Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— De la baudruche, s’'ecria Fandor.
— Tu l’as dit, s’'ecria le policier qui ajoutait :
— Et une baudruche assez consistante pour demeurer gonfl'ee si d’aventure on y introduit de l’air comprim'e, de l’air souffl'e. Oh rien n’est plus simple `a comprendre d'esormais, le myst'erieux personnage qui s’est plu `a nous donner le spectacle terrifiant et incompr'ehensible de ce spectre n’a pas fait un grand effort d’imagination pour concevoir cet appareil. On vend dans le Marais des bonshommes en baudruche de ce genre, `a bas prix. Il lui a suffi de s’en procurer quelques-uns et de leur mettre ces v^etements qui ont si bien intrigu'e tout le monde et sem'e la peur.
— Mais, comment se fait-il que jusqu’`a pr'esent personne n’ait eu cette id'ee ? Je ne comprends pas que moi-m^eme, lorsque j’ai eu des v^etements semblables `a ceux que nous poss'edons maintenant entre les mains, je n’ai point d'ecouvert cette baudruche qui, assur'ement, m’aurait fait comprendre.
— Cela s’explique, interrompit Juve, pour cette bonne raison que l’auteur du spectre `a toujours pris la pr'ecaution de faire dispara^itre sa baudruche avant qu’on ne vienne se saisir des v^etements, sans quoi il est bien 'evident, Fandor, que le premier imb'ecile venu aurait trouv'e ce que je viens de d'ecouvrir.
— Mais, pourquoi, la raison de tout cela ?
Juve, sans doute, allait r'epondre, lorsque des appels retentirent :
— Juve ! O`u ^etes-vous ?
Le policier accourut, suivi de Fandor. Les deux hommes arrivaient dans un groupe o`u se trouvaient le chef de la S^uret'e, quelques agents de police, puis L'eon et Michel. Ceux-ci maintenaient, soutenaient pour mieux dire, le grand fossoyeur Barnab'e, plus terrifi'e, plus blafard encore que quelques instants auparavant :
— Cet homme est fou, grommelait Michel, je ne sais pas ce qu’il raconte, nous l’avons surpris au moment o`u il voulait sortir du cimeti`ere, il n’a d’ailleurs pas oppos'e de r'esistance, bien au contraire. Lorsque nous nous sommes r'ev'el'es `a lui, il a paru satisfait, il nous a dit :
— Oui, dit Barnab'e. Peut-^etre est-il temps encore.
Et il entra^ina les hommes.
M. Havard expliquait :
— C’est un des fossoyeurs attitr'es du cimeti`ere, il est 'evidemment tr`es 'emu par l’assassinat de son coll`egue, le p`ere Teulard, qu’il vient de voir tomber `a ses pieds, frapp'e d’une balle.
Juve interrogeait Barnab'e :
— Que voulez-vous faire ? demanda-t-il, pourquoi faut-il agir d’urgence ?
— L`a ! dit Barnab'e.
Et tout son corps tremblait tandis qu’il parlait :
— Il y a une femme enterr'ee vivante. Si l’on se d'ep^eche, peut-^etre pourra-t-on… ?
Mais L'eon et Michel avaient avis'e aussit^ot et, sur un signe de M. Havard, d’accord avec les agents qui se trouvaient l`a, ils prirent ces m^emes outils avec lesquels, une demi-heure auparavant, Teulard et Barnab'e avaient enseveli Delphine Fargeaux.
Et Barnab'e lui-m^eme, renaissant `a l’espoir, avait une large pelle et, d'eployant une vigueur extraordinaire, creusait la fosse qu’il avait lui-m^eme si tragiquement combl'ee quelques instants plus t^ot.
***
C’'etait un spectacle effroyable et tragique qui se d'eroulait dans une grande salle vide, mal 'eclair'ee : le hall d’entr'ee de la maison qui servait de conciergerie au cimeti`ere et au premier 'etage duquel habitait le gardien.
Le sol 'etait dall'e de mosa"iques noires et blanches, et sur ce sol, froid, glacial, humide, on avait 'etendu la grande horloge normande, toute satur'ee de terre humide ; le couvercle, depuis longtemps, 'etait arrach'e, et de l’int'erieur de cet extraordinaire cercueil, on avait bien retrouv'e un ^etre humain.
Les uns et les autres avaient reconnu Delphine Fargeaux.
Comment se trouvait-elle l`a ? Par suite de quelles effroyables circonstances la malheureuse femme avait-elle 'et'e enferm'ee dans cette bi`ere d’un nouveau genre et ensevelie myst'erieusement au milieu de la nuit ?
Devant son immobilit'e, `a la vue de sa teinte cadav'erique, M. Havard avait hauss'e les 'epaules :
— Parbleu, cette femme est morte, bien morte.
Comme beaucoup d’autres il songeait, en effet, qu’un simple s'ejour d’une demi-heure sous terre devait suffire `a d'eterminer une asphyxie `a laquelle la mort succ'edait forc'ement.
Mais un d'etail n’avait pas 'echapp'e `a Juve. C’'etait l’insupportable odeur de chloroforme qui se d'egageait des v^etements de la malheureuse. Le policier conservait un espoir, peut-^etre les fonctions du corps 'etant suspendues par le soporifique, la malheureuse ensevelie vivante, comme l’avait assur'e Barnab'e, pouvait ^etre rappel'ee `a la vie.
On 'etait all'e chercher un m'edecin. L’homme de l’art ne tarda pas. On 'ecouta sa d'ecision. Ce fut un cri de joie qui 'eclata lorsque, dans le silence du macabre local, le m'edecin d'eclara :
— Elle vit, nous la sauverons.
***
Quelques instants plus tard, Delphine Fargeaux 'etait install'ee dans la chambre du gardien. La malheureuse femme 'etait interrog'ee doucement par Juve, aupr`es de qui se trouvaient M. Havard et Fandor.
— Voyons, madame, dit le policier, essayez de vous souvenir, ranimez vos esprits, dites-nous ce qui vous est arriv'e.
— Le cocher, dit Delphine, ah comme il sait bien rire. Comme c’est amusant. Mais, par exemple, pourquoi faut-il qu’il y ait des choses si froides autour de moi ?
Puis elle regardait le policier, les gens qui l’entouraient :
— Voici le jour, d'eclara-t-elle, l’aube qui se l`eve. Il n’y a plus de petite femme de Montmartre, c’est l’employ'ee des pompes fun`ebres qui r'eappara^it.
Puis les menacant du doigt, elle hurla, tragique :
— Je vous enterrerai tous, tous, tant que vous ^etes, j’ai d'ej`a pris vos mesures ! Je sais la grandeur des cercueils qu’il vous faut !
Delphine Fargeaux, voulut alors bondir hors de son lit, mais le docteur survint, la maintint.