cet incident occasionnait. L’heure du d'epart du train 'etait proche.
— Nous allons manquer la correspondance, d'eclara-t-il, l’air inquiet.
Et don Eugenio, tout en interrogeant le m'ecanicien pour obtenir de lui quelques renseignements sur la gravit'e de la panne, jetait des yeux autour de lui, cherchant `a apercevoir un taxi, une voiture quelconque qu’il pourrait prendre afin de gagner la gare du Nord.
Or, au moment o`u il se penchait `a la porti`ere, un homme s’en approchait : il faisait nuit. L’infant d’Espagne ne pouvait le distinguer, d’autant que cet homme 'evitait de se montrer de face `a don Eugenio. Il s’inclina toutefois respectueusement devant lui et prof'era `a voix basse :
— Monsieur, j’appartiens au service de la Pr'efecture, j’ai une voiture `a votre disposition. Voulez-vous quitter celle-ci et monter dans la mienne ?
— Ah monsieur, r'epliqua l’infant d’Espagne, j’accepte volontiers, vous me rendez grand service !
Cet homme n’'etait autre que Juve.
Quelques instants plus tard, le policier s’installait sur le si`ege de sa voiture, laissant l’int'erieur de la limousine `a la libre disposition de l’infant et du secr'etaire du roi, puis, sur l’ordre de Juve, la voiture d'emarrait.
— Attention, maintenant, recommanda le policier au chauffeur, t^ache de multiplier les incidents pour que nous perdions encore dix minutes.
La voiture avait `a peine parcouru quelques m`etres qu’une d'etonation 'eclatait. Le m'ecanicien serra ses freins, sauta `a bas du v'ehicule :
— Un pneu, d'eclara-t-il.
L’infant d’Espagne se penchait `a la porti`ere.
— Roulez tout de m^eme, mon ami, je vous en prie, roulez `a plat, cela n’a pas d’importance, il faut que nous arrivions.
Le m'ecanicien obtemp'era, remit son moteur en route, mais ou bout de deux cents m`etres le moteur calait. Cela d’ailleurs 'etait compr'ehensible, le pilote avait tout simplement coup'e l’allumage.
Mais l’infant d’Espagne 'etait `a cent lieues de se douter que ces divers incidents 'etaient volontairement d'etermin'es et le malheureux don Eugenio tenant perp'etuellement sa montre `a la main, voyait les minutes passer avec une foudroyante rapidit'e ; il se lamentait de plus en plus :
— Nous n’arriverons pas !
Le moteur repartit cependant, la voiture marcha normalement pendant quelques centaines de m`etres, puis, ce furent encore de longs instants perdus dans un encombrement, au milieu duquel le m'ecanicien faisait preuve d’une h'esitation et d’une maladresse insignes.
Juve, toujours impassible sur son si`ege, murmurait des paroles d’encouragement au chauffeur :
— Tr`es bien, tr`es bien, parfait, d'eclarait-il.
Lorsqu’on arriva enfin au boulevard Denain, la facade de la gare du Nord surgit soudain devant eux, Juve ricana d’un air de triomphe :
Il venait d’apercevoir la pendule :
— Neuf heures trois, cria-t-il. Ca y est, le train est manqu'e !
La voiture n’'etait pas encore arr^et'ee dans la cour de la gare que l’infant d’Espagne se pr'ecipitait, et ce mouvement avait 'et'e fait si vite que Juve eut une 'emotion :
— H'e l`a ! pensa-t-il, il ne faut pas encore qu’il se d'ep^eche tant, nous n’avons en somme que deux minutes de retard, si par hasard le train 'etait encore l`a ?
L’infant d’Espagne gagnait le quai par les voies les plus directes. Juve courut derri`ere lui.
— Monseigneur, fit-il, venez pas ici ! Coupons au plus court.
Un peu ahuri, don Eugenio, reconnut en cet interpellateur l’agent de la S^uret'e qui venait de lui pr^eter sa voiture.
Et, machinalement, convaincu que ce complaisant personnage allait lui faire gagner du temps, il rebroussa chemin et suivit Juve qui d'esormais l’entra^inait par des lieux compliqu'es, difficiles `a suivre, au milieu de salles de bagages.
Les deux hommes arriv`erent `a une porte vitr'ee. Elle 'etait ferm'ee `a cl'e.
— Ah, sapristi ! cria Juve, en feignant un d'esespoir qu’il 'etait loin d’'eprouver, c’est une malchance extraordinaire !
Les deux hommes rebrouss`erent chemin, perdirent encore quelques minutes, lorsque enfin, ils parvinrent sur le quai de d'epart, la voie sur laquelle avait stationn'e le rapide de Calais 'etait vide. L’infant d’Espagne avait manqu'e son train.
Et, d`es lors, tandis que, interloqu'e, abasourdi, le grand personnage demeurait sur le quai, Juve se montra.