Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— J’ai eu cet honneur.
— Bien, j’imagine que dans votre profession vous ^etes amen'e `a prendre un contact direct non seulement avec les familles, mais encore avec les d'efunts eux-m^emes. Je veux savoir si vous avez vu personnellement la ni`ece de l’infant d’Espagne ?
— J’ai vu la morte, en effet, monsieur.
— Pourriez-vous la d'ecrire ?
— C’'etait une personne de vingt `a vingt-cinq ans environ, assez grande, jolie, m’a-t-il sembl'e, elle avait un beau teint, autant que j’ai pu m’en rendre compte, les cheveux ch^atain clair.
— Ch^atain clair ?
— Oui, monsieur.
Le policier se penchait `a l’oreille de M. Havard et lui murmura tout bas :
— Merc'ed`es de Gandia, m’a-t-on dit, 'etait brune, tr`es brune, il y a l`a quelque chose d’anormal.
— Ch^atain… brun, cela se ressemble, 'etant donn'e surtout que Coquard n’a pas d^u se livrer `a un examen approfondi.
— En effet, monsieur, r'epondit le courtier qui avait entendu la fin de cette phrase, nous n’insistons pas d’ordinaire pour ne point para^itre indiscrets.
— Le m'edecin qui a d'elivr'e le permis d’inhumer vous est-il connu ?
— Oui, monsieur, r'epondit le courtier, je suis perp'etuellement en relations avec lui, vous comprenez, cela s’impose. Dans ma profession, les docteurs comme les pharmaciens et les concierges sont nos meilleurs indicateurs, bien souvent m^eme…
— Ce m'edecin est-il honorablement connu ?
— Oui, monsieur.
— De quoi M lle Merc'ed`es de Gandia est-elle morte ?
— Je ne saurais vous dire, monsieur, vous comprenez dans ces cas-l`a, nous n’interrogeons gu`ere, l’essentiel est pour nous d’enlever l’affaire et d’^etre charg'es des obs`eques. Il y a une telle concurrence… Bien que la maison de Villars soit la plus r'eput'ee, il nous faut d'ejouer les intrigues des autres entreprises.
Quelques instants apr`es, Coquard se retirait et Juve avait not'e l’adresse du m'edecin d’Auteuil qui avait d'elivr'e le permis d’inhumer.
— Nous le ferons interroger.
— Je vous vois venir, fit le chef de la S^uret'e, vous voudriez d'emontrer que l’infant d’Espagne a assassin'e sa ni`ece.
Juve allait r'epondre. On frappa `a la porte. C’'etait un gardien du d'ep^ot :
— Monsieur le chef de la S^uret'e, d'eclara l’homme, un des individus arr^et'es, cette nuit pr'etend avoir une d'eclaration `a faire. Il demande `a vous voir d’urgence.
— Qui est-ce ?
— Barnab'e, le fossoyeur.
— Qu’on l’am`ene, ordonna M. Havard.
Quelques instants plus tard, Barnab'e 'etait introduit.
— Vous avez `a parler ?
Le fossoyeur h'esitait.
— Voyons, fit Juve doucement, reprenez vos esprits, et racontez-nous ce que vous avez `a dire.
Barnab'e encourag'e, retrouva peu `a peu sa lucidit'e, fit `a ses deux interlocuteurs abasourdis le r'ecit de l’aventure 'etrange o`u il avait jou'e son r^ole, en compagnie du p`ere Teulard.
Juve, `a trois reprises fit r'ep'eter son r'ecit `a Barnab'e. Lorsqu’on eut reconduit le fossoyeur au d'ep^ot, M. Havard, d’un air triomphant, interrogea Juve :
— Eh bien, cela se complique ? Mais du m^eme coup votre th'eorie est d'etruite.
— Pourquoi ? fit le policier.
— Voyons, reprit M. Havard, si l’infant d’Espagne avait assassin'e sa ni`ece, on aurait retrouv'e son cadavre dans la bi`ere qui devait le contenir, du moment qu’on a simul'e des obs`eques, c’est qu’il n’y avait personne de mort.
— Je ne dis pas non, fit Juve, tout cela dissimule un myst`ere, et l’attitude de l’infant d’Espagne me semble de plus en plus suspecte. Comment admettre, en effet, qu’un homme qui se pr^ete `a une telle supercherie n’a pas commis quelque acte r'epr'ehensible, n’a pas tout au moins quelque mauvais dessein ?
— Et qui vous dit que l’infant n’est pas victime lui-m^eme de ce faux enterrement ?
Juve se tut, r'efl'echit un instant. Soudain, il se rapprocha de son chef. Puis, lui mettant famili`erement la main sur l’'epaule, il affirma :
— Tout cela, reconnaissons-le, puisque nous sommes en t^ete-`a-t^ete, reste encore incompr'ehensible, mais il nous suffirait d’un d'etail, d’un rien, pour poss'eder la clef de tout le myst`ere.
— Oui, reconnut M. Havard, je suis bien de votre avis, malheureusement. Quel est ce d'etail ?
— Si Fant^omas a enterr'e Delphine Fargeaux vivante, c’est qu’assur'ement il voulait se d'ebarrasser d’elle, sans doute parce qu’elle devenait g^enante. Pourquoi Fant^omas a-t-il justement choisi pour l’ensevelissement de Delphine le cimeti`ere de Montmartre ? N’y aurait-il pas un lien quelconque `a 'etablir avec la mort simul'ee de Merc'ed`es de Gandia ? Mais pourquoi les manifestations du fant^ome ?
Cependant que Juve r'efl'echissait ainsi, ne voulant faire part de ses d'eductions `a M. Havard qui certainement en aurait souri, le directeur de la S^uret'e mit son chapeau et d'eclara :
— Si vous voulez bien Juve, nous reprendrons cet entretien plus tard. Je vais dormir quelques heures, car je suis ext'enu'e.
***
Il 'etait environ neuf heures du soir. M. Havard 'etait all'e prendre pendant tout l’apr`es-midi le repos qu’il convoitait. Quant `a Juve, bien trop 'enerv'e pour pouvoir se coucher, il avait, avec une activit'e f'ebrile, effectu'e de nombreuses enqu^etes ; d'esormais, il se trouvait chez lui dans son appartement de la rue Tardieu et causait avec animation avec Fandor. Les deux hommes une fois encore, se retrouvaient seuls dans le bureau du policier, dans la pi`ece qu’il avait reconstitu'ee identique ou tout comme, `a celle qu’il avait occup'ee jadis dans son vieil appartement de la rue Bonaparte auquel il ne pouvait penser sans un frisson de rage `a l’id'ee que son effroyable ennemi Fant^omas, sans cesse acharn'e contre lui, avait 'et'e jusqu’`a d'etruire la seule chose que poss'edait Juve : son home de vingt ann'ees.